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Covid-19 : Journal d’une Mauricienne confinée, J-6

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Covid-19 : Journal d’une Mauricienne confinée

Au réveil, en journée comme en soirée. Je me sens en cage. Je suis en cage. Bah oui, on est quand même au sixième jour du confinement national.

 

Je sais, je sais… Comparée à d’autres, je suis chanceuse. Je peux me permettre de bosser d’une terrasse qui s’ouvre grand sur le jardin. De profiter de mes chiens qui, en passant, sont les plus heureux du monde car ils ont droit à une surdose de câlins et d’attention depuis vendredi dernier. De griller ma clope quand bon me semble. Faudrait d’ailleurs que je pense à ralentir car le «lockdown» total risque fort de durer et je vais finir par me retrouver à court. Quoique, à bien y penser, ça ne serait pas une mauvaise chose. C’est peut-être le moment d’arrêter. Un bon point pour le Coronavirus ?!!!

 

Mais où en étais-je (à force d’être à huis clos, on finit par se perdre dans les dédales de ses réflexions !) ? Ah oui, en cage, donc ! Mais pour une bonne cause. Se protéger et protéger les autres, pour ceux qui n’ont toujours pas compris. C’est ce qu’on appelle, dit-on, l’action par l’inaction, la meilleure arme qui soit pour terrasser l’ennemi invisible qui sévit impunément jusqu’ici.

 

Je choisis de ne retenir qu’un seul mot : l’inaction. Et du coup, je me demande pourquoi l’inactive que je suis doit vous raconter son quotidien ? Ne serait-ce pas plus intéressant pour vous de lire le quotidien de celles et ceux (spécial dédicace au personnel soignant et aux forces de l’ordre, entre autres) qui sont journellement au front à batailler contre ce Covid-19 de merde ? Vous savez celles et ceux qui tentent de sauver des vies (parfois malgré eux car les inconscients et les têtes-brûlées, qui mettent en danger la vie des autres sont malheureusement nombreux) ? On ne les remerciera jamais assez ceux-là !

 

En même temps, je me dis qu’ouvrir son intimité à quelqu’un.e peut être rassurant, réconfortant et faire écho. Vous savez, genre : vous n’êtes pas seul.e / ‘You are not alone’. Je n’ai pas l’apanage de l’angoisse. Je ne suis pas seul.e à me demander si j’ai assez de provisions pour tenir ou de quoi sera fait demain. Bref, on est tous.tes embarqué.es dans la même galère…

 

15 h 17. Mon téléphone vibre. Mon ordi m’indique que j’ai un appel entrant. Téléphone ou ordi ? Je bug. «Help !» Vite, je m’extirpe de ma profonde réflexion. J’opte pour le laptop. C’est le fiston, celui qui vit in Paris. Le seul et unique. Moment de panique le temps que s’établisse la connexion. Pourquoi il appelle ? Pourquoi n’est-il pas en train de travailler ? Aurait-il des symptômes ?

 

Sa bouille d’amour apparaît enfin sur l’écran, joyeux. Ouf, je me suis fait un de ces films !!! L’enfant (qui aura quand même 25 balais dans quelques mois) profite d’une pause pour me faire un coucou, discuter avec son père.

 

On prend des nouvelles. On se raconte les dernières nouvelles. On s’échange des nouvelles sur la famille des quatre coins du monde. Et voilà qu’il se lance dans une histoire à dormir debout : avec ses potes, ils ont pris l’apéro en FaceTime. Pour faire ‘short’ : e-apéro après le boulot en mode remote. Ils se sont dit pourquoi tirer un trait sur les bonnes vieilles habitudes du mercredi soir. Pas mal comme combine : chacun chez soi pour se protéger et tous ensemble autour d’un verre ! On termine notre ‘video call’ dans une profusion de «Take care. Stay safe and healthy. Bisous. Je t’aime».

 

15 h 45. Cette petite parenthèse salutaire me fait oublier l’inaction dans laquelle je suis confinée. Un seul mot me trotte dans la tête : l’e-apéro. Il oblitère tout le reste. L’idée me plaît. Pas question de rester comme une lionne en cage. Je vais faire un pied de nez au confinement total. Je vais tout faire pour éviter de m’embarquer dans une chasse aux infos glaçantes… Je lance l’invitation. À la guerre comme à la guerre, hein, maudit Corona !