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Réunion – Dominique Vienne: «Notre territoire vit dela force de ses entreprises»

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Réunion - Dominique Vienne: «Notre territoire  vit dela force de ses entreprises» | business-magazine.mu

Les actions de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) témoignent du dynamisme que cette instance entend insuffler aux chefs d’entreprise réunionnais. Son président aborde quelques-unes de ces initiatives dont la finalité est le développement économique de l’île.

BUSINESSMAG. Quelle est la principale mission de la CGME ?

Il faut savoir qu’un chef d’entreprise a pour caractéristique d’être seul et la plupart du temps, quand il adhère à un syndicat, c’est pour rompre l’isolement. La Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) est une instance, un syndicat, qui représente, accompagne et défend les chefs d’entreprise dans les secteurs du commerce, des services, de l’industrie et de l’artisanat. La diversité est dans l’ADN de la CGPME; on y vient pour faire en sorte que l’entreprise se développe dans un environnement favorable. Nous sommes un syndicat d’influence pour que les lois, les réglementations soient bénéfiques au business. Être adhérent chez nous, c’est être militant.

BUSINESSMAG. À quelles grandes problématiques les entrepreneurs réunionnais sont-ils confrontés aujourd’hui ?

Le premier problème de notre économie, c’est la taille de notre marché insulaire, qui rend difficile la mutualisation de moyens. Le deuxième, c’est l’éloignement géographique. Et puis, il y a l’isolement, un problème commun à tous les chefs d’entreprise. S’il n’a pas la possibilité de partager dans un réseau et de trouver des solutions, le chef d’entreprise
peut crouler sous le poids de l’isolement.

BUSINESSMAG. Quelles solutions proposez-vous à ces problèmes ?

Les actions de la CGPME s’orientent tout d’abord vers une amélioration de l’environnement des affaires : nous travaillons pour que des lois, la LODEOM (Loi organique pour le développement économique en outre-mer) par exemple, soient favorables au contexte de La Réunion ; pour que les candidats aux présidentielles aient des programmes qui profiteront à nos entreprises.

En second lieu, nous tenons compte de l’environnement de l’entreprise : nos efforts ont pour but de permettre à celle-ci de disposer d’offres concrètes en ce qu’il s’agit du développement marketing, de la compréhension de l’évolution numérique, de l’aide aux prud’hommes… Nous aidons le chefd’entreprise à mener à bien son rôle et notamment à faire plus de business. Aussi avons-nous créé «La cité des entrepreneurs», où l’adhérent obtient des conseils et un accompagnement dans son quotidien. Un ensemble de partenariats avec différents acteurs économiques réunionnais a été mis en place afin de soutenir le chef d’entreprise face aux défis de son écosystème.

La CGPME organise également des «Business Quick Meetings» à l’intention des chefs d’entreprise qui partagent un idéal d’entrepreneur commun, celui de la confédération, c’est-à-dire : «L’entreprise locale, force de notre territoire». Notre territoire vit de la force de ses entreprises.

BUSINESSMAG. Est-ce important de travailler avec les autres syndicats et de mettre en place des actions communes ?

Chaque entreprise a besoin d’un genre d’accompagnement différent. La CGPME ne représente que des entreprises dont le dirigeant est propriétaire, et ce type d’entreprise a des besoins particuliers. En 2014 et 2016, nous avons sorti le guide «Qui fait quoi pour mon entreprise ?» ; il réunit l’ensemble des aides offensives et défensives pour accompagner le chef d’entreprise et se repérer. Il n’y a donc pas lieu d’envisager un foisonnement parce que nous n’avons pas, en partie, les mêmes profils d’adhérents.

De plus, le multiculturalisme réunionnais, c’est aussi la diversité patronale. La dynamique de territoire réclame que tout le monde y contribue : le pouvoir politique, l’institution publique, les syndicats patronaux. À la CGPME, nous amorçons ainsi plusieurs initiatives collectives pour que les organisations professionnelles travaillent entre elles. Deux de nos actions phares voient un aboutissement cette année. La première : la promotion du «consommer local» et de l’achat local, que l’on a appelée «Avoir l’attitude Réunion». Elle vise à encourager chez les gens une consommation responsable et durable afin qu’ils contribuent au développement économique. Et la seconde : le lancement de l’association Stratégie du Bon Achat, dont le but est de faciliter l’accès des très petites entreprises (TPE) et PME à la commande publique ; une démarche menée par la CGPME depuis plus de sept ans.

BUSINESSMAG. Justement, la commande publique est-elle un des leviers de développement des entreprises ?

Dans toutes ses composantes, la commande publique est un facteur de développement. Mais il existe un paradoxe. Au moment où l’on veut développer l’île, il arrive très souvent que la commande publique ne fasse pas travailler La Réunion. Or, l’article 1er du Code des marchés publics stipule que la collectivité doit utiliser de manière efficiente les deniers publics, c’est-à-dire faire en sorte que le territoire se développe. La plupart du temps, les collectivités ont oublié le devoir du développement économique. Acheter, c’est développer économiquement le territoire.

BUSINESSMAG. Que préconisez-vous pour prévenir la fracture sociale et territoriale ?

Je pense que pour supprimer la fracture, il faut raviver la fierté réunionnaise. Si on n’est pas fier de ce que l’on est, de ce que l’on contribue à faire, les lois et l’argent, quels que soient leur nombre et leur quantité, ne serviront à rien. L’un des objectifs d’«Attitude Réunion», c’est de nous rendre de nouveau fiers de ce que nous sommes et de ce que nous faisons. C’est un moteur. Sur beaucoup de panneaux, on voit «Not patrimoine, not paysage» ; il manque «not économie». Notre économie n’est pas source de fierté. La Réunion doit aussi en être fière. Il faut changer le comportement des chefs d’entreprise, du citoyen, de la collectivité ; c’est ça le vrai enjeu.

BUSINESSMAG. Les inquiétudes des chefs d’entreprise qui remontent le plus souvent, quelles sont-elles ?

L’absence de visibilité et de lisibilité des dispositifs réglementaires et de leur stabilité dans le temps. Quand vous faites un compte d’exploitation sur trois ans, il est paradoxal qu’un an après, la loi puisse changer. Les patrons ont un problème de projection de notre ambition commune, de l’économie française, réunionnaise, qui ne sont pas définies. Il n’y a pas de perspectives.

BUSINESSMAG. Votre vision de l’entrepreneur du futur ?

C’est un entrepreneur responsable, qui a des soucis, qui travaille avec une jeunesse formée à ses besoins, qui a un tissu de fournisseurs et de services à sa disposition, proche de lui, qu’il connaît et comprend. Un entrepreneur qui ressent le territoire et qui contribue au territoire, un consom’acteur.

Un entrepreneur un peu organique... Nous avons d’ailleurs l’ambition de créer un prix de «l’entrepreneur socialement responsable» d’ici à la fin de l’année.

BUSINESSMAG. Puisque le territoire est restreint, comment l’entrepreneur local peut-il se développer et exporter son savoir-faire ?

L’on ne peut se projeter que si l’on est fort chez soi. Ce n’est pas un exercice anodin de d’abord consolider nos bases. Il y a trois leviers pour ouvrir l’économie réunionnaise, que l’on peut appeler les «3I» :
l’International, l’Innovation et l’Investissement. Il y a une stratégie d’insertion régionale à mettre en œuvre. Je pense que La Réunion et l’île Maurice devraient associer leurs compétences, notamment pour se projeter dans l’économie d’Afrique de l’Est.

BUSINESSMAG. Comment voyez-vous l’avenir de La Réunion ?

Il sera à la hauteur de nos actes. Il est rempli de potentialité. La Réunion est une terre d’énergies volcanique, marine, solaire... La jeunesse réunionnaise, si on la canalise, peut être le moteur d’une fusée. Maintenant, La Réunion de demain, soit on l’«incante», soit on l’incarne. Et à la CGPME, nous avons fait le choix d’incarner La Réunion de demain par nos actes ; l’incantation «y a qu’à, faut qu’on» nous a tués. Nous allons transformer La Réunion par de la constance, de la cohérence et du courage. Nous devons avoir la patience d’engager des transformations. La gouvernance économique à La Réunion, publique ou privée, n’a pas émergé, ne s’est pas instituée et c’est l’enjeu de demain. 

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