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French Blue relance le débat sur l’accès aérien

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French Blue relance le débat sur l’accès aérien | business-magazine.mu

L’arrivée prochaine de French Blue remet sur le tapis la question de l’ouverture de La Réunion aux lignes internationales. D’autant plus que les opérateurs touristiques souhaitent se positionner sur d’autres marchés émetteurs.

Filiale dugroupe Dubreuil, société familiale vendéenne, French Blue a vu le jour au deuxième semestre 2016. La compagnie vient ainsi renforcer le positionnement du groupe dans le secteur du transport aérien, qui représente 35 % de ses activités, juste devant le métier de la distribution automobile (31 %) et celui de la distribution de produits pétroliers (15 %). Le groupe Dubreuil emploie aujourd’hui près de 3 500 collaborateurs et a réalisé un chiffre d’affaires de 1,5 milliard € en 2015. Depuis 2009, c’est Paul-Henri Dubreuil qui le dirige. Quant à Jean-Paul Dubreuil, fondateur du groupe et président du Conseil de surveillance, il est toujours très impliqué dans la stratégie des entreprises de l’aérien. Il avait d’ailleurs créé Air Vendée – devenue Regional Airlines en 1981 – en 1974.

Sans vouloir faire la promotion de French Blue, les trois tarifs que propose en ce moment la compagnie pour un aller simple Paris (Orly)-Saint-Denis (Roland-Garros) se déclinent ainsi : «Basic» (à partir de 249 €, toutes taxes comprises – TTC), «Smart» (à partir de 299 € TTC) ou «Premium» (à partir de 649 € TTC). Les prix sont indiqués «à partir de» parce que toute une gamme de services additionnels peuvent faire grimper la note. Un bagage en soute coûtera, par exemple, 35 € TTC à ceux qui auront choisi la formule «Basic», les deux autres formules incluant ce service dans leur prix. D’aucuns pointent déjà les frais supplémentaires qui auront vite fait grimper la note d’un vol «low-cost» de base. Comme pour se dédouaner, French Blue tient à préciser que le «low-cost» n’est pas pour la compagnie synonyme de qualité au rabais: elle vise le «peu cher mais néanmoins tendance et désirable», ainsi qu’elle le clame sur son site Internet... Un «low-cost» plutôt «smart cost», donc qui se traduit par la présence de sièges en cuir dans toutes les classes, avec renforts pour les lombaires et appuie-tête réglable en hauteur et en largeur ou encore d’écrans haute définition tactiles extra-larges avec un programme de divertissements varié et la connectivité proposée en option. Les vols se feraient sous forme de huit rotations par semaine en Airbus A 330-300 et A 350.

Le lancement de French Blue, dont le président est Marc Rochet, constitue une suite logique à celui d’Air Caraïbes en 2000 par Jean-Paul Dubreuil. La création de la compagnie antillaise emboîtant elle-même le pas à la cession de la compagnie Regional Airlines à Air France cette année-là. Dubreuil jette alors son dévolu sur Air Guadeloupe, qu’il décide de rebaptiser. À ses débuts, la compagnie ne dessert que des destinations régionales. C’est en 2003 qu’elle se positionne sur le marché du long-courrier avec, en ligne de mire, Paris. De fait, il ne s’agit plus, comme à l’époque de Regional Airlines, d’éviter la capitale. Le contexte n’était d’ailleurs plus favorable aux vols régionaux puisque ce secteur se révélait de plus en plus compliqué. Le but était clair : faire des Caraïbes et de la Guyane une destination phare pour des vacances de rêve à l’intention des Français de métropole et constituer une passerelle bienvenue pour les Français d’outre-mer attirés par la métropole ou désireux de garder un lien avec les proches installés sur le continent européen.

 Compagnie sœur d’Air Caraïbes

En quoi l’exemple d’Air Caraïbes peut-il être pertinent pour mieux cerner les intentions de French Blue ? Tout d’abord, parce que French Blue se présente volontiers comme la «compagnie sœur d’Air Caraïbes», se plaçant en quelque sorte sous la protection bienveillante de sa grande sœur qui peut lui apporter si ce n’est une feuille de route, du moins des conseils, fruits de son expérience de 16 ans dans le paysage aérien. Reste à déterminer – et cela ne pourra se vérifier que sur le long terme – dans quelle mesure French Blue pourra user au mieux de ces conseils et sous quels auspices se fera le dialogue entre les deux compagnies.

La connexion sous-jacente que l’on peut toutefois déjà mettre au jour est celle de la stratégie du groupe Dubreuil concernant sa conquête de l’aérien. Après s’être imposé comme un acteur de poids dans la zone Caraïbes-Guyane, le groupe continue ainsi son expansion outre-mer, en visant La Réunion, bien qu’il soit loin de débarquer en terrain conquis et que la concurrence l’attende déjà de pied ferme (voir encadré).

À force de focaliser l’attention des Réunionnais sur la question de la concurrence, French Blue a fini par susciter d’autres interrogations comme l’ouverture de La Réunion aux lignes internationales, un sujet au cœur des préoccupations des professionnels du tourisme local, de plus en plus désireux de se tourner vers des marchés émetteurs diversifiés.

Faut-il, comme le pensent certains, dont Pascal Goyard, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie à La Réunion, «libérer l’aérien réunionnais et ne pas laisser le hub international à Maurice, en proposant des vols directs vers les destinations internationales sans avoir à passer par Paris, ou à faire escale à Maurice» ? Dans ce cas, il conviendrait de tenir compte de la capacité de nos aéroports à supporter un trafic à cette échelle. D’un autre côté, la configuration actuelle du ciel réunionnais semble se trouver dans un état d’équilibre; mais en économie, les lignes, même aériennes, peuvent changer.

On le voit, le nouveau venu de l’aérien réunionnais ne laisse pas indifférent et a au moins le mérite de faire réfléchir quant au modèle local et à ses perspectives.

L’impact du «low-cost» aérien sur le tourisme local

L’année dernière, Didier Robert, président du Conseil régional de La Réunion, déclarait : «La création d’une compagnie low-cost aidera à améliorer notre desserte aérienne et à mieux vendre la destination Réunion». Il pensait alors évidemment à une entité émanant d’Air Austral, dans laquelle la Région a des parts actives, et qui serait basée à Pierrefonds, dans le sud de l’île. Mais cette prédiction sur le dynamisme du tourisme ne s’applique-t-elle pas également à l’arrivée de French Blue, compagnie à bas prix ?

Lors de la libéralisation du ciel réunionnais dans les années 1980 et 1990, les statisticiens ont pu enregistrer un doublement du nombre d’arrivées de touristes (de 200 000 en 1990 à 400 000 en 1998). Toutefois, toujours selon les analystes de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), «le prix du billet d’avion ne peut cependant être le facteur explicatif exclusif de la santé du tourisme à La Réunion. Nous manquons d’analyses sur l’impact d’autres composantes de l’offre (capacité d’hébergement, impact des promotions, qualité des prestations...). Néanmoins, le lien entre prix du billet et volume de touristes semble déterminant». Autrement dit, l’annonce d’un low-cost devrait avoir un effet attractif sur les touristes : moins les prix des billets seront-ils élevés, plus les touristes (notamment ceux dits d’agrément) seront-ils susceptibles de venir nombreux.

Cela devrait se vérifier pour les saisons hautes considérées comme «rouges» (vacances scolaires et fêtes) avec des prix assez élevés. L’opération devrait aussi profiter aux périodes creuses, en incitant la concurrence à garder un cap, correspondant plus ou moins au tarif de base de la compagnie «low-cost». Les affinitaires seront également plus enclins à prendre l’avion pour rejoindre leur famille réunionnaise et pourraient envisager de venir plus souvent leur rendre visite (et vice versa), tous les ans par exemple, au lieu de seulement une fois tous les deux ou trois ans.

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