Type to search

Région

Madagascar – Privatisation : Le mécanisme se met en marche

Share
Madagascar - Privatisation : Le mécanisme se met en marche | business-magazine.mu

La décision des autorités malgaches de se tourner vers des sociétés étrangères pour la gestion de l’Aéroport de Madagascar et de la Jirama laisse à penser qu’on se dirige vers la privatisation des sociétés d’État.

Abandonnée en cours de route par Marc Ravalomanana, qui avait craint une révolte sociale –, la privatisation des sociétés d’État semble prendre une autre forme. Tout porte à croire qu’on voudrait mettre les employés devant les faits accomplis et qu’après, on négociera leurs revendications sociales. Le sort réservé à Aéroport de Madagascar (Adema) interpelle à plus d’un titre. C’est à travers la presse que les agents de l’Adema ont pris connaissance de l’existence d’un appel d’offres, lancé en catimini par le ministère d’État de l’Aménagement du territoire, chargé des projets présidentiels, pour la mise en concession des aéroports d’Ivato et de Nosy Be. Adema gère douze aérogares du pays, mais puise l’essentiel de ses recettes des redevances perçues sur les passagers et leurs bagages à Ivato et Nosy Be.

Le contrat de gestion d’Ivato à Bouygues

Mettre ces deux sites entre les mains d’opérateurs étrangers pourrait signifier l’extinction progressive de l’Adema. Les syndicalistes de l’Adema ont protesté sur ces procédures plus ou moins secrètes, mais l’État leur a répondu que leur société a été incapable d’apporter les innovations nécessaires pour mieux servir les usagers. D’où cette initiative du gouvernement de chercher d’autres partenaires techniques et financiers. Les contestataires ont souligné que l’État lui-même refusait que la compagnie aérienne nationale Air Madagascar s’acquitte des 20 milliards d’ariary de ses dettes envers l’Adema. C’est la raison pour laquelle celle-ci n’a pas pu investir dans la construction de nouvelles infrastructures. D’ailleurs, son statut social lui confère la gestion seulement des aéroports et non la construction de quoi que ce soit. Il n’y a pas eu de communication officielle sur le dépouillement des offres des soumissionnaires.

Et le mouvement s’est accéléré au fil des jours. Le président de la République, Hery Rajaonarimampianina, entouré des chefs d’institutions, le gotha du gouvernement, a assisté à la cérémonie de signature des documents relatifs aux travaux d’extension de l’aéroport d’Ivato, couplée à la pose de la première pierre. L’identité des repreneurs a été dévoilée à l’assistance. Il s’agit d’un consortium français composé, entre autres, d’Aéroports de Paris (ADP) et du groupe Bouygues, connu à Madagascar à travers la société des travaux publics Colas. L’État malgache accorde à ces firmes françaises la mise  en concession des installations futures d’Ivato par un contrat de gestion de 28 ans. Ce qui a réveillé de leur torpeur les nationalistes de tout poil. Ils se questionnent sur la décision de l’État d’offrir la première porte d’entrée du pays à des entreprises phares de l’ancienne puissance coloniale.

Mais de cette finalisation d’un projet à polémique, Hery Rajaonarimampianina a marqué des points sur les plans politique, diplomatique et économique. Cette cérémonie a eu lieu quelques jours après le rappel par Paris de l’ambassadeur de France à Madagascar, François Goldblatt. Son tweet mettant en doute l’efficacité du limogeage du directeur général du Trésor public, Orlando Robimannana, vis-à-vis des bailleurs de fonds a été dénoncé par les autorités malgaches comme une ingérence dans leurs affaires internes. Le départ de François Goldblatt a été souhaité par la partie malgache. Ainsi, la venue des grosses firmes françaises pour supplanter l’Adema a occulté ces incidents diplomatiques que les deux parties voulaient minimiser à tout prix. Quitte à décerner à Hery
Rajaonarimampianina, le titre de docteur Honoris causa de la prestigieuse Haute étude commerciale (HEC) de Paris !

De la même manière, il a été signé, en catimini, le contrat de mise en concession de la centrale thermique de la Jirama sise à Mandroseza, accordée aux Américains de Symbion Power, pour une vingtaine d’années. Avec une puissance installée de 40 mégawatts, ce site de production assure la majeure partie de l’approvisionnement de la capitale. Cette décision de l’État malgache a pris de vitesse des employés de la Jirama. Ils ont décidé de se mettre en grève, mais n’ont pas osé couper l’eau et l’électricité. Cela aurait pu rendre impopulaire leur mouvement de contestation. Des responsables de Symbion Power ont affirmé qu’il serait possible de dégager une économie de 146 milliards d’ariary par an, rien que par la bonne gestion de la Jirama. Ce qui reste à prouver.

Hery Rajaonarimampianina a insisté pour la tenue d’un audit approfondi sur les comptes d’exploitation de la Jirama, afin de tirer au clair certaines transactions louches comme l’achat surfacturé de gasoil. Mais rien n’est impossible quand on sait que durant la Transition, le Trésor public a injecté 200 milliards d’ariary dans les caisses de la Jirama sans que cela ne soit suffisant pour l’extirper de l’ornière dans laquelle elle se trouve. En fait, le gouvernement refuse de décréter la privatisation des sociétés d’État, mais à travers  ces actes, tout laisse à penser qu’il veut s’engager dans cette voie. Hery Rajaonarimampianina, à travers ces désengagements de l’État, essaierait de convaincre le milieu des affaires et des bailleurs de fonds, que ses orientations économiques ont fini par attirer les vrais investisseurs et non pas des aventuriers en quête de sensations fortes.