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Interview Rencontre

Dev Sunnasy: «Notre ICT Act est complètement dépassé»

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Dev Sunnasy: «Notre ICT Act est complètement dépassé» | business-magazine.mu

Nouvellement nommé à la présidence de la MITIA, Dev Sunnasy livre son analyse du secteur des Tic/BPO et énonce les attentes de son association de la part du gouvernement. L’une d’elles consiste en un dépoussiérage de l’ICT Act.

BUSINESSMAG. Quelle est votre analyse du secteur des Technologies de l’information et de la communication (Tic)/Business Process Outsourcing (BPO) ?

J’aimerais tout d’abord rappeler que la MITIA existe depuis 2001. Elle compte 25 membres dont les leaders du secteur des Tic. La majorité de nos membres proposent des solutions informatiques (hardware / applications software / réseaux) et de communication dans la zone océan Indien. Quelques-uns travaillent régulièrement sur des projets en Afrique.

Pour en revenir à votre question, je pense que le segment du BPO/IT Outsourcing stagne actuellement bien qu’il emploie le plus de personnes à Maurice. Ce ralentissement est en partiedû à la conjoncture économique en Europe. Il en va de même pour les Tic. Nous notons qu’il y a très peu de projets pour les entreprises mauriciennes sur le marché local à ce niveau, y compris de la part de l’État.

BUSINESSMAG. Êtes-vous de ceux qui estiment que les Tic et le BPO doivent être considérés comme deux entités bien distinctes ?

Il est vrai que ce sont deux corps de métiers différents mais ils se recoupent, dans une certaine mesure. Ainsi, je ne pense pas qu’ils doivent être séparés. Il faut simplement expliquerque les Tic proposent des métiers différents, à l’instar de développeur de logiciels, par rapport à ceux du BPO, cela afin de dissiper toute confusion.

BUSINESSMAG. Quelles sont vos priorités à la présidence de la MITIA ?

Premièrement, en ce qui concerne les Tic, secteurs privé et public devraient travailler de concert en vue de se focaliser davantage sur l’exportation de nos services. C’est la solution qui s’impose aujourd’hui face à un marché local en proie à un phénomène de saturation.

Les membres de la MITIA représentent quelque 2 500 employés, dont des centaines d’ingénieurs. Or, nous nous regroupons déjà afin d’exporter au mieux nos services et faire du business avec succès dans certaines régionsd’Afrique.

Toutefois, nous aurions souhaité promouvoir ce secteur hors du territoire mauricien dans le cadre de partenariats public-privé (PPP) et ainsivoir plus grand tout en bénéficiant des accords qui ont été signés avec différents pays d’Afrique. Je pense que plusieurs de ces accords dorment dans des tiroirs ou ont été jetés aux oubliettes. Les ‘réveiller’ pourrait permettre de faire avancer plus vite les choses.Je citerai ici l’exemple de Singapore Enterprise ou TCIL (Inde) qui exportent leurs compétences en Asie ou en Afrique.

BUSINESSMAG. Avez-vous d’autres attentes de la part du nouveau gouvernement ?

Il est primordial qu’il arrive à redonner confiance au secteur privé afin d’encourager les investissements. La relance tant attendue des différents secteurs de l’économie vise la création de nouveaux emplois. Il y a trop de jeunes diplômés sans emploi et la lutte contre le chômage sera le principal challenge.

En outre, notre pays est petit et limité de sorte que notre avenir se trouve sur le continent africain. Toutefois, si nous voulons réellement que nos entreprises exportent leur expertise en Afrique ou ailleurs, il faudrait leur donner les moyens de parfaire leur savoir-faire, d’acquérir de nouvelles compétences et surtout de réaliser des projets à Maurice avant de se battre sur le marché de l’export.

À mon avis, la relance de l’économie ne se fera pas de sitôt, à moins que l’État n’applique des normes élevées en matière de bonne gouvernance, d’intégrité, de méritocratie pour ce qui est de l’attribution de postes. Il faudrait donc un réel audit de notre réservoir de talents, les analyser et les catégoriser.

À la MITIA, nous avons commencé cet exercice. Il y a bien des entreprises mauriciennes qui vendent leurs services sur le marché européen, mais n’arrivent pas à percer dans leur propre pays. Par exemple, une PME locale d’une quinzaine d’employés crée en ce moment des applications mobiles pour le marché médical français. Néanmoins, cette PME est dans l’impossibilité de se positionner sur le marché mauricien à cause des conditions d’appel d’offres pratiquées par l’État.

BUSINESSMAG. Qu’en est-il du prochain Budget, à être présenté le 23 mars. Des suggestions à formuler ?

En premier lieu, le prix de la télécommunication, à Maurice, est toujours exorbitant. Puis, notre ICT Act est complètement dépassé et n’apporte rien en termes d’innovation ou de nouveaux services à valeur ajoutée. Ce texte de loi, trop protecteur, remonte à 14 ans alors que la technologie évolue chaque année.

BUSINESSMAG. Le ministre de la Technologie, de la Communication et de l’Innovation, Pravind Jugnauth, a annoncé la création de plusieurs technopôles à travers l’île. Qu’en pensez-vous ?

Je connais bien la technopôle de La Réunion, qui est un franc succès. Mais c’est du modèle singapourien que le gouvernement mauricien compte s’inspirer. Il est vrai que Maurice présente beaucoup de similitudes avec Singapour vu que nous sommes une petite île sans ressources, qui dépend principalement du secteur des services. Cependant, suivant ce même modèle, il faudra que les Mauriciens changent de mentalité par rapport aux heures consacrées au travail qui devront être plus longues.

BUSINESSMAG. Selon vous, que faut-il faire pour donner un nouveau souffle au secteur des Tic/BPO ?

L’État doit donner le bon exemple. Les projets mauriciens doivent être réalisés par des entreprises mauriciennes. Si les compétences disponibles ne sont pas satisfaisantes, ces entreprises pourront contracter un partenariat avec une société étrangère qui possède l’expertise requise. Les Mauriciens pourront par la suite exporter leurs services, ce qui permettra au pays d’engranger des devises étrangères. Le gouvernement chinois ne sponsorise-t-il pas les opérateurs de son secteur des technologies via l’Eximbank ? Pourquoi ne pas réfléchir à une formule plus ou moins similaire à Maurice ? Il y a bien l’AfrEximbank créée par un consortium de pays africains…

Il faut aussi réfléchir de façon intégréeet non fragmentée. En ce faisant, l’État fera immédiatement des économies et pourra enclencher de grands projets.

Par exemple, à Maurice, l’on a construit des routes au coût de plusieurs milliards sans rien prévoirsur le plan de la fibreoptique. Plus tard, le gouvernement s’est aperçu qu’il devait y avoir de la connectivité dans les écoles, les hôpitaux ou pour la police. Ainsi, de fortes sommes ont encore dû être déboursées. Nous sommes devenus des spécialistes mais à l’envers !

J’ajouterai qu’il est grand temps d’accélérer notre stratégie de développement de l’Open Source. Tous les pays avancés ont adopté cette stratégie afin de réduire leurs dépenses, mais aussi dans le but de créer un réservoir de compétences en interne au lieu d’acheter des licences. La majorité des ministères français utilisent des applications Open Source pour la messagerie, notamment. À Hong Kong aussi, presque tous les serveurs du gouvernement tournent sur des plateformes Open Source. Nous devons maintenant rattraper notre retard.