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Madagascar – Andrianirina Rasolonjatovo: «L’économie du pays doit pouvoir bénéficierde la présence d’exploitants étrangers»

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Madagascar - Andrianirina Rasolonjatovo: «L’économie du pays doit pouvoir bénéficierde la présence d’exploitants étrangers» | business-magazine.mu

Le directeur général de l’Institut de gemmologie de Madagascar brosse un tableau avantageux de l’établissement spécialisé dans l’expertise des pierres précieuses et les formations relatives à cette filière. L’objectif de l’institut : promouvoir et professionnaliser le secteur des gemmes dans la Grande île.

BUSINESSMAG. Quand et dans quelles circonstances l’Institut de gemmologie de Madagascar (IGM) a-t-il démarré ses opérations ? Quel en a été le parcours depuis ?

Projet financé par la Banque mondiale, l’IGM a vu le jour en 2004 dans le cadre du Programme de gouvernance des ressources minières. Il s’agissait alors de mettre sur pied à Madagascar un institut de gemmologie de niveau international doté d’un laboratoire de pointe. Il aurait pour fonction de favoriser le développement du secteur des gemmes dans la Grande île.

Les enseignants de l’IGM ont été formés à Londres, au Canada et aux États-Unis. De plus, notre institut est le seul en Afrique et dans l’océan Indien à être accrédité par la Gemmological Association of Great Britain (Gem-A).

J’aimerais ajouter que l’IGM a pour mission de produire des gemmologues de haut niveau (experts FGA – Fellow of the Gemmological Association), des bijoutiers et des lapidaires (NdlR : professionnel qui taille et polit les pierres précieuses) professionnels, de dispenser des formations diplômantes et qualifiantes, de fournir des services de certification et d’expertise ainsi que de promouvoir la transformation des gemmes en vue d’en accroître la valeur.

BUSINESSMAG. Quels sont les critères requis pour avoir accès aux formations de l’IGM ?

L’IGM dispense plusieurs types de formations. Il y a des formations modulaires qualifiantes et de différents niveaux, jusqu’à des formations diplômantes. Les critères d’éligibilité et les coûts dépendent du type de formation. Il est important de noter que le niveau «expert FGA» est le diplôme professionnel le plus prestigieux en gemmologie. Il est délivré par la GEM-A de Londres et reconnu mondialement.

BUSINESSMAG. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les filières et les cours proposés ?

Les aspirants étudiants ont le choix entre plusieurs filières à l’IGM. S’ils optent pour la gemmologie, tout d’abord, différents modules et cursus leur seront proposés : «Expert FGA», un cours intensif de six mois, à plein temps ; «Expert FGA» en alternance, d’une durée de deux ans au moins ; le Diplôme de technicien supérieur par correspondance, également étalé sur deux ans ; un cours intensif de 15 jours en gemmologie pratique. S’y ajoutent les cours en gemmologie avancée, gemmologie spécialisée et gradation des pierres.

L’on peut aussi choisir de se spécialiser en lapidairerie. Nos cours, dans ce domaine, correspondent aux normes internationales et sont dispensés selon divers modules : Initiation à la technique américaine et Perfectionnement à la technique américaine ; Initiation à la technique thaïlandaise et Perfectionnement à la technique thaïlandaise ; la taille cabochon et, enfin, une formation en lapidairerie pour les gérants d’unités de taillage.

La troisième filière est celle de la bijouterie fantaisie, faite main. Les cours y afférents sont de deux niveaux : Initiation et Perfectionnement.

De plus, de nouvelles filières sont en cours d’élaboration : la joaillerie, d’une part, dont les formations débuteront l’an prochain et, de l’autre, la détection d’indices et de filons dans une exploitation de pierres gemmes.

Tous nos cours comportent un volet théorique et pratique.

BUSINESSMAG. Au terme de leurs études, à quelles qualifications les apprenants peuvent-ils prétendre ?

Les apprenants passent les examens officiels menant à l’obtention de certificats ou de diplômes, selon le cursus choisi. S’ils réussissent ces épreuves, ils peuvent devenir employés qualifiés, gemmologues certifiés ou encore titulaires d’un Diplôme de technicien supérieur, d’un Diplôme international de gemmologie (GEM-A Londres) ou d’un Diplôme international de niveau Expert FGA (Gem-A Londres).

BUSINESSMAG. L’IGM a déjà fait appel, dans le passé, aux services d’experts étrangers de notoriété internationale et coopéré avec des établissements prestigieux d’autres pays qui évoluent dans le même secteur d’activité. Est-ce toujours le cas aujourd’hui ?

Oui, l’IGM a recours aux services d’experts étrangers mondialement reconnus, pour des échanges d’expériences ou le renforcement des capacités. Car il faut savoir qu’une des forces de notre institut est la remise à niveau permanente du personnel pédagogique suivant l’évolution de l’environnement du secteur.

L’IGM a conclu des accords de partenariat en ce sens avec le Gem and Jewellery Institute of Thailand (GIT), Hoge Raadvoor Diamant (Diamond High Council) – HRD Anvers, le Gemmological Institute of America (GIA) et Gem-A.

BUSINESSMAG. Ceux qui viennent de réussir leurs cursus à l’IGM trouvent-ils rapidement du travail ou sont-ils parfois obligés de travailler pour eux-mêmes ?

Quelques-uns des étudiants qui ont terminé avec succès leurs cursus à l’IGM se mettent à leur compte, d’autres sont embauchés par des entreprises locales, mais d’autres encore sont recrutés par de grandes firmes à l’étranger pour être acheteurs internationaux, évaluateurs ou experts en laboratoire, entre autres.

BUSINESSMAG. Outre la formation, quelles sont les différentes activités et fonctions de l’institut ?

La formation dispensée par l’IGM aux acteurs du secteur des pierres précieuses est effectivement importante puisqu’elle permet de professionnaliser ce dernier. Mais ce n’est pas la seule activité de l’institut qui, comme je l’ai déjà dit, a pour vocation de promouvoir la transformation des pierres précieuses afin d’en accroître la valeur. Nous aidons, en outre, les opérateurs locaux à mieux faire connaître les pierres gemmes de Madagascar sur le marché international.

Une autre fonction de l’IGM est de contribuer à la sécurisation des transactions dont les pierres précieuses font l’objet. Après avoir identifié les gemmes dans notre laboratoire, un rapport est établi qui facilitera la transaction, tant pour le vendeur que l’acheteur, car il est reconnu au niveau mondial.

À l’institut, il nous est par ailleurs possible de différencier les pierres naturelles sans traitement, les pierres naturelles traitées et les pierres synthétiques. Enfin, nous pouvons tailler des gemmes pour le compte de tiers, dans le respect des normes internationales.

BUSINESSMAG. L’IGM bénéficie-t-il du soutien de bailleurs de fonds ?

L’IGM est aujourd’hui autonome financièrement. Il ne bénéficie plus de l’aide des bailleurs de fonds traditionnels.

BUSINESSMAG. La profession de gemmologue est-elle reconnue, agréée par l’État et organisée comme celle des médecins, par exemple ?

Oui, la profession est reconnue par l’État mais l’IGM est en train d’organiser la filière pour qu’elle ait de meilleures retombées économiques. Nous comptons aussi mettre en place une organisation nationale de l’ordre des gemmologues.

BUSINESSMAG. L’IGM est-il le seul établissement à Madagascar à proposer des formations en gemmologie ?

Plusieurs instituts offrent des formations en gemmologie. Cependant, seul l’IGM est agréé par l’État, accrédité et reconnu au niveau mondial. En matière de lapidairerie, notre institut est unique tant à Madagascar et en Afrique qu’en Europe.

BUSINESSMAG. Est-ce qu’il existe des usurpateurs de titre dans le métier, voire d’autres types de fraude dont il faut se méfier ?

Je le confirme : il y a beaucoup d’usurpateurs de titre dans le métier. L’on déplore, de surcroît, de faux certificats d’identification, des laboratoires qui ne donnent pas toutes les informations imposées par la Confédération internationale de bijouterie, joaillerie et orfèvrerie des diamants, perles et pierres (CIBJO). Il arrive, en sus, que les gemmes ayant fait l’objet de rapports d’identification soient remplacées par d’autres pierres ou que des pierres synthétiques soient vendues en faisant croire à l’acheteur qu’elles sont naturelles… Il y a de plus en plus de pierres synthétiques ou naturelles traitées qui circulent dans le pays, tant à l’état brut que taillées.

L’unique solution proposée par l’IGM est la vérification du rapport d’identification auprès de notre institut, ou l’analyse des pierres, avant toute transaction, par notre laboratoire. Cette solution prévient les risques de perdre de l’argent et de se faire arnaquer. J’insiste sur le fait qu’une pierre munie d’un rapport d’identification de l’IGM simplifie les transactions sur les marchés national comme international car le rapport que nous fournissons constitue une garantie importante d’authenticité.

BUSINESSMAG. Le recours à l’expertise de l’IGM est-il coûteux ?

Pour faire expertiser une gemme dans notre laboratoire, il faut compter environ 39 000 ariary. L’on notera que c’est le prix le moins élevé comparé à celui des prestations de laboratoires de même niveau sur le plan international. De plus, je le répète, le rapport que nous réalisons offre à nos clients la garantie de la valeur de leurs pierres, qui peut atteindre plusieurs centaines de millions d’ariary.

BUSINESSMAG. En tant que gemmologue, quel crédit accordez-vous aux hypothèses concernant l’existence d’un gisement ou d’un filon de diamant sur la côte nord-est de Madagascar ?

Techniquement, il devrait y avoir du diamant à Madagascar. Tous les indices scientifiques laissent à penser qu’un filon de cette pierre précieuse pourrait exister. Néanmoins, aucun gisement n’a été officiellement trouvé à ce jour, bien qu’on en parle beaucoup.

Il est important de comprendre que l’exploitation d’un gisement de diamant est très compliquée et n’a rien à voir avec le principe d’exploitation de toutes les autres pierres de couleur. Elle nécessite des investissements colossaux. Dans nombre de pays, des indices de filons de diamant ont été découverts, mais ils n’apportent pas la preuve d’une réserve suffisante pour justifier une exploitation.

Sur les 5 000 cheminées de kimberlite (principal indice de la présence de diamant) découvertes dans le monde, seules 20 cheminées contiennent des diamants exploitables. De plus, il faut manipuler à peu près 35 tonnes de minerais pour obtenir 1 carat de diamant.

Si la Grande île n’a intéressé aucun investisseur par rapport à l’exploitation du diamant jusqu’ici, je pense que les données ou les réserves disponibles ne doivent pas suffire à motiver une telle démarche. 

BUSINESSMAG. Le fait que des opérateurs chinois viennent à Madagascar pour exploiter vos ressources en or suscite des contestations au sein de la population. Votre avis ?

Mon domaine de spécialisation est la gemmologie, je n’ai donc pas grand-chose à dire sur les mines d’or. Toutefois, en tant que citoyen, j’estime qu’il serait dommage de ne pas exploiter cette richesse pour le développement du pays. Si les opérateurs locaux ne sont pas en mesure de le faire légalement, les étrangers peuvent exploiter nos ressources minières mais sous conditions. Il faut des retombées économiques palpables et pérennes au niveau de la population en premier lieu. Je veux parler ici de l’amélioration des infrastructures de base et des conditions sociales ou encore de la parité du pouvoir d’achat. En deuxième lieu, l’économie du pays doit pouvoir bénéficier de la présence d’exploitants étrangers à travers une croissance réelle et soutenue. C’est le principe des partenariats mutuellement avantageux.

BUSINESSMAG. L’IGM a réuni récemment les acteurs du secteur des pierres précieuses à la Chambre de commerce et d’industrie d’Antananarivo (CCIA). Quel était le but de cette rencontre ?

Il s’agissait d’une séance d’information. Nous voulions faire comprendre à tous les acteurs de la filière des pierres précieuses – exploitants miniers, collecteurs, acheteurs, vendeurs, exportateurs, bijoutiers… – que l’IGM est une structure pour la promotion et la professionnalisation de
ce secteur.

L’aspect promotionnel comprend la labellisation des pierres précieuses de Madagascar, l’appui à la recherche de débouchés pour les opérateurs, la sensibilisation à la valeur ajoutée qu’apporte l’activité de la taille des pierres et la sécurisation des transactions par l’identification des gemmes.

Pour ce qui est de la professionnalisation, l’institut y contribue par la formation des acteurs du secteur à l’identification des différentes pierres gemmes et aux possibilités de transformation des pierres selon les normes internationales mais aussi en encourageant les opérateurs à rentrer dans la légalité.

Nous avons tenu à faire savoir aux acteurs du secteur que l’IGM est un atout important pour eux. Ils devraient profiter de cette structure de niveau international, unique dans la région africaine, pour développer leurs activités.

BUSINESSMAG. La participation des opérateurs à cette séance d’information a-t-elle été à la hauteur de vos espérances ?

Nous sommes pleinement satisfaits de la participation active des opérateurs, car il y avait plusieurs représentants de tous les groupements et associations de la filière des gemmes. J’ajouterai que leurs questions étaient pertinentes.

BUSINESSMAG. Dans quelle mesure l’IGM se positionne-t-il comme une référence régionale et internationale ?

Premièrement, le laboratoire de l’IGM est reconnu au niveau mondial. Les grands importateurs exigent d’ailleurs le certificat de l’institut avant d’acheter les gemmes de Madagascar. De même, les bijoutiers les plus en vue de la capitale font appel à l’expertise de notre laboratoire pour établir l’authenticité des pierres de grande valeur et par là même, rassurer les acheteurs. Une démarche tout à fait justifiée car l’IGM respecte le processus d’analyse des laboratoires aux normes internationales, à savoir le recours à l’expertise de trois gemmologues avant de délivrer tout rapport d’identification. De surcroît, chaque expertise passe par plusieurs étapes d’analyses scientifiques, avec des équipements à la pointe de la technologie. Par conséquent, les erreurs sont quasi nulles.

En matière de formation, je l’ai dit plus tôt, l’IGM est le seul institut en Afrique à être accrédité par la Gem-A de Londres, organisme qui délivre également le diplôme d’expert FGA à nos étudiants. À ceux-ci, nous offrons, en outre, un encadrement renforcé – en témoigne un taux de réussite aux examens parmi les meilleurs de tous les Accredited Teaching Centres de la Gem-A. Par contre, les coûts de nos
formations sont les moins élevés à l’échelle internationale.

L’IGM a de nombreux autres atouts : des cours dispensés en anglais et en français, des enseignants formés à l’étranger, dotés de hautes compétences et d’une grande expérience, des classes de travaux pratiques intensives et des infrastructures pédagogiques correspondant aux normes internationales. Il en va de même pour nos cours en lapidairerie.

Élu meilleur centre de formation dans toute l’Afrique par l’African Mining Partnership lors de son quatrième congrès à Pretoria, en 2007, l’IGM a formé plus de 2 000 étudiants depuis sa création. Des élèves en provenance de 31 pays de tous les continents.

En ce moment, avec l’appui de nos partenaires, nous travaillons à faire de l’IGM un centre d’excellence pour la formation en gemmologie en Afrique.

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