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Sécurité alimentaire : Capitaliser sur le potential de l’élevage et de la pêche

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Tous les pays en voie de développement ou sous-développés se sont fixé l’objectif de s’assurer leur sécurité sur le plan alimentaire car il y va de leur croissance économique. L’île Maurice table, elle, sur l’économie bleue, en tirant profit des activités de la pêche et la transformation des produits de la mer.

La pandémie de la Covid-19, la baisse du PIB, la hausse du chômage, la guerre Russie-Ukraine, la dépréciation de la roupie ont mis en évidence notre vulnérabilité, entre autres sur le plan de l’autosuffisance alimentaire, en raison de notre sur-dépendance des importations, sans oublier le fait que le réchauffement climatique se pose comme un défi pour l’agroalimentaire. Ce secteur est devenu ou redevenu une priorité nationale. Mais peut-on aspirer à devenir autosuffisant sur le plan alimentaire ?

L’autosuffisance alimentaire est définie par la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) comme la satisfaction de tous les besoins alimentaires d’un pays par la production nationale. Ce qui suppose la possibilité pour un pays de produire lui-même ses ressources alimentaires et ce, pour répondre aux besoins de sa population.

Quand on regarde les chiffres de Statistics Mauritius, en 2022, la production de viande bovine locale était de 2 071 tonnes, soit une progression de 13,6 % comparé aux 1 823 tonnes de 2021. La production de viande bovine issue de l’abattage de bovins importés a aussi grimpé de 7,5 %. La production de viande caprine et ovine a, de même, crû de 34,1%, passant de 41 tonnes en 2021 à 55 tonnes en 2022. La production de porc a augmenté de 1,6 %, de 574 tonnes en 2021 à 583 tonnes en 2022. La production de volaille a connu une amélioration de 13,4 %, évoluant de 49 100 tonnes en 2021 à 55 700 tonnes en 2022. Mais cette augmentation estelle suffisante ?

Renganaden Padayachy, ministre des Finances, du Plan et du Développement économique, a souligné dans le Budget 2022-2023 que ce secteur de l’élevage joue un important rôle dans la stratégie de sécurité alimentaire au regard de la production locale de produits laitiers et de viande. Dans le dernier Budget, il est indiqué que le gouvernement soutient les fermiers et éleveurs à travers l’île pour qu’ils produisent plus. À cette fin, la Banque de Développement (DBM) consacre Rs 200 millions à la mise en place de cinq zones d’élevage à Henrietta, Salazie, Mare d’Albert, Petit Merlot, et Ex-Tea Belt Road, tandis que la subvention sur les aliments pour animaux est augmentée à dix roupies par kilogramme. De plus, le Cattle Breeding Scheme est étendu aux importateurs de bétail à des fins de reproduction, alors qu’une subvention de Rs 15 000 est accordée aux éleveurs pour l’achat de veaux de moins d’un an. Dans le cadre du Zero Budget Natural Farming Scheme, Rs 100 000 sont destinées aux coopératives pour l’achat de vaches et la construction d’étables.

Dans ce contexte, Shayamal Kutwoaroo, directeur de Triangular Poultry, suggère que dans le prochain Budget 2023- 2024, «le gouvernement considère qu’on peut construire des bâtiments d’élevage en plusieurs étages, car ce n’est pas facile d’acheter un terrain pour grandir notre business. Il faut nous accorder plus de grants, car nous sommes, comme d’autres, affectés en période cyclonique, mais aussi par la maladie des animaux, entre autres problèmes que nous rencontrons».

La Covid-19 a engendré des changements importants dans les prix des matières premières agricoles. Il est donc important de se pencher aujourd’hui sur la transition vers l’autosuffisance alimentaire. «Nous pensons que cette transition doit être une priorité pour Maurice, pour assurer au mieux notre propre sécurité alimentaire en cette période d’instabilité environnementale ; il pleut beaucoup ces derniers temps, les animaux peuvent tomber malade», a-t-il soutenu.

Produire et consommer davantage de poisson local

L’économie bleue est perçue comme un futur pôle de croissance à Maurice, même si certains secteurs ont encore besoin d’investissements, d’exécution et de concentration pour réaliser leur plein potentiel. L’Economic Development Board (EDB) joue à cet effet un rôle essentiel dans le développement de l’économie océanique avec une équipe spécialisée chargée de consolider les activités établies telles que la pêche, la transformation des produits de la mer et les services portuaires, d’encourager les activités émergentes, notamment l’aquaculture, et de soutenir les secteurs naissants tels que les biotechnologies marines. L’économie océanique représente aujourd’hui plus de 700 millions USD d’exportations et de réexportations de l’île Maurice.

La consommation annuelle de poisson par habitant sur l’île est d’environ 28 kg et il faut savoir que les deux tiers sont aujourd’hui importés. Environ 29 000 tonnes de poisson émanent des pêches côtières, démersales et pélagiques, dont 86 % sont vendues sur le marché local et les 14 % restants provenant de fermes aquatiques marines destinées aux marchés internationaux. Malheureusement, cela ne suffit pas à répondre aux besoins de la population mauricienne et la dépendance à l’égard des importations reste donc élevée.

En tant que nation entourée par la mer, Maurice devrait produire et consommer davantage de poisson local. Le pays a le potentiel de réduire drastiquement sa dépendance à l’importation. Pour ce faire, nous devons optimiser nos ressources. L’exercice budgétaire 2022-2023 a fait provision d’un montant de Rs 10 millions pour une écloserie supplémentaire au Albion Fisheries and Research Centre afin d’augmenter la production d’alevins de 100 000 par an et de Rs 35 millions pour effectuer une évaluation des stocks sur le banc de Saya de Malha afin d’identifier les espèces de petits poissons pour la consommation locale.

Le rôle de l’agroécologie dans le secteur de l’élevage

Qu’en est-il de l’élevage en l’agroécologie ? L’agroécologie encourage un changement de logique de production agricole. L’élevage fait partie intégrante de l’agroécologie puisqu’il y a des services que les espèces végétales et animales se rendent naturellement. «Les plantes fourragères ont une place importante dans l’alimentation des petits ruminants, par exemple. Ils peuvent aussi consommer les plantes qui n’ont pas d’utilité dans l’alimentation humaine. Cela, sous la forme d’un désherbage naturel avec des poules et des cabris ; en retour, les animaux vont pouvoir fertiliser les sols par leurs excréments et contribuer à la recette des andains de compostage, essentiels pour le maraîchage notamment», souligne Bruno Dubarry, le président de Vélo Vert et directeur de Dubarry Consultancy Services Ltd. «Enfin, d’un point de vue agronomique, la traçabilité des activités de culture est rendue possible par une ‘économie de la ferme’ car les intrants et effluents sont maîtrisés et valorisés sur site. C’est aussi la garantie d’une diversification des revenus pour l’agripreneur qui cultive des plantes et élève des animaux (oeuf, lait, chair) ou accueille des animaux d’un éleveur pour lui rendre des services décrits plus haut, réduisant ainsi l’intervention humaine (désherbage, fertilisation, etc.).»

L’alimentation animale

L’alimentation animale reste le pilier de l’élevage local. «Malgré la Covid-19, nous avons pu maintenir notre autosuffisance en poulet et oeufs. Concernant les élevages bovins, caprins, porcins et de cervidés, entre autres, les défis furent importants, mais il reste du chemin à parcourir avec l’espoir d’un avenir meilleur. L’île Maurice gagnerait à consolider sa sécurité alimentaire dans les autres activités d’élevage ; cela améliorera grandement notre balance des paiements car il y a énormément d’importations de viande et de lait», souligne Reynolds Moothoo, le Managing Director de Meaders Feeds. L’alimentation animale est grandement tributaire de l’importation des matières premières. Mais les marchés de ces dernières restent très sensibles aux conditions climatiques et aux troubles géopolitiques. Les seules matières premières disponibles localement sont le son de blé issu de l’importation de blé pour la production de farine par la minoterie locale et la mélasse de canne qui provient de l’industrie cannière. Avec le changement climatique, le marché des matières premières est rendu très volatil avec des prix qui ont doublé dans certains cas, et cela sans compter le coût du fret maritime et des hydrocarbures qui a aussi contribué à faire monter les prix de ces denrées.

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