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Catastrophes: nécessité d’investir pour mieux gérer les risques

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Catastrophes: nécessité d’investir pour mieux gérer les risques | business-magazine.mu

La plateforme ISLANDS poursuit ses efforts en vue de sensibiliser les États de l’indianocéanie sur l’importance d’adopter les mécanismes financiers adéquats, afin de réduire l’impact financier des risques associés aux catastrophes naturelles. Le récent passage de Chedza a mis à nu la vulnérabilité de la région.

Bansi, Chedza, Diamondra. Les cyclones font partie de ces catastrophes naturelles qui sont courantes dans le bassin de l’indianocéanie. Si l’on ne peut rien faire pour les arrêter, il est possible toutefois pour les États de la région d’adopter des instruments financiers adéquats pour mieux amortir leur impact économique.

Deux semaines après le passage de Chedza à Madagascar, les sinistrés, au nombre de 130 000 environ, viventdans le dénuement. Tapis dans les rues de Tana, ils attendent une aide qui ne viendra peut-être jamais.

Un triste spectacle qui aurait pu être évité. Le gouvernement devrait avoir un plan de réponse immédiate lors des catastrophes. Cependant, comme l’a démontré Chedza, les mécanismes post-catastrophes à Madagascar ne répondent pas du tout aux besoins de la population. Les fonds de prévoyance en place pour faire face à de telles situations sont déjà épuisés. Sans l’aide internationale qui peine à arriver, Madagascar peut être témoin de l’un des pires drames humains de la région.

Lors de l’atelier national du projet ISLANDS pour la protection financière à Madagascar qui s’est tenu du 28 au 30 janvier, les différents responsables de la plate-forme ont rappelé que les moyens de se protéger et les outils adéquats existent. Mais ce qu’il faut, avant tout, c’est la volonté politique. Raoilisoa Harilala Onintsoa, directeur général du Budget, sous l’égide du ministère des Finances et du Budget, insiste sur la nécessité de casser la dépendance de l’aide extérieure.

Madagascar: risque annuel de $375 M

«Il revient à Madagascar de disposer de mécanismes solides. Sans quoi, le pays dépendra de l’aide extérieure. Toutefois, il faut adapter ces mécanismes au contexte local, mettre en place des stratégies pour anticiper les risques liés aux catastrophes. Un autre volet très important est l’optimisation des risques dans les évaluations et les planifications budgétaires. Les travaux effectués jusqu’à présent doivent être le prélude à d’autres activités aux niveaux national et régional», soutient Raoilisoa Harilala Onintsoa.

Le colonel Mamy Razakanaivo, président de la plateforme régionale ISLANDS, réitère, pour sa part, l’importance d’investir dans la réduction des risques de catastrophes. Selon lui, il faut communiquer les résultats obtenus lors des phases une et deux du projet ISLANDS pour que les décideurs politiques puissent prendre les décisions appropriées et intégrer les investissements pour la réduction des risques dans le budget sectoriel.

Le rapport sur les risques de catastrophes à Madagascar, rédigé par les experts du Bureau des Nations unies pour la réduction des risques de catastrophes (UNISDR) en collaboration avec des experts locaux de la CPGU, contient plusieurs chiffres qui inquiètent.

L’un des résultats les plus pertinents est l’Average Annual Loss, soit le risque annuel. Pour Madagascar, le risque annuel en vents cycloniques se chiffre à quelque 74 millions de dollars. Il faut bien comprendre que ce chiffre ne couvre que les vents cycloniques et non pas les autres intempéries qui accompagnent les cyclones. En prenant en considération les pluies cycloniques, les incendies de forêtet les autres aléas don tsouffre la Grande île, le chiffre pour le risque annuel compte pour environ 375 millions de dollars.

De l’autre côté, l’allocation dédiée à la gestion des risques liés aux catastrophes ne fait que 1,87 % du budget annuel, soit 131 millions de dollars seulement.Ce chiffre ne couvre que 35 % du risqueannuel. De plus, 50 % du budget dédié à la gestion des risques va à l’intervention post-catastrophe alors que 92 % des 131 millions devraient, en théorie, partir vers des projets de gestion de risques. À en croire les chiffres, si Madagascar est touchée par un aléa à une échelle moyenne qui en théorie arrive tous les 24 ans, l’île devra faire face à des difficultés financières d’envergure.

Lors de l’atelier national de l’IFPP aux Seychelles qui s’est tenu les 2 et 3 février, on a rendu publics des chiffres du rapport national rédigé par les experts de l’UNISDR avec l’aide d’experts locaux. Le cas des Seychelles est très différent de celui des autres pays, l’Average Annual Loss et le Probable Maximum Loss ne pouvant pas être établies. Les Seychelles se trouvent géographiquement bien situées car étant très près de l’équateur, elles sont suffisamment loin de la trajectoire des cyclones et des fortes rafales. Cependant, la valeur des biens exposés est estimée à 367 millions de dollars.

Même si les risques cycloniques et sismiques sont relativement inexistants, les experts de l’UNISDR recommandent toutefois aux autorités seychelloises de poursuivre les efforts dans l’évaluation des risques liés aux catastrophes. Cela est important car bien que les Seychelles ne soient pas vulnérables à deux aléas majeurs, il est nécessaire de connaître les autres phénomènes qui puissent affecter l’archipel en sorte de développer un plan d’action afin de pouvoir y faire face. 

Pour sa part, le chef de cabinet du ministère des Finances et du Commerce des Seychelles, Patrick Payet, explique que le pays a mis en place en décembre 2014 un cadre légal pour la gestion des risques de catastrophes. Ce qui a permis de constituer un fonds de prévoyance de 25 millions de roupies seychelloises.

De son côté, la Banque mondiale a mis à la disposition des Seychelles un fonds de secours de 7 millions de dollars d’où l’on peut puiserdans des cas d’extrême urgence.

L’un des soucis principaux aux Seychelles, c’est l’absence totale de politique de protection des infrastructures. Tandis que les hôtelset les bâtiments privés ont des assurances, les infrastructures publiques, telles que les routes, le port, les bâtiments du gouvernement et les réseaux de distribution d’eau, ne jouissent d’aucune protection. Lors du tsunami de 2004, c’est le gouvernement japonais qui a aidé à la reconstruction de l’infrastructure portuaire à hauteur de 30 millions de dollars. Et pourtant, le port de pêcheest un centre névralgique de l’économie seychelloise.

Le rapport national des Comores, toujours rédigé par les experts de l’UNISDR avec l’aide d’experts locaux et qui sera rendu public lors de l’atelier national les 5 et 6 février, indique que l’Average Annual Loss pour le pays est estimé à 0,37 million de dollars pour les risques cycloniques et les séismes.

L’Union des Comores est l’un des rares pays oùiln’y a pas d’écart entre l’investissement public dans la gestion des risques de catastrophes et les pertes causées par celles-ci. Les autorités comoriennes et les acteurs du privé investissent suffisamment dans la gestion de risques pour couvrir les pertes encourues annuellement.

Cependant, comme pour les Seychelles, il n’y a pas d’encadrement légal pour l’intégration de l’évaluation des risques dansl’analyse des coûts et bénéfices pour les projets d’investissement Tous les investissements dans la gestion de risques de catastrophes sont réalisés par les différents ministère set les institutions gouvernementales indépendamment des autres. Le ministère des Finances de l’Union des Comores guide la planification des budgets de chaque ministère, mais l’analyse des coûts et bénéfices n’est pas requise dans les procédés du budget.

Comme le souligne Christophe Legrand, chef du programme projet ISLANDS, nous ne sommes qu’à mi-parcours. Il y a toujours beaucoup de travail à faire pour réaliser les objectifs du programme. Toutefois, avec l’effort et la volonté des différents pays de la région de l’indianocéanie, on arrivera à protéger nos pays contre les risques liés aux catastrophes.