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Interview Rencontre

Dr Patrick Chui Wan Cheong: «Exporter la médecine traditionnelle chinoise en Afrique à partir de Maurice»

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Dr Patrick Chui Wan Cheong: «Exporter la médecine traditionnelle chinoise en Afrique à partir de Maurice» | business-magazine.mu

Le président du City Clinic Group affiche son intention d’être partie prenante du projet gouvernemental consistant à faire de Maurice un hub médical. Sa carte maîtresse : la consolidation de leur positionnement sur le créneau de la médecine traditionnelle chinoise à partir de septembre 2016.

BUSINESSMAG. City Clinic, dont vous êtes le fondateur, compte un département dédié à la médecine traditionnelle chinoise depuis quelques années. Votre souhait, aujourd’hui, est de renforcer l’offre de votre groupe en ce sens…

La médecine traditionnelle chinoise, bien qu’importante, est encore négligée à Maurice. Contrairement à la médecine ayurvédique, elle n’a pas encore de statut officiel comme une alternative crédible à l’allopathie (NdlR : mode habituel de traitement contre les maladies par l’administration de médicaments). Aussi, lorsque le ministre de la Santé, Anil Gayan, s’est dit publiquement en faveur d’une complémentarité entre médecines traditionnelle chinoise et allopathique il y a quelques mois, cela m’a enchanté. Je pense que l’offre de ce type de médecine à Maurice sera une bonne chose pour le pays, et plus encore dans le cadre de l’émergence d’un hub médical. Dans cette optique, je projette de contacter le ministère de la Santé en vue d’une éventuelle collaboration.

BUSINESSMAG. Pour quelles raisons la médecine traditionnelle chinoise revêt-elle une telle importance ?

La médecine traditionnelle chinoise est la troisième plus vieille tradition médicale au monde et l’acupuncture, l’une de ses branches, est le plus ancien «art de guérison». Elle est, en effet, pratiquée depuis plus de 5 000 ans et reconnue par l’Organisation mondiale de la santé. Les recherches effectuées au moyen de l’imagerie par résonance magnétique ont apporté l’évidence scientifique de l’incidence neuropsychologique de l’acupuncture sur le corps humain. Les applications en sont nombreuses. Par exemple, tandis que l’allopathie préconise l’administration de cortisone aux personnes souffrant d’asthme, avec les effets secondaires que nous connaissons, non seulement l’acupuncture permet-elle à l’asthmatique de guérir plus vite mais elle a aussi des propriétés sédatives… L’acupuncture a une valeur réelle dans la pratique de la médecine. À la différence de la médecine occidentale, basée sur des évidences scientifiques strictes, la médecine orientale repose sur le concept de l’énergie vitale.

BUSINESSMAG. L’acupuncture mise à part, quelles branches comporte la médecine traditionnelle chinoise et dans quelle mesure peut-on s’y fier ?

L’avenir de la phytothérapie est également prometteur. Les plantes médicinales sont particulièrement utiles dans le traitement de maladies non transmissibles comme le diabète et l’hypertension. Elles contribuent à l’amélioration de la virilité chez l’homme et au prolongement de la durée de vie.

J’aimerais ajouter que tous les médicaments vendus à l’heure actuelle en Chine ont subi des tests d’innocuité. Ils sont certifiés ISO 2200 – certification relative à la sécurité alimentaire – et GMP (Good Manufacturing Practice).

BUSINESSMAG. Le type de médecine que vous entendez promouvoir est-il, un créneau porteur ?

Il est un fait que la médecine traditionnelle chinoise est déjà bien ancrée dans le folklore local et les Mauriciens s’y intéressent beaucoup. En juin 2015, nous avions organisé un symposium libre d’accès sur ce type de médecine à la City Clinic de Port-Louis avec des praticiens en provenance de Chine et environ 2 000 personnes y ont assisté. Le succès de cet événement m’a interpellé, en tant que docteur. Comme le City Clinic Group a toujours innové et investi, pour ce faire, dans les technologies de pointe afin d’offrir des services de qualité à la population, désormais, je voudrais ouvrir la voie pour que Maurice bénéficie du potentiel de la médecine traditionnelle chinoise.

En avril dernier, avec la collaboration de l’ambassade chinoise, une délégation du City Clinic Group a ainsi fait le déplacement en Chine pour prospecter les avenues de collaboration. Nous sommes allés à la Shaanxi University of Chinese Medicine, à Xianyang, où la pharmacopée chinoise fait l’objet de recherches, notamment en ce qui concerne les associations de plantes médicinales et leur application dans le traitement de pathologies.

Il est vrai que de nos jours, la technologie en provenance de l’Occident permet aux médecins de poser des diagnostics précoces et de soigner rapidement les malades. Parallèlement, la médecine traditionnelle chinoise aide ceux qui y ont recours à se protéger des maladies et à mener une vie saine et équilibrée qui accroît la longévité. Des médecins européens ont reconnu ses vertus et allient médecine traditionnelle chinoise et médecine allopathique dans les traitements qu’ils préconisent. Un modèle à reproduire avec succès ici, si tous les praticiens de la médecine complémentaire font leur travail honnêtement.

BUSINESSMAG. Concrètement, comment se traduira l’offre de City Clinic Group ?

Nous miserons en premier lieu sur la formation. Le City Clinic Patrick Sana College of Health Sciences sera de ce fait utilisé comme un centre d’excellence, avec des formateurs venant de Chine et de France. Les cours qui y seront proposés s’adresseront aux médecins, infirmiers, ainsi qu’aux professionnels paramédicaux et à toute personne désireuse d’apprendre les principes et techniques de la médecine traditionnelle chinoise : acupuncture, massages, herboristerie, médecine interne… J’ai fait une demande auprès de la Shaanxi University of Chinese Medicine pour que nous ayons à disposition durant trois ans deux formateurs qui enseigneront à notre école mais offriront aussi des soins aux patients de la clinique.

En septembre, nous comptons offrir des cours pratiques et théoriques en acupuncture d’une durée de 18 mois. Un formateur accrédité de l’Université de Montpellier, en France, le Dr Jean Marc Vian, sera responsable de ce programme de formation. Il sera assisté par quelques-uns de ses collègues. Nous envisageons de former aussi bien des médecins de Maurice que de la région subsaharienne.

BUSINESSMAG. Le tourisme médical a connu un véritable essor à Maurice ces dernières années, le nombre de patients ayant choisi l’île pour se faire soigner étant passé de 10 000 en 2010 à plus de 15 000 en 2014, selon le Board of Investment. Que vous inspirent ces chiffres ?

Je note avec satisfaction l’augmentation constante du flux de patients étrangers, conforme à la politique gouvernementale consistant à favoriser le développement d’un hub médical. Cette croissance démontre une reconnaissance de la forte valeur ajoutée du secteur des soins de santé privés à Maurice.

L’État a de surcroît entrepris de libéraliser le ciel mauricien en accueillant de nouvelles compagnies aériennes, sans oublier l’ouverture du couloir aérien entre Singapour et Maurice, en mars dernier. Ces initiatives ne peuvent qu’être bénéfiques au tourisme médical et en renforçant son positionnement sur le créneau de la médecine traditionnelle chinoise, le City Clinic Group affiche son intention de répondre aux besoins de ces patients. Nous percevons, en sus, une connectivité accrue entre l’Asie et Maurice comme une opportunité en or d’exporter nos services vers l’Afrique, l’île étant considérée, dans ce contexte, comme une passerelle entre les deux continents.

BUSINESSMAG. Quels avantages comparatifs détenons-nous face à des destinations régionales se positionnant également comme des plates-formes de tourisme médical, à l’instar de l’Inde ?

Nous avons certainement quelques avantages. Premièrement, Maurice est un pays propre, moderne et paisible comme Singapour. En deuxième lieu, la population est bilingue et le niveau d’éducation élevé. La courtoisie et le sens de l’hospitalité des Mauriciens sont d’autres atouts non négligeables.

Vous avez mentionné l’exemple de l’Inde. Or, il s’agit d’un grand pays, très peuplé. La congestion routière y est un phénomène courant en région urbaine et il faut parfois quatre heures à un patient pour arriver à la clinique où il recevra des soins. Sans compter que durant tout le trajet, il sera incommodé par les bruits de la circulation. Comme les patients qui vont se faire soigner à l’étranger recherchent aussi la tranquillité, Maurice détient là un avantage indéniable. En effet, excepté les heures de pointe, les embouteillages ne sont pas monnaie courante sur les routes de l’île. Enfin, l’offre thérapeutique relevant de la médecine traditionnelle chinoise que compte proposer le City Clinic Group permettra à Maurice de se démarquer.

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