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Interview Rencontre

Krishna Oolun : « Il faut introduire la régulation version 4.0 dans les Tic »

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Krishna Oolun : « Il faut introduire la régulation version 4.0 dans les Tic » | business-magazine.mu

Le développement des Tic dépend dans une grande mesure de notre capacité à mettre en place un cadre réglementaire qui réponde aux transformations qui s’opèrent au sein de l’industrie, souligne le directeur exécutif de l’Information and Communication Technologies Authority.

BUSINESSMAG. Quelles sont les trois générations de régulation dans les Tic?

Quand on analyse l’évolution des modèles de régulation qui ont prévalu dans les différents pays à travers le monde, nous constatons qu’il y a eu trois générations. La première génération de règlements avait pour but de stimuler la concurrence par rapport aux opérateurs historiques des télécommunications qui étaient en situation de monopole, privée ou publique. Avec la deuxième génération de régulation, les régulateurs ont permis que les infrastructures de l’opérateur historique ou des nouveaux venus soient accessibles à la concurrence de manière non-discriminatoire. Graduellement, en raison du mouvement vers les services, la troisième génération de régulation s’est concentrée sur la neutralité des technologies utilisées pour promouvoir la concurrence. Avec la croissance des contenus, un besoin accru pour la protection des consommateurs s’est fait sentir.

BUSINESSMAG. Quelle génération de régulation l’ICTA applique-t-elle à Maurice ?

L’ICTA a vécu la première génération pendant la période 2002 à 2003, où l’accent était mis sur l’équilibrage des tarifs de l’opérateur historique afin de stimuler la concurrence. Nous sommes passés à la deuxième génération pendant la période de 2003 à 2008. Nos préoccupations comme régulateur portaient sur l’octroi de nouvelles licences aux opérateurs alternatifs, ainsi que la définition du cadre réglementaire pour les frais d’interconnexion, entre autres. Et maintenant nous sommes bel et bien dans la troisième génération de régulation : les déterminations de prix, les directives ainsi que les décisions que l’ICTA a émises jusqu’à présent cadrent avec le modèle de la troisième génération.

Or, les développements du marché et des technologies, que ce soit au niveau mondial ou à Maurice, stimulent maintenant un mouvement vers la quatrième génération de régulation afin de relever d’autres défis : le Challenge of regulatory purpose. évidemment, les processus déjà établis, pour réguler le marché et les ressources rares, entre autres, ne peuvent pas facilement être mis de côté. Mais d’autre part, les gouvernements et la société dans son ensemble sont conscients que les infrastructures numériques sont des utilités non facultatives – dont la disponibilité et la performance –, ont un impact sur l’économie et le développement social.

Le régulateur de quatrième génération a pour responsabilité de couvrir une plus large gamme d’activités et de services. Les réseaux à large bande convergent progressivement vers le Cloud, formant graduellement la base même de l’écosystème numérique.

Lors de mon allocution pendant le symposium de 2012 au sein d’un panel dédié à définir le modèle de régulation dans un écosystème numérique axé sur le Cloud, j’avais conclu qu’il fallait désormais passer à  un nouveau modèle de régulation. D’où ma proposition d’introduire la régulation version 4.0, qui a fait l’unanimité parmi les régulateurs présents, ainsi qu’au niveau de l’Union Internationale des Télécommunications. 

BUSINESSMAG. L’Internet sert à véhiculer une diversité de contenus. Il y a une convergence entre les applications, les télécommunications et les médias. Quels sont les changements que vous préconisez en raison de ces évolutions?

Avant toute chose, il est indispensable de définir ce concept de « convergence » qui, de par ses multiples formes et étendues, est bien souvent mal défini.

La convergence est dans les faits, le fruit de la technologie numérique qui permet de traiter et de stocker différents types de contenu tels qu’audio, vidéo et texte et de le diffuser au moyen de multiples supports comme l’ordinateur, le mobile et la télévision.

Il existe ainsi, dans le contexte précis dont on parle, trois grands types de définition de la convergence : la convergence technologique, des médias et du contenu. La convergence technologique et la convergence du contenu sont à l’origine des changements dans la production, le marketing des produits, les services d’information et de communication.

Cette combinaison forme une convergence économique qui est en train de créer une autre forme d’industrie des nouvelles techniques de l’information et de la communication, associant les télécommunications, la radiodiffusion, la technologie de l’information et l’électronique grand Avec la rapidité du déploiement des nouvelles technologies, il n’est pas envisageable de dire avec précision quelle sera la forme exacte du secteur de demain.

Au niveau de la régulation donc on va devoir s’attendre à une collaboration plus étroite entre les différents régulateurs sectoriels, dans un premier temps au niveau national, puis international, surtout que dans l’écosystème du Cloud, la cyber-sécurité deviendra un pôle important pour un Internet fiable, robuste et sécurisé.

BUSINESSMAG. Quel impact auront ces changements sur les entreprises mauriciennes spécialisées dans le développement des applications, pour les centres d’appels ou les entreprises dans l’externalisation ?

Les changements que j’ai évoqués peuvent aider à maintenir la compétitivité des centres d’appels et du BPO et apporter de la valeur ajoutée pour que Maurice puisse se différencier de ses concurrents. Par exemple, l’intégration de l’Internet et des nouveaux media, tout en maîtrisant leurs multiples impacts opérationnels, transformera un centre d’appels conventionnel en un centre de contact multimédia pour optimiser la relation client.

Le mariage de l’Internet et des centres d’appels crée une nouvelle expérience, une relation par le dialogue, le texte et la collaboration web, avec des possibilités de partage de formulaire et d’envoi de page.

BUSINESSMAG. Des consommateurs se plaignent que la vitesse de l’Internet qu’ils obtiennent ne correspond pas au forfait auquel ils sont abonnés. En tant que régulateur, quelles sont les mesures correctives que vous prenez et que vous envisagez de prendre?

On comprend parfaitement les doléances des consommateurs à ce sujet, mais il y a également certaines réalités de l’Internet et les technologies qu’on emploie pour y accéder, que les consommateurs doivent saisir afin de pouvoir mieux appréhender les problématiques qui existent et en même temps, apprécier les efforts qui sont fournis et les projets qui sont en cours pour améliorer cette situation.

Comme vous le savez, l’Internet est un réseau informatique mondial constitué d’un ensemble de réseaux nationaux, régionaux et privés qui a évolué d’abord d’un réseau militaire vers un réseau scientifique, pour finalement s’imposer au grand L’ensemble utilise un même protocole decommunication, le TCP/IP, (Transmission Control ProtocolInternet Protocol), qui opère en mode commuté et découpe les messages en paquets qui partent dans toutes les directions avant de se recomposer à l’arrivée.

Aujourd’hui, le problème récurrent concerne la capacité du réseau en débitquand se multiplient les utilisateurs et les usages, car l’Internet sert de plus en plus ces jours-ci, aux communications téléphoniques et à la transmission de vidéos et d’audio en direct (lestreaming). De plus, le nombre d’utilisateurs augmente également parallèlement avec la population mondiale.

La gouvernance mondiale qui gère jusqu’à présent le réseau fonctionne bien mais les infrastructures, que ça soit au niveau des sites hôtes ou au niveau de l’accès, doivent suivre. Les fournisseurs d’accès à l’Internet (FAI) de l’île Maurice augmentent la capacité en investissant, entre autres, dans la construction de lignes d’accès à haut débit telles que l’ADSL ou la fibre optique ainsi que dans la voie radio afin de répondre aux demandes croissantes de leurs abonnés. Cependant, il aurait fallu qu’en parallèle, les sites hôtes situés à l’étranger améliorent aussi leurs infrastructures, par exemple, en augmentant leur capacité de traitement des données et en mettant en place des Cache Serversau niveau de notre pays comme l’a fait Google.

Et c’est là que précisément le fournisseur d’accès (FAI) mauricien n’a pas entièrement le contrôle sur le débit qui va être livré, à tel point que l’accès à l’Internet est défini comme un Best effort service, contrairement au service de la téléphonie conventionnel qui opère en mode Circuit-switched avec une garantie de service.

Le FAI a une obligation de moyen mais pas une obligation de résultat dans ce modèle. Toutefois, le FAI en question doit impérativement démontrer qu’il a pris toutes les dispositions nécessaires pour répondre à cette obligation de moyen.

Cela dit, il y a pas mal de démarches qui sont en cours pour améliorer le niveau de l’expérience des internautes, mais il faut admettre que c’est un processus qui prend du temps, surtout que tous les paramètres ne se trouvent pas entre nos mains. En février 2010, par exemple, Google a fait installer un Cache Server à Maurice, le deuxième en Afrique après le Kenya. Cela a nettement amélioré l’expérience des Mauriciens quand ils naviguent sur Google ou Youtube. On aurait souhaité voir plus de Cache Servers de ce type chez nous, mais ce sont là des décisions qui ne nous appartiennent pas.  En revanche, là où nous avons les moyens d’intervenir, c’est en mettant en place un cadre qui permettra à toutes les parties prenantes de prendre des actions appropriées pour pouvoir améliorer la qualité de l’expérience de l’Internet des utilisateurs.

À cet égard, le gouvernement a pris une policydecision visant à introduire un National Quality of Service Framework for ICT Services. Nous sommes maintenant en phase de mise en application de ce projet. D’ailleurs, l’ICTA a déjà démarré les consultations préliminaires avec les opérateurs dans la formulation des indicateurs qui vont être évalués. Nous finalisons également des pourparlers avec Ookla et Measurement Lab, des sociétés américaines qui bénéficient de la confiance du régulateur des états-Unis, la Federal Communication Commission. Elles mesurent différents paramètres d’une connexion Internet car la vitesse de téléchargement n’est qu’un des éléments pris en considération.

Il faut aussi savoir que la version initiale de ce Framework est présentement à l’étude par l’Union Internationale des Télécommunications. D’ailleurs nous l’avons présenté le jeudi 18 juillet lors d’une conférence organisée par l’UIT par visioconférence. Suite à cet exercice initial, nous allons prendre des décisions d’ordre réglementaire sur plusieurs aspects comme par exemple le Contention ratio – le nombre de personnes utilisant la même bande passante assignée à tout moment – que les FAI fournissent, ainsi que les connectivités du type peer-to-peer que très souvent les internautes adoptent pour télécharger des fichiers volumineux et qui ainsi monopolisent la bande passante. En Malaisie, le peer-to-peer a été banni pour améliorer la qualité d’expérience des internautes.

Nous pensons travailler en étroite collaboration avec le Board of Investment  pour développer des stratégies qui vont encourager l’hébergement d’autres Cache Servers à Maurice.

BUSINESSMAG. Les compagnies de télécommunication à Maurice se livrent à une rude concurrence sur les prix. Ne pensez-vous pas que cela pourrait inciter certains opérateurs à réduire leurs investissements, ce qui constituerait un risque à long terme pour le secteur des Tic ?

Ce n’est pas tout à fait le cas. Il y a certes une compétition sur les prix dans certains marchés et sur certains produits tels les appels à l’international, mais il y a également des facteurs de différentiation dans d’autres cas. Le régulateur est sensible au fait que l’opérateur qui prend des risques pour investir doit pouvoir déterminer un retour sur investissement qui soit raisonnable. L’ICTA ne prescrit pas ce retour ces jours-ci. Le modèle d’attribution de licence en place aussi garantit et protège les Network Operators afin qu’ils aient un Business Case.

Il y a des discussions au niveau de l’UIT concernant ces risques dont vous avez fait mention, surtout avec les arrivées des nouveaux opérateurs, dites Over The Top (OTT) Players, qui ne font qu’offrir des services à valeur ajoutée consommant des bandes passantes assez conséquentes sur les réseaux existants sans pour autant contribuer directement à l’investissement dans des réseaux. Nous suivons ces travaux et prendrons les décisions les plus appropriées en temps et lieu après avoir consulté les opérateurs et les autres parties prenantes du secteur.

BUSINESSMAG. À partir du 1er septembre, les numéros de téléphone mobile passeront de 7 à 8 chiffres. Est-ce la première étape vers la portabilité des numéros où un utilisateur pourra conserver son numéro et choisir son opérateur de téléphonie mobile ?

Le plan de 8 chiffres sur les réseaux mobiles harmonise d’abord le plan de la numérotation nationale avec les normes et les bonnes pratiques internationales, en sus de pallier le manque de numéros mobiles. L’une des retombées de cette transformation sera définitivement la possibilité d’introduire la portabilité. Nous allons toutefois au préalable définir à travers une Policy Decision le but d’introduire la portabilité. Est-ce pour stimuler davantage la concurrence ? Est-ce pour la convenance des abonnés ? Ou est-ce pour l’offrir comme un service à valeur ajoutée?

Nous devons engager une consultation étendue avec tout les Stakeholders à ce sujet, d’abord pour définir les policy orientations,  surtout pour un marché assez restreint comme le nôtre, avant de pouvoir nous prononcer sur une date pour la mise en application des mesures appropriés.

BUSINESSMAG. Revenons au symposium qui a lieu en Pologne au début de ce mois. L’Union Internationale des Télécommunications a loué la performance de Maurice dans le domaine des Tic et les bonnes pratiques de l’ICTA. Vos commentaires ?

Effectivement, l’ICTA est citée parmi les trois régulateurs (les deux autres sont OFcom de la Grande-Bretagne et KCC de la Corée du Sud) qui ont des approches de la régulation de la quatrième génération. C’est un honneur qui rejaillit sur Maurice. Je souhaite rendre un vibrant hommage à tous les employés ainsi qu’au conseil d’administration de l’ICTA, qui ont contribué à cette reconnaissance par l’UIT. Je remercie également le gouvernement, qui, par le biais du ministère des TIC trace la policy direction pour le secteur.

Cette reconnaissance confirme que notre approche de la régulation est très au point, vu qu’on a adopté une culture de Learning Organisation. Notre mode d’opération est basé sur le modèle de ResearchingPractitioners’. Ce qui veut dire que la recherche occupe une place importante dans notre activité de régulation.à l’ICTA, nous sommes là pour garantir la continuité de l’état des choses en matière de la régulation des Tic à Maurice. C’est cette approche qui fait notre force et qui assure unestabilité du secteur.

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