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Shamima Mallam-Hassam : «Il est temps pour Maurice d’avoir un cadre formel pour les critères ESG

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Les multinationales présentes à Maurice s’orientent de plus en plus vers l’outsourcing et délocalisent une grande partie de leurs activités et services des juridictions plus coûteuses vers le centre financier international de Maurice. Selon Shamima Mallam-Hassam, la présidente de Mauritius Finance, Maurice a tendance à être une juridiction préférée car nous avons une main-d’oeuvre qualifiée et qui a de l’expérience dans la gestion et l’administration des fonds et des sociétés.

Quelle est l’importance et la contribution des sociétés de gestion pour le secteur financier mauricien ?

Le secteur des services financiers a célébré ses trente ans l’année dernière. Au cours de ces trois décennies, le secteur s’est solidement établi en tant que pilier majeur de notre économie par sa contribution significative au PIB, à la création d’emplois ainsi qu’aux opportunités de carrière. Je souhaite rappeler que c’est probablement l’unique secteur qui a connu une croissance durant la période de la pandémie de la Covid-19, démontrant encore une fois sa résilience.

Le succès de ce secteur a été rendu possible grâce à de nombreux facteurs : le cadre législatif, la gamme de produits et services que nous proposons, et surtout notre expertise comprenant les banques, les cabinets d’avocats, les experts-comptables et les sociétés de gestion (MC). Celles-ci ont un rôle crucial à jouer dans l’écosystème financier mauricien car toute société souhaitant opérer dans le centre financier international de Maurice doit utiliser une société de gestion qui agit alors comme interface avec le régulateur, les banques et autres institutions.

Dans un contexte qui s’est durablement complexifié, à quelles évolutions du jeu concurrentiel faut-il s’attendre à moyen terme au niveau des sociétés de gestion ?

Le secteur du Global Business a été lancé à Maurice grâce aux entrepreneurs visionnaires mauriciens qui ont saisi les opportunités et les atouts qu’offrait notre cadre législatif ainsi que les traités fiscaux avec des pays amis, nos relations internationales avec des partenaires clés et notre main-d’œuvre qualifiée et compétitive. Toutefois, cette industrie autrefois principalement détenue par des actionnaires mauriciens a connu de nombreux changements au fil de ces dernières années.

Durant cette évolution, nous avons assisté à l’acquisition de ces sociétés par de grandes multinationales qui sont implantées dans de nombreuses juridictions. L’actionnariat et la propriété ont connu des transformations radicales et aujourd’hui, ce sont ces grands groupes qui exercent une influence considérable sur le marché. Nous verrons probablement d’autres consolidations à l’avenir. Ainsi, le paysage actuel comprend à la fois ces vastes multinationales et les sociétés qui restent purement mauriciennes. Ces deux catégories opèrent à des échelles complètement différentes, de même leurs activités et priorités ne sont pas les mêmes.

L’environnement des affaires a évolué avec des règlements de plus en plus contraignants et où l’éthique et la transparence sont capitales. Aujourd’hui, les lois en vigueur dans la plupart des centres financiers imposent une vigilance totale sur toutes les transactions passant par les services des opérateurs. Comment les sociétés de gestion s’arment-elles pour rester conformes aux réglementations internationales ?

La conformité demeure l’élément clé des services financiers. Suite à l’inclusion de Maurice sur la liste noire de l’UE et sur la liste grise du GAFI, les institutions publiques et privées avaient multiplié les initiatives pour renforcer notre cadre législatif de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Ces changements assurent désormais une plus grande efficacité dans la détection, la prévention et la lutte contre les crimes financiers. La juridiction s’est rapidement conformée aux normes internationales et aux meilleures pratiques préconisées par le GAFI, ce qui a permis à Maurice de quitter ces listes en un temps record. Cette capacité à réagir et appliquer les règles a consolidé la réputation et la crédibilité du centre financier international de Maurice.

Les management  companies opérant à Maurice ont dû s’adapter rapidement aux nouvelles réglementations en matière d’AML/CFT en réévaluant leurs processus, leurs systèmes de surveillance et de contrôle ainsi que leurs exercices de due diligence afin de s’aligner sur les normes strictes. Les documents sur l’identification des clients (KYC) sont mis à jour régulièrement. Avec l’accent accru sur la conformité, les sociétés de gestion ont aujourd’hui l’obligation d’avoir toute la documentation sur les activités financières de tous leurs clients pour les besoins d’inspections menées par la Financial Services Commission (FSC).

Les management  companies ont aussi investi dans la formation de leurs employés sur les subtilités et les risques associés à l’AML/CFT, contribuant ainsi à une culture de conformité au sein des sociétés. De nombreuses entreprises ont également mis en place les cadres appropriés pour gérer les risques (risk frameworks) afin de mieux cerner le profil des clients et adapter leur approche en fonction du niveau de risque associé à chaque client. Ces efforts ciblés pour contrer le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ont démontré leur efficacité.

L’augmentation constante des transactions de capital-investissement en Afrique a-t-elle des implications particulièrement positives pour les management companies?

Certainement ! De plus en plus d’entreprises utilisent Maurice et doivent impérativement passer par des sociétés de gestion. Cela a non seulement un impact positif pour les sociétés de gestion, mais aussi pour tout notre écosystème financier incluant les banques, les conseillers fiscaux, les avocats, etc. Toutes ces transactions sont aussi rendues possibles grâce à la facilité de mener des affaires à Maurice, l’absence de contrôle des changes et l’expertise des banquiers et conseillers financiers, entre autres.

Est-ce qu’aujourd’hui les investisseurs examinent de plus en plus attentivement l’évaluation des sociétés de gestion de fonds privés, plaçant ainsi une plus grande responsabilité sur les sociétés de gestion pour garantir une évaluation précise et juste des investissements qu’elles contrôlent ?

Il est vrai que les investisseurs sont plus exigeants, en particulier ceux qui se tournent vers des investissements durables (Socially Responsible Investment). Au-delà de simplement remplir les critères d’exigences établis, ils cherchent des preuves concrètes de l’engagement et de la contribution de l’entreprise aux objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). C’est une bonne attitude car cela évite le greenwashing.

Le processus de due diligence est donc devenu encore plus crucial de nos jours, compte tenu des nouvelles exigences en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. Ces nouvelles règlementations AML/CFT mettent en place des procédures strictes pour vérifier l’identité des parties impliquées dans une transaction ou une activité financière. Cela tend à amener les acteurs du secteur à privilégier une évaluation en continu afin de garantir la conformité.

Avec le développement de l’IA, quelles sont les implications pour les sociétés de gestion ? Doivent-elles procéder à une évaluation de la manière de moderniser davantage leurs systèmes actuels ?

L’industrie des services financiers est en constante évolution. Ignorer l’impact et l’utilité de la technologie peut entraîner un écart concurrentiel et un manque d’efficacité dans les opérations. Les sociétés de gestion doivent se familiariser avec les opportunités décisives qu’offre l’IA pour améliorer l’efficacité opérationnelle, l’analyse des données et la personnalisation des services. En parallèle, le secteur est confronté à un défi majeur de pénurie de main-d’œuvre qualifiée. L’adoption de l’Intelligence Artificielle (IA) peut aider à combler ce déficit en automatisant certains processus.Dans ce qui est généralement une industrie traditionnellement conservatrice, nous voyons beaucoup d’acteurs se lancer dans un voyage pour intégrer l’automatisation et l’intelligence artificielle dans le tissu même de l’entreprise avec un œil sur l’excellence du service à la clientèle, la satisfaction des employés et l’équilibre travail-vie personnelle. Au fil du temps, nous verrons que certains processus répétitifs seront faits par des robots, et cela permettra de réduire les erreurs et de fournir des délais d’exécution encore plus rapides aux clients. L’automatisation sera de plus en plus utilisée comme un moyen d’améliorer l’expérience des employés en réduisant les tâches banales et en libérant le personnel pour des tâches plus rentables et plus gratifiantes qui offrent un réel avantage aux clients, améliorant ainsi l’expérience client.

La juridiction dans son ensemble doit s’engager dans cette transition technologique en partenariat avec le gouvernement et le régulateur, qui peuvent également faciliter l’adoption des technologies.

Alors que nous nous tournons vers l’avenir, il est clair que Maurice doit consolider son offre pour devenir le centre d’investissement durable et d’impact pour l’Afrique et au-delà. Sommes-nous dans la bonne direction ?

Absolument. L’importance de l’impact investment et du sustainable investment ne cesse de croître et les investisseurs et entreprises reconnaissent de plus en plus que la durabilité et la responsabilité jouent un rôle clé dans la création de valeur à long terme. Cette tendance est alimentée par des considérations ESG qui sont désormais intégrées dans la prise de décision, l’évaluation des risques et l’analyse des opportunités.

L’exigence pour les gestionnaires de fonds et les grandes entreprises de rendre compte des mesures ESG permet aux investisseurs de prendre des décisions éclairées. En tant que facilitateur, les sociétés de gestion développent des outils pour soutenir leurs clients, comme des ESG health checks pour évaluer la conformité et évaluer des stratégies pour renforcer l’impact positif.

Avec un paysage ESG de plus en plus robuste à Maurice, on pourrait voir des opportunités s’ouvrir pour les administrateurs de fonds pour aider les gestionnaires de fonds tout au long de leur parcours de mise en œuvre de leur stratégie ESG. L’administrateur du fonds peut proposer des services de collecte des données de métriques ESG des sociétés détenues et de fourniture de statistiques au gestionnaire de fonds. Cela aidera à mesurer adéquatement le rendement par rapport aux objectifs fixés et à produire des rapports qui permettront aux investisseurs d’évaluer l’atteinte des objectifs définis. En plus de l’aide à la production de rapports, l’administrateur de fonds avisé peut également fournir des outils technologiques et analytiques au gestionnaire de placements pour lui permettre de prendre des décisions plus éclairées. En appliquant les données exploitables et l’analyse fournies, le gestionnaire de fonds peut ensuite mettre en œuvre une stratégie ESG qui crée de la valeur tout au long du cycle de vie de l’investissement.

Il est temps pour Maurice d’avoir un cadre formel pour les critères ESG. Au niveau de Mauritius Finance, nous avons déjà fait des propositions en ce sens. Les investisseurs utilisant Maurice comme plateforme d’investissement ont besoin de produits ESG/durables.

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