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Il faudrait attirer des investisseurs domestiques et étrangers – Coralie Gevers (Country manager de la banque mondiale)

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Il faudrait attirer des investisseurs domestiques et étrangers - Coralie Gevers (Country manager de la banque mondiale) | business-magazine.mu

L’aide internationale représente une grande partie du budget de l’État. Pourtant, Madagascar fait partie des pays pauvres qui n’en reçoivent pas assez. Pouvezvous expliquer cela ?

C’est vrai que Madagascar fait partie des pays qui ne reçoivent pas beaucoup d’aide par habitant. Lorsque nous avons aidé à organiser la conférence des bailleurs et des investisseurs à Paris, en décembre 2016, le seul pays qui recevait moins d’aide par habitant était la Corée du Nord. Depuis, il y a eu du progrès. On sait que le montant de l’aide a augmenté, mais cela reste très faible, surtout par rapport au très haut taux de pauvreté à Madagascar.

Il n’y a jamais vraiment eu d’étude sur les raisons pour lesquelles l’aide est aussi faible. Certaines hypothèses avancent le fait que Madagascar est une île qui n’exporte peut-être pas ses problèmes, contrairement à d’autres pays d’Afrique ou du Moyen-Orient à l’origine de la crise de l’immigration en Europe. L’autre éventuelle raison, c’est que Madagascar n’a jamais eu de conflit très violent. Il y a eu des crises mais pas de fortes violences avec beaucoup de victimes. Madagascar n’a pas eu, non plus, de terrible famine comparable à d’autres pays. C’est quelque chose pour laquelle il faudrait plutôt se réjouir, mais cela ne veut pas dire que Madagascar n’a pas besoin d’aide.

C’est, entre autres, pour cela qu’au niveau de la Banque mondiale, nous avons fortement augmenté notre aide au cours de ces quatre dernières années et nous comptons continuer à des niveaux similaires dans le futur parce que nous pensons que le pays en a besoin. L’aide de la Banque mondiale est, en fait, déterminée par des critères objectifs comme la taille de la population, le Pib par habitant, le taux de pauvreté mais aussi la capacité de l’État à gérer les financements. Il ne s’agit pas seulement du financement de la Banque mondiale mais aussi du financement public, c’est-à-dire de l’efficacité de l’État dans la gestion de ses propres ressources.

Coralie

Une partie de la classe politique critique les aides, notamment sur leur efficacité, arguant qu’elles ne se ressentent pas au niveau de la population. Quel commentaire faites-vous par rapport à cela ?

Au niveau microéconomique, j’ose espérer que cela se ressent. À la Banque mondiale, par exemple, nous finançons avec le gouvernement les pôles intégrés de croissance avec des investissements à Fort-Dauphin, Nosy Be, Tuléar et Antsiranana. Je pense que si vous vous rendez à ces endroits, les gens vont vous dire qu’ils voient se matérialiser les financements. Ils en sont très conscients. Quand vous regardez le projet de transfert monétaire de protection sociale, qui assiste 150 000 familles les plus vulnérables à Madagascar, ils le ressentent. Vous allez dans le Sud aujourd’hui voir ce que le programme Fiavotana fait en matière de transfert monétaire comme réponse à la crise, on le ressent.

Nous faisons des évaluations d’impact et nous pouvons démontrer que les familles qui bénéficient du programme ont une meilleure nutrition, s’alimentent mieux que les autres familles, ont pu reconstituer un stock de petit bétail, envoient leurs enfants à l’école plus que les autres et ont accès au centre de santé plus que les autres familles. L’aide fonctionne à Madagascar. Par contre, est-ce qu’on voit les impacts au niveau macroéconomique ? Je ne sais pas. En tout cas, une partie de la croissance vient des projets d’infrastructures qui sont financés, entre autres, par les bailleurs de fonds. Il faut savoir que presque la moitié de l’investissement public pour le moment à Madagascar est financé par les bailleurs de fonds. Sachez aussi que nous ne mettons pas notre logo partout. L’important, ce n’est pas que l’argent vienne d’un bailleur, c’est surtout que l’État démontre sa capacité à offrir un service à sa population et à investir. L’État doit pouvoir montrer aux citoyens qu’il est présent.

Lors du débat du second tour, l’approche par rapport aux partenaires techniques et financiers a divisé les deux candidats. Le président élu avait affirmé avoir pu tenir le pays à flot malgré l’absence d’aides. Quel genre de relation allez-vous entretenir avec le nouveau régime ?

Avant que la période électorale ne commence, la Banque mondiale avait présenté sa position, qui est celle que nous avons dans tous les pays, à savoir, qu’elle ne s’engage pas dans la politique politicienne. Nous nous engageons dans la politique économique. Nous serions aux côtés de tout gouvernement qui émergerait d’un processus constitutionnel. La constitutionnalité n’est pas déterminée par la Banque mondiale, mais déterminée par le pays. Nous sommes heureux de voir que le processus constitutionnel a eu lieu à Madagascar et que nous avons eu une alternance démocratique qui s’est faite dans l’apaisement. Nous nous réjouissons surtout pour le bien du pays et des investissements. C’est une bonne chose pour l’économie et cela donne une chance à la réduction de la pauvreté.

Autrement dit ?

Nous sommes aussi heureux d’être aux côtés d’un gouvernement qui a la volonté d’aller de l’avant et de stimuler le développement de l’île, de réduire la pauvreté et d’être inclusif. Il faut se rendre compte que le plus grand défi à Madagascar est probablement celui de l’inclusion. Le pays a maintenant un taux de croissance relativement sain, mais il est vrai qu’une large partie de la population ne voit pas les bienfaits de cette croissance. C’est pour cela qu’il faut un engagement vers une plus grande inclusion avec de meilleurs services sociaux de base pour tous les Malgaches mais aussi leur donner de meilleures opportunités économiques, que ce soit à travers des investissements en infrastructures, des investissements pour les aider à améliorer la productivité de leurs activités économiques ou en leur donnant accès au marché. C’est là-dessus que le nouveau gouvernement se focalise et il peut être rassuré que nous sommes à leur côté.

Madasgacar

En se référant au document de l’Initiative Emergence Madagascar (IEM), on remarque que la part des bailleurs de fonds dans le financement du développement n’est pas aussi importante que dans les précédents régimes. Dans quel cadre, la Banque mondiale pourraitelle intervenir ?

Nous avons déjà un cadre de partenariat qui est en place avec Madagascar, dans lequel nous nous focalisons sur la mission de la Banque mondiale, qui est de réduire la pauvreté. Nous le faisons en soutien à la politique du gouvernement. Nous nous focalisons en particulier sur l’amélioration de la résilience des ménages et des communautés, en soutenant, entre autres, les investissements dans le développement humain en santé et éducation dès la plus jeune enfance et aussi en soutenant une plus grande décentralisation à Madagascar. L’idée est de s’assurer que les communes peuvent apporter des améliorations en petits investissements et en services auprès de leur communauté. Le deuxième aspect où l’on continue à être engagé, c’est celui de la promotion de la croissance inclusive tout d’abord avec une bonne gestion macroéconomique. Madagascar est justement connue et reconnue pour sa bonne gestion macroéconomique.

Mais des efforts sont à consentir…

Cela implique tout d’abord d’accroître les recettes fiscales pour que l’État puisse financer lui-même les investissements en infrastructures et en dépenses sociales. Le deuxième aspect de la croissance inclusive pour nous, c’est d’améliorer le climat des investissements parce qu’une partie de l’amélioration de la croissance vient du secteur privé. Donc, il faudrait attirer des investisseurs domestiques et étrangers, surtout domestiques. Cela se fait par l’amélioration du climat à l’investissement et un meilleur accès au secteur financier.

Il faut des investissements spécifiques à des secteurs. On voit cela dans l’IEM, avec un soutien, entre autres, aux secteurs agricole et du tourisme, au développement de certaines infrastructures qu’on appelle les projets structurants dans la connectivité routière, la connectivité aéroportuaire et la connectivité en électricité. Ce sont des domaines dans lesquels nous sommes déjà engagés et continuons à rester engagés au côté du gouvernement. Le diagnostic du pays n’a pas changé. Les besoins du pays n’ont pas changé. Nous avons l’intention de continuer d’investir à Madagascar. Ce qu’on voit plus, c’est un niveau d’engagement qui a augmenté. Par ailleurs, on espère du gouvernement de travailler davantage vers la bonne gouvernance du pays et d’approcher un peu plus le secteur privé.

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