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Logistique : Retour progressif du fret maritime à des tarifs pré-covid-19

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Pas inquiété par les turbulences en mer noire suivant la guerre d’agression que livre la Russie à l’Ukraine, le commerce international de et vers Maurice s’est remis des affres de la Covid-19 sur le secteur mondial. D’ailleurs, le fret retrouve ces jours-ci ses tarifs d’avant la pandémie. Habitués aux turbulences, les opérateurs demeurent cependant sur le qui-vive, notamment en raison de l’inflation élevée à travers le monde et ses retombées négatives sur la consommation, et par ricochet sur le secteur de la logistique.

REVENU des tumultes de la Covid- 19, les opérateurs mauriciens de la logistique sont actuellement occupés à gérer d’autres défis externes, à l’instar des grèves ou de l’impact du fort taux de l’inflation sur la chaîne logistique, mais aussi internes, à l’exemple de l’amélioration de l’efficacité de Port-Louis. Si les tarifs du transport maritime, qui avaient atteint des records pendant la pandémie, retrouvent ces jours leurs niveaux de 2019 sur certaines routes commerciales et devraient insuffler un nouveau dynamisme au secteur de la logistique en 2023, la menace du ralentissement économique est prégnante. Les opérateurs mauriciens de la logistique demeurent sur le qui-vive sur cet enjeu, comme d’autres enjeux pressants que sont la décarbonation des chaînes d’approvisionnement mondiales et l’éconavigation. Car face au dérèglement climatique, le secteur mondial de la logistique représente environ 3 % des émissions totales de CO2.

Le secteur mondial de la logistique (transports maritime, aérien et terrestre) a été gravement affecté pendant la pandémie. Après s’être contracté de 3,8 % en 2020, le commerce maritime international a rebondi en 2021 avec un taux de croissance estimé à 3,2 % et un volume total de 11 milliards de tonnes de marchandises, chiffre Afzal Delbar, General Manager de Silver Line Services, en se basant sur les données fournies par la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED). «Il y a trois facteurs importants à prendre en compte dans le commerce maritime : les propriétaires de navires, les marins et les conteneurs. Ces trois facteurs ont été profondément affectés, en particulier les marins. Ayant été bloqués en mer pendant une longue période en raison du confinement, beaucoup n’ont pas voulu reprendre la mer.

Toutefois, trois ans après, on peut dire que cet épisode est derrière nous étant donné la stabilisation du fret maritime grâce à un retour à la normale dans le fonctionnement des ports et à la stabilisation des procédures sanitaires», indique notre interlocuteur, qui est également le président de la Federation of Clearing and Forwarding Agents Association.

En grande partie, confirment à la fois Neerish Chooramun, Corporate Manager – Marketing & Communication du groupe Velogic, et Laurent Vigier de Latour, Country Manager de FTL Maurice, l’épisode de la Covid-19 et de ces perturbations sur la chaîne logistique est derrière nous. «Les retombées de la pandémie qui ont secoué le secteur mondial de la logistique ces dernières années, comme la congestion des activités portuaires et les chaînes d’approvisionnement perturbées, sont en grande partie derrière nous. Les coûts du fret aussi sont sur une pente descendante et ne sont plus très loin des taux d’avant la Covid-19.»


LOGISTIQUE : LA BAISSE DU VOLUME DE DEMANDE EST UNE OPPORTUNITÉ POUR DEMEURER AGILE D’APRÈS LES OPÉRATEURS

Si 2023 offrira un certain répit en ce qui concerne les taux de fret, le secteur de la logistique doit se préparer à des temps difficiles car une baisse potentielle de la demande et la menace d’une récession mondiale se profilent à l’horizon. En effet, des pressions inflationnistes fortes et continues sont générées par la volatilité des cours des produits de base, le rehaussement du coût de la vie, le prix des carburants ou encore la guerre russo-ukrainienne. «Bien qu’il n’y ait pas d’impact direct sur toutes les géographies, certaines décisions dues au conflit ont des répercussions par ricochet. Par exemple, la récente décision de la Chine et de la Russie de développer davantage et rapidement la connexion par voie ferrée pour le transport des marchandises aura un impact sur le volume Est-Ouest, et par conséquent sur le déploiement de navires. Le fait que certaines lignes maritimes ne touchent plus les ports russes impacte aussi les services de manière générale», met en exergue Laurent Vigier de Latour, Country Manager de FTL Maurice.

D’après les estimations de la Conférence de Nations unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), une croissance annuelle de 2,1 % est attendue en moyenne sur la période 2023-2027, contre une moyenne de 3,3 % sur les trente dernières années. Pendant de nombreuses années, poursuit le CNUCED en relation avec ce constat, le commerce de marchandises conteneurisées a été le segment à l’essor le plus rapide, mais son taux de croissance devrait progresser de 1,2 % en 2022 à 1,9 % en 2023. Dans un contexte de ralentissement économique, les entreprises de logistique sont confrontées à des défis tels que la baisse des volumes, la pression sur les marges et la nécessité de réduire les coûts, détaille Laurent Vigier de La Tour. Il ajoute que pour s’adapter à ces changements potentiels, ils doivent être résilients et explorer de nouvelles opportunités de marché. «Nous devons améliorer notre efficacité opérationnelle et continuer à innover afin de maintenir notre compétitivité. Les entreprises de logistique qui seront les plus agiles et les plus préparées pour faire face à ces défis seront les mieux placées pour réussir dans un environnement en évolution rapide.»

Même constat pour Neerish Chooramun qui souligne qu’il est essentiel pour les acteurs de la logistique de rester prudents et d’être prêts à faire face à des défis potentiels pour assurer la durabilité de leur entreprise à long terme.

Comme l’île Maurice est un importateur net, il y a peu à craindre quant à une baisse drastique de la demande des marchandises, du moins pour les produits de consommation de base. Par contre, les prix auxquels ils seront proposés est une autre paire de manches, en raison de la dépréciation de la roupie vis-à-vis des devises étrangères utilisées et reçues respectivement pour nos importations et exportations. «Les augmentations impactent les consommateurs et nous nous dirigeons vers un scenario où nous aurons moins de demandes pour certains produits. N’empêche que Maurice importe la majorité de ses produits, et que nous prévoyons que la demande sera toujours existante, surtout pour les produits de base», fait remarquer Daniel Ng, General Manager d’ABC Shipping & Logistics. La demande locale en matière de produits alimentaires et d’équipements de construction ayant toujours été importante, Afzal Delbar, General Manager de Silver Line Services, ne pense pas que la demande va tomber, et ne voit personnellement pas une récession mondiale pointer le bout de son nez, «tant que la consommation reste stable».


L’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’autre extrémité du monstre à deux têtes ralentissant l’économie mondiale ces trois dernières années, n’a transformé en zone de conflit que certaines parties de la mer Noire et finalement perturbé qu’une partie des axes maritimes, ajoute Neerish Chooramun, «l’impact étant paritairement pour l’exportation de l’Ukraine, notamment le blé.»

Les perturbations de ce conflit armé se rapportent davantage aujourd’hui au prix du pétrole, comme l’évoque notre interlocuteur du groupe Velogic. Le trafic maritime de marchandises, importées ou exportées de Maurice, est au final peu concerné par cette région, précise d’ailleurs Afzal Delbar.

Ce conflit armé, et l’impact économique et commercial qu’il charrie, est cependant venu se greffer à d’autres évènements et facteurs qui aujourd’hui ne laissent pas de répit au secteur de la logistique, à l’instar de la contraction de l’économie, des grèves, entre autres, souligne pour sa part Laurent Vigier de Latour. «Le secteur de la logistique, principalement le transport maritime, continuera à faire face à plusieurs défis» avance ce dernier. Concernant les défis «plus proches de chez nous», il évoque certains marchés captifs et la compétitivité portuaire des îles voisines. «Nous devons aussi impérativement les prendre en considération si nous ne voulons pas que Port-Louis devienne un port secondaire de la sous-région, et de faire face à davantage de défis.»


LES IMPORTATEURS PLUS CONFIANTS

La bonne nouvelle pour le secteur de la logistique demeure que les tarifs du fret maritime retournent aux niveaux pré-Covid- 19. «Le coût du fret pendant la pandémie a subi une augmentation vertigineuse, pour ne pas dire indécente. En 2019, avant la pandémie, un conteneur de 20 pieds sur la ligne Chine-Maurice coûtait USD 1 400. Pendant la pandémie, ce même conteneur avait atteint USD 6 000. Nous observons que les tarifs ont considérablement baissé pour se rapprocher des niveaux d’avant la Covid-19. Ainsi, en 2023, un conteneur de 20 pieds entre la Chine et Maurice coûte USD 1 900», précise Afzal Delbar.

Des coûts de fret raisonnables après des taux record qui, comme le soulève Afzal Delbar, ont donné lieu à des soupçons de cartellisation contre les lignes maritimes, et qui visaient d’après ces soupçons l’escalade des coûts du fret afin d’engranger d’énormes profits. Certaines compagnies ont d’ailleurs étendu leurs activités aux cargos aéroportuaires en investissant dans des avions, évoque sans détour le General Manager de Silver Line Services. «Cette cartellisation a été vivement décriée par tous les gouvernements ainsi que les associations d’exportateurs. On a subi une augmentation d’environ 600 % du montant d’avant la pandémie, alors que la baisse que nous observons ces dernières semaines est de 50 % en moyenne. Le taux de change du dollar n’a pas changé grand-chose au coût CAF (coût, assurance, fret) des marchandises. Il faut savoir que les taxes sont calculées sur la valeur CAF. Et par conséquent, plus le coût CAF est élevé, plus la taxe est importante.»

Le taux de fret maritime ont connu une baisse moyenne significative, de l’ordre de 20 à 50 %, par rapport aux sommets atteints l’année dernière, fait-on savoir à l’international. Des coûts de fret stabilisés de manière plus ou moins importante, voire ayant «atteint leur valeur pré-Covid» en fonction des lignes maritimes, nous rappelle Daniel Ng, General Manager d’ABC Shipping & Logistics. «Nous avons remarqué que les importateurs commencent progressivement à regagner confiance et que ces derniers nous contactent de plus en plus pour des demandes de cotation.» En tant que transitaire, explique Neerish Chooramun, le travail consiste à organiser le transport de marchandises pour le compte des clients. Pour cela, relate-t-il, FTL Maurice négocie des tarifs de fret avec les compagnies de transport maritime. Ainsi, lorsque les tarifs de fret baissent, le transitaire répercute cette baisse sur les factures de ses clients en ajustant ses propres tarifs. «Ainsi, si les taux de fret maritime ont connu une baisse significative, cela signifie que les coûts de transport pour nos clients ont également diminué. Ils bénéficient donc d’une réduction de leurs frais de transport et peuvent ainsi économiser de l’argent sur leurs opérations.»

La baisse sur les coûts de fret est cependant plus conséquente sur les axes maritimes Asie-Europe et Asie-Amérique du Nord, précise Laurent Vigier de Latour, où certains taux sont dix fois moins élevés qu’en 2020. «Les différents axes connectant Maurice au reste du monde connaissent une baisse moins significative, et cette baisse est en partie atténuée par la dépréciation continue de la roupie face au dollar américain et à l’euro. De plus, le marché mauricien, tout comme les autres îles de l’océan Indien, étant desservi par trois lignes maritimes seulement, la compétitivité est moindre. De ce fait, nous payons toujours un prix fort comparé à d’autres», fait-il ressortir.

Le contexte opérationnel dans lequel évolue le secteur de la logistique en 2023 n’est pas pour autant des plus sereins. Le fort taux d’inflation et la facture rehaussée du coût de l’énergie mettent sous pression le coût de la consommation comme le coût de production et de la distribution. Chahutant la chaîne de la logistique, ces facteurs tributaires du ralentissement économique mondial ne sont rien à côté de la récession annoncée qui pourrait constituer d’autres freins à ce secteur vital pour l’économie mondiale. Et d’autant plus pour une économie insulaire comme Maurice, qui dépend à environ 75 % de ses importations pour sa consommation, et de ses exportations pour la stabilité des prix.


LA PIRATERIE : UN IMPACT CERTAIN

La piraterie maritime sur les côtes d’Afrique de l’Est a un coût. Elle génère également des pressions sur le coût final du fret, fait remarquer Afzal Delbar, General Manager de Silver Line Services. De 2016 à 2021, 20 attaques ont été recensées, rappelle-t-il. «La sécurité des navires traversant cette zone a un impact sur le coût final de fret. De plus, la mer devient de plus en plus dangereuse, causant des pertes importantes de conteneurs, qui sont jetés à la mer pour éviter des naufrages. En 2021, la compagnie Maersk avait fait état de la perte de plusieurs centaines de conteneurs en mer alors qu’un de ses navires reliait la Chine à la Californie.»

LA RÉOUVERTURE DES FRONTIÈRES FAVORISERA LES ÉCHANGES COMMERCIAUX À L’ÉCHELLE MONDIALE

La réouverture des frontières chinoises étant synonyme de plus grand volume et de baisse de prix sur certaines marchandises, Daniel Ng est d’avis que cette réouverture permettra à l’économie de se relancer et favorisera les échanges au niveau mondial. «À Maurice, beaucoup d’importateurs attendaient avec impatience l’ouverture des frontières chinoises pour faire du business en Chine», indique le General Manager d’ABC Shipping & Logistics. Avec les perturbations de ces dernières années et la fermeture prolongée des frontières chinoises, plusieurs importateurs ont eu à changer leurs fournisseurs et sources d’importations, fait valoir le Country Manager de FTL Maurice. «Ce n’est pas une mauvaise chose en soi, car cela nous évite d’être trop dépendant. Il est trop tôt pour espérer un impact positif global, et sur le marché mauricien, il est trop tôt pour dire quel impact tout cela aura», nous dit notre interlocuteur.


VERS UN TRANSPORT MARITIME MOINS POLLUANT

Plus de 80 % du commerce mondial est acheminé par des navires conteneurisés, produisant environ 2 % des émissions mondiales de CO2, expliquant l’importance du secteur de la logistique et du transport dans la lutte contre le changement climatique, à travers la décarbonation des chaînes d’approvisionnement mondiales, comme préconisé par le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), et de l’éconavigation. En 2023, d’après le rapport 2022 du CNUCED, l’indice de rendement énergétique des navires existants (EEXI) et l’indicateur d’intensité carbone (CII) de l’Organisation maritime internationale (OMI) entreront en vigueur pour tous les types de navires. Ces normes vont entraîner une contraction des capacités de transport maritime, car les navires devront naviguer à plus faible allure pour économiser du carburant, et certains devront même être rénovés ou recyclés.

«L’agenda défini par l’OMI couvre une série de mesures qui seront échelonnées jusqu’en 2050, avec un cap important à franchir en 2030 avec un objectif de réduction de CO2 de 40 %. L’objectif minimum pour 2050 est de réduire de moitié nos émissions de gaz à effet de serre dans le but de l’éliminer complètement. Les objectifs étant clairement définis, il revient désormais aux acteurs locaux de planifier leurs actions pour les atteindre. Le ministère de l’Économie bleue, des Ressources marines, de la Pêche et des Affaires maritimes a fait du bon travail jusqu’à présent en actualisant nos procédures en fonction des nouvelles exigences réglementaires de l’OMI», rappelle Shani Ghurburrun, Managing Director d’Emergent Maritime Technologies . Depuis 2018, des prestataires locaux proposent des services de carénage respectueux de l’environnement et conformes aux bonnes pratiques telles que définies par le projet de partenariats GloFouling de l’OMI, auquel participe Maurice. «Cette prestation réalisée sous l’eau permet de nettoyer la coque et les hélices d’un bateau tout en filtrant les déchets avant de les jeter en respectant les normes applicables. Il faut savoir qu’un navire dont la coque est propre peut faire économiser jusqu’à 15 % de carburant, à comparer avec un bateau non entretenu. Ce service offert à Maurice a un impact direct, et surtout significatif, sur les émissions de gaz à effet de serre.»

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