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Réunion – Daniela Soundron : «Il faut tout faire pour éviter une fracture territoriale»

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Réunion - Daniela Soundron : «Il faut tout faire pour éviter une fracture territoriale» | business-magazine.mu

Conseillère municipale à la mairie de Saint-Pierre, conseillère communautaire à la CIVIS, vice-présidente de la SEMRRE, administrateur, entre autres, de la SEMADER, du SCOT et du Syndicat mixte de Pierrefonds, Daniela Soundron cumule les casquettes. Entretien avec celle qui veut faire de Saint-Pierre une ville étudiante.

BUSINESSMAG. Parlez-nous de votre parcours et de votre entrée en politique.

À la fin de ma thèse sur l’aménagement du territoire à La Réunion et les disparités régionales, je me suis intéressée à La Réunion dans son entièreté. J’ai enseigné parallèlement en tant que maître de conférences à l’Université pendant deux ans. À la fermeture de ma filière au Tampon, je me suis réorientée dans le secondaire. En 2013, j’ai été contactée par Michel Fontaine (sénateur-maire de Saint-Pierre) qui m’a proposé de faire partie de son équipe aux prochaines municipales. C’est allé très vite, j’ai été prise dans une spirale avec son staff, embarquée malgré moi en quelque sorte. Si bien que quand la campagne a démarré, j’ai découvert que j’étais dixième sur sa liste électorale, donc éligible. Je suis passionnée de politique depuis l’adolescence; mon oncle était élu à la mairie de Saint-Pierre. La politique était avant tout une histoire d’hommes. Jeune collégienne, je la vivais alors par procuration. Quelque part, c’est un rêve qui s’est réalisé aujourd’hui.

BUSINESSMAG. Quel est votre projet au sein de la mandature ?

J’ai deux délégations : le protocole, et la jeunesse et la vie étudiante. La jeunesse et la vie étudiante est un nouveau service créé en avril 2016. C’est quelque part une délégation sur mesure, pour reprendre l’expression du premier adjoint David Lorion, ma formation d’enseignante me permettant d’avoir une lecture globale de ce milieu.

BUSINESSMAG. Pourquoi et pour qui a été mis en place ce service ?

La collectivité participait déjà activement à des actions en relation avec les différentes instances de l’enseignement supérieur. Ce service a officialisé ce qui se faisait déjà, avec une des volontés du sénateur-maire de faire de Saint-Pierre une ville étudiante. Les ambitions du service sont de développer un accès à tous types d’informations concernant les collégiens, lycéens et étudiants, les jeunes en ou en recherche de formation. Cela passe notamment par la mise en place d’un guichet unique pour que tout Saint-Pierrois puisse avoir l’information et avoir toutes les clés pour ouvrir toutes les portes. Le problème aujourd’hui, c’est que souvent les jeunes n’ont pas l’information. Et quand on n’a pas l’information, on ne sait pas où se diriger et on se décourage.

BUSINESSMAG. À combien s’élève le budget alloué à ce nouveau service ?

Le vote du budget ayant eu lieu avant la création du service, cette année on doit faire avec les moyens de bord. Nous sommes aussi dans une restriction budgétaire... On se prépare donc pour 2017 avec trois projets phares : la création d’un forum de l’orientation pour tous les Saint-Pierrois en partenariat avec la ville, la CIVIS, les ministères de l’Enseignement et de l’Outre-mer ; la mise en réseau du guichet unique ; la création d’un espace pour les jeunes afin de leur donner la parole, et pourquoi pas créer un conseil de jeunes citoyens, pour les responsabiliser tôt pour en faire les acteurs et décideurs de demain.

BUSINESSMAG. Conseillère communautaire au sein de la CIVIS, vous êtes également déléguée à l’enseignement supérieur.

À la CIVIS, j’ai notamment en charge la Technopole de La Réunion. La Technopole a pour projet de réaliser une TechEst. Mais pour l’instant, nous sommes en train de travailler à l’extension de la TechSud à Saint-Pierre, un outil dédié au développement économique du territoire, un incubateur pour les entreprises et leurs projets par l’innovation. La Techsud s’inscrit dans un processus, une continuité. Elle se situe au niveau de ce que l’on appelle la «vallée blanche», donc tout ce qui est matière grise : IUT, prépa… Cela permettra de mettre en relation les entreprises innovantes et d’accompagner les jeunes lorsqu’ils sont à la limite d’entrer dans le monde professionnel.

BUSINESSMAG. Le taux de chômage des jeunes de 60 % ne baisse pas. Quelles sont, selon vous, les clés pour endiguer cette situation ?

Plus tôt on orientera nos jeunes, dès la quatrième par exemple, plus tôt on les préparera et mieux ils s’inséreront dans la vie professionnelle. Il ne s’agit pas de former pour former afin de fausser les chiffres. Car l’orientation, ce n’est pas juste descriptif, c’est aussi dire quels sont les marchés porteurs de demain.

BUSINESSMAG. En ce moment, la réforme de la loi du travail est très controversée et n’incite pas vraiment les jeunes, qui ont l’option des allocations, à entrer sur le marché du travail ?

Former un jeune dès son plus jeune âge à être un citoyen de demain pourrait enrayer cette mentalité qui malheureusement ne fait pas avancer La Réunion. Le système est ainsi. En politique, dès lors que vous faites quelque chose, ça gêne sûrement et l’on fait tout pour vous mettre des bâtons dans les roues. Mais je pense que quelles que soient les difficultés, il faut les accepter et avancer avec elles, et non ne rien faire.

BUSINESSMAG. Comment faire pour enrayer le déficit de logement face au manque de place et aux contraintes liées au parc national ?

Le parc national est tout jeune à La Réunion. L’on doit tout faire pour faire évoluer la législation et faire en sorte que certains aspects soient assouplis, sans pour autant aller contre le parc. Parce que c’est insensé, à l’heure actuelle, que les personnes qui y vivent ne puissent pas léguer un lopin de terre à leurs enfants, ou alors construire et aménager un lieu de vie. On a vraiment un espace restreint, un peu hypothéqué à La Réunion. Mis à part tout ce qui est verticalité, on doit s’adapter aux changements. C’est vraiment une prise de conscience citoyenne. Dans certaines villes, il y a encore des logements sociaux inoccupés ; c’est inacceptable aujourd’hui. On ne peut pas accepter de payer des amendes sous prétexte qu’on ne fait pas assez de logements sociaux. Et puis, les loyers sont également élevés. Il faut aussi faire du social adapté. On ne peut pas faire une offre alors que la demande ne suit pas. Il faut mettre du sens dans tout ça et travailler à l’accès à la propriété. Le Réunionnais est attaché à sa case. Il y a aussi ces projets qui se font à la SEMADER qui affiche un taux d’occupation de son parc de 98 %.

BUSINESSMAG. Quels sont les grands enjeux pour La Réunion ?

Les grands enjeux sont : une meilleure formation des jeunes, l’accès à un logement digne, un aménagement structurant mais raisonné. Et je pense que l’on a une grosse carte à jouer au niveau touristique, il faut vraiment faire décoller La Réunion, déclencher les leviers. Comparé à Maurice, on est à la peine. Après tout ce qui est revendications sociales, je pense que beaucoup de choses ont été faites. Mais il faut une meilleure prise en charge des personnes âgées. Beaucoup d’entre elles sont dans la souffrance, la solitude, dans des logements inadaptés. Nous vivons dans une crise sociale voire sociétale, et on doit tout faire pour éviter une fracture territoriale.