Type to search

Essentielle

Covid-19 : Journal d’une Mauricienne confinée, J-10

Share
Covid-19 : Journal d’une Mauricienne confinée

Je m’éveille. Le quartier, tout comme l’île, ne s’éveille pas. Pour combien de temps encore, nul ne peut prédire. Je passe en revue ma journée de la veille. Et je me dis que je ne me suis quand même pas mal débrouillée vu les circonstances actuelles (petite tape imaginaire sur l’épaule pour s’auto-congratuler) : j’ai bossé comme une dingue sans péter un câble, j’ai respecté mon ‘intermittent fasting’ comme une grande, j’ai été gentille et patiente avec mon autre et je lui ai même mijoté un petit dîner au top pour marquer le jour de sa naissance ; bah oui, l’événement méritait bien que je fasse un effort en cuisine !

 

Gargouillis sonores. Mon estomac me rappelle qu’il lui faut du solide. Ma tête me chuchote qu’elle a besoin de sa dose de caféine matinale pour fonctionner à plein régime. Du coup, mon corps s’exécute et se délie paresseusement. Malgré lui. En y faisant, ma main chope instinctivement le téléphone portable. Mes yeux à moitié ouverts parcourent la liste des notifs rentrées tard dans la nuit.

 

Ça sent la merde. À plein nez. Plus de 3 milliards de personnes confinées à travers le monde ; bilan des pays ayant enregistrés le plus de nouveaux décès en 24 heures avec l’Italie en tête de liste (889 morts), suivi de l’Espagne (832) et des États-Unis (453) ; 220 000 entreprises qui demandent le chômage partiel pour 2 millions de salariés ; émeute dans une prison thaïlandaise provoquée par des craintes d’épidémie de Covid-19… Ça me ramène chez nous. Mes yeux sont grand ouverts. Je me sens nauséeuse. Est-ce dû à mes gargouillis qui se font plus pressants ? Ou est-ce les nouvelles du matin ?

 

C’est à ce moment précis que je prends la décision de me sevrer volontairement. Pas question de gâcher ce deuxième dimanche de confinement ! Mentalement, je presse sur le bouton ERASE de mon disque interne. Ouf, ‘clean slate’ ! On recommence.

 

Je vais sur ma page Instagram tout en me dirigeant vers le frigo : pug_leonid, un adorable carlin russe que je ‘follow’ quotidiennement et qui est bien plus éclairé que beaucoup d’humains, a été très actif. Même scénario sur les nombreux comptes de golden retrievers (parce que j’en ai un que j’adoooore et qui vit avec nous) auxquels je suis abonnée. Je souris, le premier vrai sourire de la journée.

 

Et voilà qu’entre tous ces comptes (ou contes) de chiens, je tombe sur un post de #foodporn. La photo (la plus gourmande qui soit) semble me narguer alors que mon frigo me fixe, désespérément vide après avoir été pillé dix jours d’affilée ! Mon sourire s’évapore. Je referme la porte du frigo, fait couler un café en me disant que je vais probablement devoir me rabattre sur cette boîte d’instantané cachée au fond du placard à provisions, qui se dévide également.

 

Je m’assieds moins fière qu’au réveil, rêvant de sushis, d’une grande et belle salade cubaine, d’un bon gros hamburger (je ne suis pourtant pas du tout fast food), d’une charlotte aux fraises, de pancakes aux clémentines et au chocolat noir, d’une paire de ‘dholl puri’ chaud-chaud garni d’achards de légumes, d’un ‘vona … corona’. Zut ! Mon envie de glace me sort de ma rêverie. Et c’est là, juste là, que mon sourire a été ERASE sans avoir à presser de bouton. Mes gargouillis, eux, avaient redoublé de puissance. Maudit Covid-19 !