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Réinventer l’enseignement supérieur pour s’attaquer aux défis du marché de l’emploi

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La problématique des ressources humaines constitue un enjeu trans-versal affectant tous les secteurs, qu’il s’agisse de l’agriculture, de l’industrie ou des services. Le manque de travailleurs qualifiés est une préoccupation majeure dans le milieu des affaires, entravant la croissance et l’expansion des activités économiques. Il est donc impératif pour Maurice de multiplier les initiatives en termes de for-mation et de perfectionnement pour la main-d’oeuvre actuelle, tout en continuant à investir dans les domaines de l’éducation, de la recherche et du développement, ainsi que de l’innovation.

LES parcours d’éducation et de formation sont fré-quemment critiqués pour ne pas aligner adéquate-ment les qualifications des travailleurs sur les be-soins du marché. Toutefois, il est crucial de souligner qu’un déséquilibre entre l’offre et la demande de compétences dans certains domaines est inévitable, particulièrement dans le contexte de l’évolution constante des métiers au sein d’un monde du travail complexe, notamment face aux nouveaux défis tels que l’automatisation et la robotisation

Comme le souligne la Professeure Mari Jansen van Rensburg, Campus Director de Middlesex Uni-versity Mauritius, le rythme rapide de l’automati-sation, de la numérisation et de l’avènement des nouvelles technologies a indubitablement remodelé le paysage du marché du travail, remettant en ques-tion les rôles traditionnels des parcours d’éducation et de formation. L’accusation selon laquelle ces sys-tèmes ne parviennent pas à fournir au marché du travail les qualifications nécessaires trouve son ori-gine dans l’évolution des compétences requises par la main-d’oeuvre contemporaine.

«Il ne s’agit pas simplement d’un déséquilibre inhé-rent entre l’offre et la demande de compétences, mais plutôt de l’interaction dynamique entre les parcours éducatifs et les besoins changeants des industries. Les emplois qui reposaient autrefois sur des compétences manuelles peuvent aujourd’hui exiger des compéten-ces en matière de technologie et d’analyse de données. Cette évolution rend moins pertinentes certaines quali-fications acquises antérieurement, ce qui crée un déca-lage entre les compétences transmises par les systèmes éducatifs et celles recherchées par les employeurs», explique la Professeure Mari Jansen van Rensburg.

Pour relever ce défi, elle est d’avis qu’il est im-pératif de promouvoir un système éducatif qui soit 2024 non seulement rigoureux sur le plan académique, mais aussi en phase avec les exigences du marché du travail contemporain. L’intégration des aptitudes et des compétences des diplômés dans le programme d’études est essentielle pour combler le fossé entre l’édu-cation et les besoins de l’industrie. Ces compétences devraient englober des aptitudes techniques et des compétences non techniques telles que l’esprit critique, la capacité d’adaptation et une communication efficace.

«En outre, les activités périscolaires peuvent jouer un rôle essentiel dans l’acquisition de ces compétences. Les stages, les ateliers et les colla-borations avec l’industrie offrent aux étudiants une expérience du monde réel, leur permettant d’appliquer les connaissances théoriques dans des contextes pratiques. Cet apprentissage par l’expérience contribue à préparer les diplômés aux défis multiples du monde du travail, où la capacité d’adaptation et une approche proactive sont très appréciées», indique la Professeure Mari Jansen van Rensburg

Le Dr Dhanjay Jhurry, Managing Director du pôle Éducation de Medine, abonde dans le même sens. Il explique que le défi d’adapter nos systèmes universitaires aux exigences actuelles est notable, surtout vu l’évolution très rapide des domaines comme l’informa-tique ou la technologie. Uniciti International Education Hub (UIEH), le pôle éducatif du groupe Medine, collabore avec des institu-tions mondialement reconnues, qui sont à l’avant-garde de l’enseignement adapté au monde des affaires. Ces partenariats enri-chissent leur curriculum, en assurant que les étudiants reçoivent une éducation non seu-lement théoriquement robuste, mais égale-ment directement applicable et pertinente dans le milieu d’affaires moderne. Pour le Dr Dhanjay Jhurry, c’est cette synergie entre théorie et pratique qui rend leur offre édu-cative non seulement pertinente, mais aussi précieuse pour les étudiants et pour le monde professionnel.

Pour Tasneem Jaumally, Managing Di-rector d’Honoris Educational Network, il est souvent difficile de maintenir un équilibre parfait entre les qualifications fournies par les systèmes d’enseignement et les besoins du marché du travail. Elle précise qu’à Mau-rice, nous observons des écarts dans certains domaines, notamment les Tic et le manage-ment. Selon elle, c’est un phénomène courant qui reflète l’évolution rapide des industries et des technologies. Ainsi, même si nous essayons de combler l’écart, nous le consta-terons toujours dans certains secteurs. La conception et la réécriture des programmes ne se produisent pas aussi souvent que nous le souhaiterions.

Kaushal Ramlackhan, Managing Director d’Analysis Institute of Management (AIM), est catégorique sur le fait que dans un monde où l’évolution de l’intelligence artificielle et du digital sont en constante évolution (ChatGPT et la robotisation), il est important que les enseignants ainsi que les cursus scolaires et universitaires suivent le pas pour s’aligner sur la demande du marché de l’emploi. Les sylla-bus, contenus et méthodes d’enseignements doivent être revus constamment.

Analysant ce problème, Ekaley Joulia, Directrice Exécutive de l’université Paris-Panthéon-Assas – Campus de Maurice, est d’avis que le déséquilibre entre l’offre et la demande de compétences dans certains domaines à Maurice peut résulter de l’évolution constante du marché du travail. Les parcours d’éducation doivent être réactifs, capables de s’adapter rapidement aux changements économiques et technologiques.

«La nécessité d’être à l’écoute des acteurs du marché du travail, tels que les entreprises et les organisations professionnelles, est cruciale pour comprendre les compétences recherchées. La réinvention continue des programmes éducatifs est également essentielle, impliquant l’intégra-tion de nouvelles technologies et l’adoption de méthodes pédagogiques actualisées. En s’enga-geant dans une approche proactive et flexible, les institutions éducatives mauriciennes peuvent contribuer à réduire les disparités entre l’offre et la demande de compétences, favorisant ainsi une meilleure adéquation entre les diplômés et les exigences du marché en constante évolu-tion», explique Ekaley Joulia.

FORMER DES PROFESSIONNELS

Le Dr Kaviraj Sharma Sukon, Directeur général de l’Open University of Mauritius, indique que son institution reconnaît l’écart entre les diplômés et les besoins du marché du travail comme un défi dynamique. Il pense que ce déséquilibre, dans une certaine me-sure, est inévitable en raison de l’évolution rapide des industries et du temps nécessaire pour adapter les programmes académiques.

«Nous consultons les employeurs qui sont membres de notre comité consultatif. Nous nous engageons fermement à minimiser ce dé-sajustement des compétences par des mises à jour continues des programmes d’études, des collaborations industrielles et un accent sur les compétences orientées vers l’avenir. Cependant, il faut être clair : il faut au moins quatre ans pour concevoir un nouveau pro-gramme d’études, le proposer à de nouveaux apprenants et avoir les diplômés sur le mar-ché du travail. C’est pourquoi les universités se concentrent sur l’enseignement des com-pétences fondamentales qui permettraient à l’apprenant de s’adapter et de progresser dans n’importe quel environnement», précise le Dr Kaviraj Sharma Sukon.

À titre d’exemple, le Dr Kaviraj Sharma Sukon indique qu’on peut enseigner aux ap-prenants la logique de la programmation et du développement de logiciels, mais il ou elle n’utilisera peut-être pas les outils utilisés par l’employeur. C’est pourquoi il exhorte les em-ployeurs à fournir environ deux à six mois de formation sur le tas, axée sur les outils et les processus utilisés sur le lieu de travail, aux nouvelles recrues.

Il souligne que si le gouvernement offre 17 (1+6+7+3) années d’éducation gratuite, les employeurs peuvent investir 2 à 6 mois supplémentaires dans l’autonomisation des diplômés. Cela peut également être rem-boursé par le Fonds national de Formation géré par la Human Resource Development Council (HRDC).

Il est crucial de distinguer la théorie de la pratique lorsqu’il s’agit du développement des compétences ; tel est l’avis de Tori-den Chellapermal, CEO de la MCCI Business School, sur le sujet. Pour lui, les compéten-ces se forgent véritablement lorsqu’elles sont mises en pratique, d’où la possibilité d’un déséquilibre entre l’offre et la demande sur le marché du travail. À titre d’exemple, la MCCI Business School adopte une approche proactive pour résoudre cet éventuel pro-blème. L’institution intègre des sessions de stage dans leur programme éducatif, offrant ainsi aux étudiants l’opportunité de mettre en pratique les connaissances acquises au sein des entreprises. Cette expérience fa-vorise le développement des compétences, permettant aux étudiants de devenir opéra-tionnels dès la fin de leurs études.

«Notre objectif est de former des profes-sionnels capables de répondre efficacement aux exigences du marché du travail, en veillant à ce que leur éducation ne se limite pas à la théorie. Il faut aussi bien comprendre le rôle de l’éduca-tion tertiaire qui n’est pas seulement de procurer des compétences techniques mais également de former des individus avec des compétences transversales (soft skills) ayant une bonne at-titude et capables d’apprendre et de s’adapter aux exigences de leur travail. Il y a toujours, dans certaines professions, des compétences spécifi-ques qu’il faut acquérir par expérience», fait ressortir Toriden Chellapermal.

Selon les observations de Madhavi Ram-din-Clark, Head of ACCA Mauritius & New Markets, d’un point de vue général, il peut parfois y avoir un manque de cohérence ou de pertinence entre certaines formations d’un côté, et les besoins du monde profes-sionnel de l’autre côté. Il peut avoir plusieurs raisons à cela. Ce mismatch, s’il arrive, peut être dû à des besoins très spécifiques et très pointus de certaines entreprises. Il peut arri-ver qu’il soit le résultat d’un manque d’évo-lution du curriculum ou de certains de ses éléments, de la part des organisations res-ponsables de développer ou de mettre en oeuvre ces formations (par exemple, de nou-velles technologies ou de nouvelles normes qui ne font pas l’objet d’un enseignement ou d’une formation adéquate).

«L’étudiant lui-même peut être à l’origine de ce déséquilibre relatif, en ne développant pas les connaissances supplémentaires qui lui permet-traient d’exploiter la formation reçue, ou encore en n’ayant pas les soft skills nécessaires. Ces derniers sont des outils qui, en se greffant sur les connaissances acquises de la formation, génèrent des compétences porteuses de valeur ajoutée que recherchent les employeurs. Ces observations générales étant faites, je peux me prononcer plus précisément au sujet de l’ACCA. Le cursus ACCA est en phase avec les besoins du monde profes-sionnel et propose un contenu complet, détaillé et pointu. Ce curriculum ne se limite pas à des connaissances techniques en comptabilité. Les étudiants sont aussi évalués sur leur capacité à développer des facultés d’analyse, de réflexion, de management, de stratégie et d’utilisation des ou-tils informatiques à travers le contenu des cours et les examens», explique Madhavi Ramdin-Clark.

Elle ajoute que le fait que le curriculum est adapté après un certain nombre d’années – afin d’être au diapason des changements qui interviennent dans l’économie, les tech-nologies, les normes et la société – résulte en une formation qui répond aux besoins du moment et des années à venir. Le développe-ment durable et la montée en puissance des technologies digitales sont, par exemple, in-tégrés dans la réflexion sur l’évolution du pro-gramme de formation et de certification. Tout cela contribue à motiver les étudiants ACCA à être des solution-oriented persons et à savoir s’adapter aux changements.

PLUS DE SYNERGIE AVEC LES INDUSTRIES

Une chose est sûre : il devrait y avoir une plus grande synergie entre les industries et les institutions de formation. Cela aiderait les institutions à identifier les besoins futurs en compétences et proposer des programmes adaptés. Comme le souligne Ekaley Joulia, renforcer la collaboration entre industries et institutions de formation permettrait de mieux adapter les programmes aux besoins du marché du travail. Cette synergie favori-serait une préparation efficace des étudiants aux exigences professionnelles actuelles et futures, contribuant ainsi à former une main-d’oeuvre qualifiée et alignée sur les besoins du marché. L’université Paris-Panthéon-Assas a établi depuis plusieurs années des relations fructueuses avec le secteur des affaires dans le but d’actualiser régulièrement et d’amélio-rer ses programmes de formation.

Le Dr Kaviraj Sharma Sukon insiste sur le fait que cette collaboration est essentielle pour identifier les besoins futurs en compé-tences et assurer que les programmes res-tent pertinents et tournés vers l’avenir. «En nous associant aux industries, nous pouvons adapter nos cours pour répondre aux demandes à venir du marché du travail, rendant ainsi nos diplômés hautement employables et prêts pour l’industrie. En fait, les autorités mettent en place un cadre pour les micro-certifications.»

Il est donc primordial de favoriser une plus grande synergie entre les industries et les établissements de formation. La Professeure Mari Jansen van Rensburg indique qu’à l’université de Middlesex, leur engagement en faveur d’un enseignement axé sur la carrière souligne l’importance d’aligner les programmes universitaires sur les besoins en constante évolution des entreprises. L’institution cultive des compétences pratiques qui contribuent directement à l’employabilité grâce à des initiatives telles que les possibilités d’échanges mondiaux, les stages, le mentorat par des professionnels de l’industrie et l’engagement dans des projets du monde réel. Les exemples de réussite sont convaincants : de nombreux stages se traduisent par des engagements à temps plein et les projets des étudiants débouchent souvent sur des solutions commerciales adoptées par les entreprises.

«Nos services d’employabilité, notamment les conférenciers invités, les ateliers et les stages, contribuent à combler le fossé entre le monde universitaire et l’industrie. Les efforts de colla-boration avec plus de 100 employeurs lors de nos Salons de l’emploi et l’implication proactive des associations étudiantes dans l’organisation d’ateliers de compétences et d’événements liés à l’industrie montrent l’impact de la collaboration entre notre université et les principaux acteurs de l’industrie pour préparer les diplômés au monde du travail», souligne la Professeure Mari Jan-sen van Rensburg.

Tasneem Jaumally ajoute qu’à Maurice, un tel partenariat permettrait aux institu-tions comme Honoris Educational Network de mieux comprendre et d’anticiper les be-soins en compétences, conduisant à des programmes plus pertinents. Cependant, elle fait ressortir qu’il convient de noter que lorsqu’il s’agit de franchisés opérant à Mau-rice, il devient un peu plus difficile d’adapter immédiatement les programmes existants, car les changements doivent être apportés par l’organisme adjudicateur (l’awarding body). Cela dit, sur de courtes périodes, des cours complémentaires non crédités peuvent être proposés en particulier dans le secteur tech-nologique, où différentes langues sont ajoutées pour répondre aux besoins de certaines entreprises.

Le développement des compétences ne concerne pas seulement les instituts de for-mation et ceux qui conçoivent les cursus, mais également les organisations et les personnes qui obtiendront de la valeur de cette formation (employeurs, partenaires d’affaires et clients) ainsi que les gouvernements, comme le fait ressortir Madhavi Ramdin-Clark. Ces derniers sont responsables de la gestion nationale, de la mise en place des éléments facilitant l’épanouissement des activités économiques, ainsi que du choix et du contrôle des normes ; dont celles des formations et des qualifica-tions. Elle précise que l’État est lui-même le principal employeur du pays et que l’efficacité de ses services – destinés à tous et financés par le contribuable – repose en partie sur les compétences des fonctionnaires.

«Il est donc indispensable que ces stakehol-ders aient une action cohérente et coordonnée. Au niveau de l’ACCA, une des missions du bu-reau mauricien est justement d’être en contact avec les employeurs, les instituts de formation et le gouvernement afin de favoriser l’épanouis-sement de la profession comptable et d’aider à l’existence d’une formation solide et pertinente pour cette profession. De plus, l’ACCA partage avec ses partenaires des organisations gouver-nementales des éléments découlant de son ex-périence, de sa présence internationale et de ses recherches, dans l’optique d’aider à obtenir une vision plus claire de certaines tendances et cer-tains besoins», indique Madhavi Ramdin-Clark.

Au sujet des recherches, ACCA publie ré-gulièrement des rapports, publics et disponi-bles sur leur site web, sur une diversité de su-jets pertinents pour le développement social, les affaires, et la formation. Ces rapports sont les résultats d’études et d’analyses à échel-les internationale et régionale ; avec des éléments nationaux soulignés pour chaque pays là où c’est nécessaire.

Le dernier rapport en date, publié en jan-vier 2024, est intitulé ‘SMEs: Business chal-lenges and strategic innovation opportunities’. Parmi les rapports mis en ligne et distribués en 2023, on peut noter celui du Global Talent Trends Survey 2023.

Au niveau de la MCCI Business School, l’alternance a été introduite ; ce qui permet à l’institution de travailler en étroite colla-boration avec les entreprises pour répondre à leurs besoins. La MCCI Business School, a par ailleurs, introduit un programme sur mesure pour l’industrie touristique locale, à savoir, la Licence Tourisme & Culture et le Master Tourisme Parcours Espaces Insulai-res et Ultramarins.

Ces formations ont été adaptées par l’Études Supérieures de Tourisme et d’Hôtel-lerie de l’Université d’Angers (ESTHUA) pour refléter la réalité des îles de la région océan Indien, en mettant l’accent sur la préservation de l’environnement et le développement d’un tourisme durable. Cette approche ciblée vient garantir que les étudiants acquièrent des compétences pertinentes pour contribuer au développement de ce secteur.

STRATÉGIE NATIONALE

Certains observateurs sont d’avis qu’il est urgent que le pays élabore une stratégie nationale/feuille de route pour le secteur de l’enseignement supérieur afin de faire de Maurice une destination de choix pour les étudiants d’Afrique, de l’océan Indien et d’Asie qui souhaitent bénéficier d’une expérience éducative de classe mondiale.

Le Dr Dhanjay Jhurry révèle que plus de 40 % de la population étudiante de l’UIEH est issue de l’océan Indien et de l’Afrique, soit un total d’environ 1 000 étudiants. Ces étudiants ont été recrutés grâce à une offre éducative de qualité par des institu-tions internationales de renom ainsi que le développement d’infrastructures de sou-tien – résidence universitaire, complexe sportif, activités de loisirs, etc. – par le groupe Medine.

«La possibilité pour un étudiant étran-ger de pouvoir bénéficier d’un visa de trois ans après l’obtention de son diplôme est une excellente décision du gouvernement pour faire de Maurice une destination de choix. Toutefois, il y a toujours des améliorations possibles, comme par exemple rendre l’oc-troi du visa étudiant plus souple ; ou encore des pistes innovantes à explorer, telles que des bourses pour les étudiants étrangers ou encore la promotion de Maurice comme une destination intéressante pour la recherche dans les domaines de la génétique des po-pulations ou du vivre ensemble», indique le Dr Dhanjay Jhurry.

Maurice compte un nombre, bien que petit, d’étudiants étrangers. Comme le mentionne le Dr Kaviraj Sharma Sukon, les parents préfèrent Maurice parce que c’est paisible et offre une éducation de bonne qualité. Consolider la stratégie actuelle pour l’enseignement supérieur aiderait certainement à transformer Maurice en une destination éducative de premier plan. Un tel plan devrait se concentrer sur l’élévation des normes académiques, la promotion de la recherche et de l’innovation, et la construction de collaborations internationales. Selon le Dr Kaviraj Sharma Sukon, cela attirera non seulement des étudiants d’Afrique, de l’océan Indien et d’Asie, mais améliorera également la qualité globale de l’éducation à Maurice.

Ekaley Joulia est du même avis. Pour elle, il est impératif que Maurice élabore rapidement une stratégie nationale pour le secteur de l’enseignement supérieur afin de devenir une destination privilégiée pour les étudiants internationaux. Le pays a beaucoup à offrir. Cependant, au-delà de l’élaboration, il est crucial de mettre en place et d’articuler efficacement cette stratégie afin que cette dernière se traduise par des actions concrètes.

«Actuellement, la complexité des procé-dures – notamment celles de l’immigration – peut constituer un obstacle pour les étudiants potentiels, soulignant la nécessité d’une dé-finition plus claire et d’une simplification des processus. Une stratégie bien définie, accom-pagnée de procédures transparentes et acces-sibles, renforcerait l’attrait de Maurice en tant que destination éducative de classe mondiale. Cela favoriserait également la compétitivité du pays sur le marché mondial de l’enseignement supérieur, stimulant ainsi le développement économique et la diversification», souligne Ekaley Joulia.

Tasneem Jaumally abonde dans le même sens sur l’importance d’une feuille de route nationale pour positionner Mau-rice comme une destination éducative de choix. Elle ajoute que cela implique de ren-forcer les standards académiques, d’amé-liorer les infrastructures et de promouvoir activement le pays à l’international. Pour la réussite de cette initiative, il est crucial que le gouvernement étende les bourses d’études au secteur privé. En effet, elle rappelle que le nombre d’étudiants inter-nationaux dans les institutions d’ensei-gnement privé est souvent sous-estimé et mérite davantage d’attention et de soutien. En termes d’amélioration des in-frastructures, une attention particulière doit être portée au système de transport en commun (bus). Actuellement, certains étudiants font face à des difficultés si-gnificatives avec le système de bus pour assister à leurs cours, surtout lorsqu’il s’agit de cours en présentiel ou de cours en soirée. Améliorer l’accessibilité et la fiabilité du transport en commun est donc essentiel pour faciliter la vie quotidienne des étudiants.

De son côté, Kaushal Ramlackhan indique l’Economic Development Board (EDB) ainsi que les institutions privées font depuis longtemps un gros travail pour po-sitionner Maurice comme une destination de choix pour les Africains. Cependant, elle rejoint le Dr Dhanjay Jhurry et Ekaley Jou-lia sur le fait qu’il faudrait un système plus souple pour l’obten-tion d’un visa d’étu-diant pour pouvoir venir étudier à Maurice et, paral-lèlement, les auto-rités de formation pourraient revoir certaines procédu-res en termes de reconnaissance des diplômes qui peu-vent être obtenus à Maurice et qui sont dans certains cas de très haut niveau à l’international et qui de plus sont pro-metteurs en termes d’avenir pour nos jeunes.

«Il serait judicieux d’avoir un peu plus de discernement sur les procédures existantes qui pourraient freiner la bonne volonté et l’énergie des entrepre-neurs qui souhaitent apporter des changements positifs en phase avec le monde d’aujourd’hui et de demain dans le domaine de la formation. En même temps, les autorités ont tout à fait raison d’être prudentes car il y a eu pas mal d’abus dans le passé. Ce n’est pas simple de trouver le juste milieu», in-dique Kaushal Ramlackhan.

Toriden Chellapermal ajoute qu’il ne faut pas oublier que la crédibilité et la réputation en tant que destination éducative de classe mondiale se construisent au fil du temps. Promouvoir le bilinguisme peut être une stratégie différenciatrice pour se démar-quer des autres destinations, qui pourrait attirer un public international diversifié. De plus, il est essentiel de ne pas négliger les aspects logistiques et pratiques qui contri-buent à une expérience étudiante globale comme les infrastructures, un logement de qualité, un système de transport efficace et des activités extrascolaires diversifiées. En investissant dans ces domaines, Maurice peut offrir un environnement propice à l’ap-prentissage, tout en assurant le bien-être et la satisfaction des étudiants étrangers.

LA FORMATION PROFESSIONNELLE DEMEURE CRUCIALE POUR LES ENTREPRISES

Afin de maintenir leur compétitivité sur le marché actuel, les entreprises doivent démontrer un engagement constant envers l’innovation, l’adaptation et l’évolution. la réalisation de cet objectif repose directement sur les compétences et les connaissances de leur main-d’oeuvre. c’est pourquoi la formation professionnelle revêt une importance cruciale, permettant de répondre de manière ciblée aux besoins en compétences immédiats et à long terme des entreprises, les aidant ainsi à s’adapter aux évolutions du marché du travail.

DE nombreuses entreprises considè-rent la formation comme une nécessité incontournable pour s’ajuster aux évolutions constantes des métiers, notamment avec les progrès de la digitalisation et de l’intel-ligence artificielle. Elle représente également un moyen de renforcer le parcours profes-sionnel de leurs employés, de mettre à jour les bonnes pratiques dans leur secteur res-pectif et d’assurer une performance accrue et plus efficace de l’entreprise.

«Conscientes de la nature dynamique du marché de l’emploi, les personnes qui réus-sissent sur le marché du travail comprennent l’importance de la formation continue et du dé-veloppement professionnel. Un état d’esprit ou-vert à l’acquisition de nouvelles compétences et au suivi des tendances du secteur est essentiel pour naviguer dans un paysage professionnel en constante évolution», souligne la Profes-seure Mari Jansen van Rensburg, Campus Director de Middlesex University Mauritius.

Nafeeza Mulung, Learning and Advo-cacy Manager au Mauritius Institute of Di-rectors (MIoD), ajoute que dans un monde professionnel en constante évolution, la formation continue est essentielle pour les organisations. Elle permet non seulement d’assurer l’adaptabilité et la flexibilité de la main-d’oeuvre, mais contribue également à l’élaboration de stratégies d’entreprise réflé-chies et éclairées.

«Au Mauritius Institute of Directors (MIoD), nous mettons l’accent sur le renforcement des compétences des dirigeants d’entreprise, qu’il s’agisse des directeurs actuels ou des futurs leaders, afin de leur permettre de naviguer plus efficacement dans des environnements complexes et de prendre des décisions plus adaptées et équilibrées. La formation, un pilier central du MIoD, inclut des programmes menés en collaboration avec des partenaires clés, tels que les régulateurs, afin d’assurer que nos lea-ders soient à jour avec les changements régle-mentaires et les meilleures pratiques», indique Nafeeza Mulung.

Les études sur le marché du travail me-nées par le Human Resource Development Council (HRDC) démontrent clairement que les employeurs sont de plus en plus conscients que les connaissances, les qua-lifications et les compétences représentent un atout essentiel pour soutenir la crois-sance de l’entreprise. En général, l’investis-sement dans le capital humain est au coeur des stratégies mises en oeuvre, surtout par les grosses entreprises.

Le HRDC, à travers le Fonds National de Formation, offre des incitatifs financiers aux employeurs pour encourager le déve-loppement du capital humain au niveau des entreprises et subséquemment au niveau national. Les employeurs bénéficient d’une prise en charge financière partielle (coût de la formation) par le HRDC et peuvent récupérer jusqu’à 75 % des frais de formation en fonc-tion de leur taux d’imposition. Ainsi, le HRDC offre un appui pour des formations dispen-sées par des centres de formation agréés, des formations en interne ou à l’étranger. Le programme de financement couvre aussi les formations par des experts étrangers à travers des conférences et ateliers de travail dans le contexte où cette formation n’est pas disponible localement.

MICRO-CERTIFICATION

Kaushal Ramlackhan, Managing Director d’Analysis Institute of Management (AIM), rappelle que la Higher Education Commis-sion (HEC), la Mauritius Qualifications Au-thority (MQA) ainsi que le HRDC font un gros travail pour promouvoir la formation profes-sionnelle, tout en suivant de près les der-nières tendances mondiales dans la forma-tion continue. Ils ont d’ailleurs récemment organisé un atelier de travail de trois jours en collaboration avec l’UNESCO – International Institute for Educational Planning pour les institutions de formation autour d’une nou-velle façon de se former continuellement. Le thème de ces sessions était autour de la possibilité pour Maurice de s’inspirer des pays ayant mis en oeuvre le système de micro-credential framework pour rendre la formation professionnelle et technique plus agile et démocratique.

En effet, une culture efficace de l’ap-prentissage tout au long de la vie est essen-tielle pour garantir que chacun possède les connaissances, les aptitudes et les compé-tences dont il a besoin pour s’épanouir dans sa vie personnelle et professionnelle. Les micro-certifications certifient les résultats d’expériences d’apprentissage à court terme, par exemple un cours ou une formation de courte durée. Elles offrent un moyen flexible 2024et ciblé d’aider les personnes à développer les connaissances, les aptitudes et les com-pétences dont elles ont besoin pour leur dé-veloppement personnel et professionnel.

Reconnaissant l’importance des mi-cro-certifications pour le développement des compétences et des connaissances, la Higher Education Commission et la Mauritius Qualifications Authority se sont associées à l’IIPE-UNESCO pour développer un cadre na-tional de micro-certification pour Maurice. Ce cadre devrait fournir un point de référence commun et des conseils aux établissements d’enseignement supérieur, aux Technical and Vocational Education and Training (TVET), aux partenaires industriels et aux décideurs politiques de Maurice lors de la conception et de la mise en oeuvre de programmes de micro-certification.

Pour la Professeure Romeela Mo-hee, Commissioner de la Higher Education Commission, dans cette société complexe et en évolution rapide d’aujourd’hui, les micro-certifications sont cruciales pour le dévelop-pement personnel et professionnel d’un in-dividu. Elle rappelle également l’importance de parcours d’apprentissage flexibles tout au long de la vie pour permettre aux individus de se perfectionner et de se recycler.

«Les micro-certifications visent à fournir aux apprenants des connaissances et des com-pétences avancées dans un environnement d’apprentissage flexible, grâce à la conception pédagogique. Ce sont des cours courts qui of-frent un moyen rapide, flexible et rentable de mettre à jour les compétences des apprenants dans des domaines désignés. L’université et les employeurs peuvent les proposer conjointe-ment. Les décideurs politiques, les éducateurs et les formateurs du monde entier voient les micro-certifications comme une innovation aux usages et avantages variés : une sorte de so-lution à tout faire pour les problèmes auxquels sont confrontés les systèmes d’éducation, de formation et de marché du travail», explique Dr Kaviraj Sharma Sukon, Directeur général de l’Open University of Mauritius.

Les partenariats entre les institutions d’enseignement supérieur et les entreprises sont essentiels pour mettre en place ce genre de certification. Selon le Dr Dhanjay Jhurry, Managing Director du pôle Éducation de Medine, le concours du secteur public est également important pour une meilleure planification et évaluation des besoins du marché de l’emploi. Certains pays ont réussi à mettre en place des formations qui répon-dent aux besoins du marché grâce à une plus grande flexibilité de leur système d’éduca-tion et l’introduction de nouvelles initiatives telles que les micro-certifications, pour cer-tifier les résultats d’expériences d’appren-tissage à court terme, par exemple un cours ou une formation de courte durée. C’est pour cela qu’Uniciti International Education Hub (UIEH) s’est associé à FutureLearn, la plate-forme mondiale leader en apprentissage en ligne basée au Royaume-Uni. Celle-ci offre un accès à plus de 1 800 cours en ligne pro-venant d’universités britanniques, dont des formations courtes, élargissant ainsi l’accès à l’apprentissage à tout âge.

L’ALTERNANCE

La MCCI Business School a été un des pionniers en tant que première institution ter-tiaire à introduire la formule de la formation en alternance, profitant ainsi du Dual Training Programme instauré par le ministère de l’Em-ploi. L’alternance, qui allie formation acadé-mique et expérience professionnelle, s’avère être une formation bénéfique puisqu’elle bénéficie d’un soutien financier de la part de l’entreprise sponsor. «Il s’agit d’une voie de plus en plus prisée par nos partenaires avec lesquels nous collaborons depuis des années, car elle per-met de gérer et d’anticiper leurs besoins tout en formant en fonction des réalités spécifiques de l’entreprise. Nous essayons de tirer le meilleur des programmes mis en place par le gouver-nement. C’est ainsi que nous avons également pu mettre en place notre première formation en technicien électrique en collaboration avec la Chambre des Métiers et de l’artisanat de La Réunion et la MEECA avec le soutien du HRDC. Cette collaboration a permis pour la première fois d’offrir aux techniciens mauriciens une qua-lification nationale française reconnue au niveau européen», fait ressortir Toriden Chellapermal, CEO de la MCCI Business School.

De son côté, l’ACCA a un programme ap-pelé ACCA Approved Employer. L’organisation reconnaît, à travers ce programme, des en-treprises et autres organisations qui créent les conditions favorables pour que leurs employés puissent se former dans la filière ACCA. Ce sou-tien peut intervenir sous diverses formes : aide au financement des études, temps libre pour les études et la préparation des examens ou encore un environnement de travail favorable à la formation. Ce statut est valorisant et per-met de promouvoir la formation et le dévelop-pement de compétences des employés. «Les entreprises du secteur privé ainsi que les instances publiques font appel à l’ACCA pour soutenir le développement professionnel de leur personnel. Nous dispensons ainsi des formations spécifiques aux Membres ACCA opérant au sein d’entreprises ayant des besoins particuliers», souligne Mad-havi Ramdin-Clark, Head of ACCA Mauritius & New Markets.

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