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COVID-19 : Journal d’une Mauricienne confinée, J-9

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COVID-19 : Journal d’une Mauricienne confinée

Illustration : Kristian Hammerstad


3 heures du mat. La maison est endormie. Je lutte contre une insomnie qui me mène la ‘nuit’ dure depuis trois jours. Je finis par rouvrir mon ordinateur portable alors que je l’avais à peine refermé. Enfin des propositions de livraisons à domicile ! Mieux vaut tard que jamais. Je surfe sur le site de courses en ligne.

 

Entretemps, ma chienne a fini par détecter mes mouvements nocturnes. Elle vient poser sa grosse truffe à côté de mon visage. Me lance de longs et profonds soupirs pour me faire comprendre que ce serait bien que je la sorte vu que je suis réveillée maintenant.

 

En l’observant faire son pipi ultra matinal, je réalise qu’elle se gratte, chose qu’elle ne fait que rarement. L’heure du traitement antipuce serait-elle déjà là… En effet ça fait deux mois depuis le dernier shot de médicament contre les parasites. Il est temps de prendre soin de sa troupe.

 

Re-surfe. Et voilà que je tombe sur la plateforme MedActive, qui propose un service de ‘Click and Collect’. Je n’ai nul besoin d’un dessin : le shopping en ligne ça me connait plutôt bien, plutôt très bien même. Je lance le site web et choisis ce qu’il me faut. J’en profite pour ajouter une énorme bouteille de gel lavant intime… Imaginez chopper une mycose en confinement ! Non, merci. J’essaie de me rendormir.

 

Je suis réveillée par la sonnerie stridente de mon portable. Je hais ce bruit ; il a quelque chose d’angoissant. Bref, on m’annonce que ma commande est prête. Je fonce direct vers la bouilloire pour me faire un thé. Je cours ensuite dans la douche. Et avant de quitter ma bulle, je place soigneusement le masque fleuri cousu avec amour par ma mère sur mon petit visage. Le tissu est assez rétro, mais pas tendance. Je prends des gants et une mini-bouteille de gel hydraulique au passage et saute dans ma caisse. Les routes sont quasi-désertes. Un pays fantôme. Ma déprime est toutefois allégée par le fait de voir autre chose que les murs de mon salon.

 

La capitale. Je m’arrête devant la pharmacie située à la rue La Chaussée, m’arme de mes gants, prend quelques feuilles de papier, mon mini-gel désinfectant et ma carte bancaire. Go, Go, Go ! La mission sur le terrain commence. Discipline : trois personnes font la queue en prenant soin de respecter le mètre de distance voulu. C’est bien. Je me dis que Covid ou pas, ça devrait toujours être ainsi.

 

Mon tour approche, mon cœur bat à tout rompre, je sens le danger. Je reste bien loin des pharmaciens qui n’ont ouvert qu’une porte pour servir à l’extérieur. Je leur donne mon nom et mon numéro de commande. On revient vers moi avec un sac en plastique. Je perçois le fameux sac comme une menace pour ma vie. «Abort mission, abort mission, run», me hurle ma voix intérieure ! Je me raisonne : «Calme-toi.»

 

Position d’attaque : je donne ma carte, bras tendu, bassin crispé. Position de défense : tête penchée vers l’arrière, corps dessinant un C toujours vers l’arrière. Le yoga, ça sert. Paiement effectué. Je prends le colis hautement suspect et file vers ma voiture. J’ôte mes gants, les jette au sol côté passager et me badigeonne généreusement les mains de gel.

 

De retour chez moi, je vide le contenu du sac sur un banc du jardin et j’asperge le tout de javel en spray. Je décachette le tout et jette les emballages. Direction la douche pour ôter toute trace de micro-organisme funeste. Tango à Charlie… Charlie à Tango… Mission accomplie. Repos soldat.