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Interview Rencontre

«Le secteur financier ne peut ignorer les plus vulnérables»

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Renuka Jacquette (Community Investment Manager, Absa Bank Mauritius)

L’ambition à long terme d’Absa Bank (Mauritius) est de générer un impact social substantiel par le biais de ses programmes CSR, souligne Renuka Jacquette, sa Community Investment Manager. Elle ajoute que le secteur bancaire a un rôle à jouer pour adresser les problèmes d’inégalité.

La Covid-19 est décrite comme l’Inequality Pandemic ; les écarts existants ont été exacerbés par la crise. Aujourd’hui, plus que jamais, un développement économique inclusif est nécessaire. Et selon les observateurs, le monde post-pandémique pourrait connaître des inégalités encore plus grandes. Comment le secteur bancaire peut-il apporter sa pierre à l’édifice ?

C’est une certitude que le monde post-Covid va accentuer la pauvreté ainsi que les inégalités dans notre société. En tant qu’institution financière responsable, il est de notre devoir de rendre à la société ce que nous avons reçu et de venir en aide à tous. Notre but est avant tout de créer un écosystème où tout le monde peut prospérer. Les banques sont en mesure de discuter avec plusieurs parties prenantes qui peuvent éventuellement financer des projets qui réduiront les inégalités dans le futur proche. D’ailleurs, le groupe Absa est déjà signataire des Principes pour une banque responsable de l’United Nations Environment Program Finance Initiative (UNEP-FI). Cette initiative, conçue en collaboration avec le Programme des Nations unies pour l’environnement et le secteur financier, vient encourager les banques à adopter des pratiques économiques durables et inclusives pour les générations futures.

Chez Absa Maurice, nous avons toujours mis l’accent sur des initiatives qualitatives plutôt que quantitatives afin d’apporter de la valeur ajoutée dans tout ce que nous faisons. Nous nous sommes adaptés au contexte particulier causé par la pandémie et nous faisons de notre mieux pour aider à réduire l’inégalité. Pendant le confinement, nous nous sommes surtout concentrés sur les besoins essentiels, tels que la nourriture ou les équipements de protection individuelle, tels que les masques et les gels hydroalcooliques. Ainsi, nous avons distribué des food packs et des sanitary kits aux familles mauriciennes à travers des ONG partenaires. Nous avons aussi eu l’occasion d’ajouter dans cet élan de solidarité certains de nos clients qui, au travers de leurs activités, ont pu nous venir en aide. Je dois faire ressortir qu’Absa Maurice a également contribué Rs 4,5 millions au Covid-19 Solidarity Fund. Les employés, le management ainsi que les membres du conseil d’administration ont, de leur côté, participé volontairement à ce fonds.

Nous ne voulions pas en rester là. Grâce aux ONG avec lesquelles nous collaborons, nous avons réalisé qu’il fallait assurer le développement communautaire et l’amélioration des moyens de subsistance. Nous avons donc soutenu le projet d’agriculture de la Fédération des Maisons Familiales Rurales, dont le but est de former les jeunes à cette technique. La banque est également venue en aide à l’ONG Southern Handicapped Association pour financer la création d’une ferme aquaponique à Riambel.

Une société qui prospère doit être bénéfique pour tous, pour l’économie et le niveau de vie des Mauriciens. La question que nous nous posons aujourd’hui est comment nous assurer que les choix faits pour pérenniser la croissance bénéficient à tous dans un monde post-Covid où les économies redémarrent.

«Absa veut créer un écosystème où tout le monde peut prospérer»

Le secteur financier dans son ensemble peut ainsi jouer un grand rôle dans la réduction des inégalités ?

Je suis d’avis que le secteur financier ne peut ignorer les plus vulnérables. Les institutions financières ont un rôle prépondérant à jouer afin d’aider les plus vulnérables à aborder le futur avec confiance. Nous croyons fermement qu’une entreprise prospère se doit de trouver des solutions efficaces, en utilisant ses multiples ressources, pour aider la société à croître. La pandémie a transformé notre façon d’envisager l’économie et la société. Les choix faits aujourd’hui par les entreprises détermineront la réussite de la transition vers un avenir plus inclusif et plus résilient. Malgré les effets négatifs de la pandémie et des confinements, Absa a maintenu son budget CSR, un budget annuel qui tourne autour de Rs 20 millions.

Chez Absa, nous tenons à avoir un impact social. L’une de nos philosophies est que les inégalités au sein de la société ne peuvent assurer la pérennité de la croissance. Nous nous employons à mettre toutes les ressources appropriées pour dégager des solutions socio-économiques à travers nos programmes CSR. Nous avons lancé Bright Minds en 2017, un programme qui a pour mission de financer les études de jeunes issus de milieux modestes mais ayant un fort potentiel académique. Notre philosophie de faire avancer les choses s’applique à tout le monde : femmes, enfants vulnérables, jeunes chômeurs, personnes en situation de handicap.

Donc, l’engagement social a toujours été au cœur de vos priorités. Cet engagement s’est-il amplifié sous Absa ?

La banque a toujours eu une philosophie de renforcer sa stratégie CSR et son engagement social ; c’est toujours le cas avec Absa aujourd’hui. Notre stratégie est définie pour le continent africain et nos actions souhaitent toucher les communautés locales. Les différents projets, de la réflexion aux solutions, sont adaptés aux réalités du terrain.

Nous espérons aider à stimuler les perspectives de croissance de Maurice à travers notre impact sur les individus et la société. Avec l’appui du groupe, notre objectif est de continuer à jouer un rôle déterminant, d’être une force active et de contribuer à la construction d’une île plus équitable et plus prospère pour les prochaines générations. Absa Maurice est très active au sein d’Absa Group ; les Citizenship Managers d’Absa à travers le continent sont en contact permanent pour discuter de la stratégie CSR.

En réponse à la pandémie, Absa s’est engagée dans plusieurs projets axés sur l’autosuffisance alimentaire en faveur des familles vulnérables. Êtes-vous davantage dans une logique d’autonomisation que d’assistanat ?

La triste réalité est que la crise a poussé beaucoup de familles dans l’extrême pauvreté et l’insécurité alimentaire, accroissant les inégalités. Après le confinement de l’année dernière, nous souhaitions renforcer la résilience des communautés. Nous avons donc adopté la pensée de Confucius, qui est : «Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson». Nous avons distribué des colis alimentaires dans un premier temps, mais nous avons aussi voulu autonomiser autant que possible ces familles. Nous avons donc cherché à mettre en place un programme pérenne qui serait dans un premier temps un soutien avant de leur permettre d’être autonomes.

La banque a donc monté un projet d’autosuffisance alimentaire au coût de Rs 1,5 million pour des familles dans la région du Sud-Est. Réalisé en collaboration avec le Mouvement pour l’Autosuffisance Alimentaire (M.A.A), le projet a pour objectif d’instruire les familles aux notions nécessaires pour la production de légumes en faisant du backyard gardening et en élevant des poules pondeuses. Sur le long terme, ces familles pourront étendre leurs activités et devenir des entrepreneurs.

Absa Maurice et le M.A.A. ont distribué des cages, cinq poules pondeuses et de la nourriture pour les poules à chacune des familles. Pour les potagers, les familles ont reçu du matériel pour lancer la culture. Cela comprend des sacs de compost, des bacs, des graines et d’autres équipements pour démarrer. Ces projets permettront à ces familles d’être indépendantes et d’avoir une source de revenus tout en favorisant une production alimentaire saine. Le suivi se fera sur une période de deux ans. Nous avons également été contactés par une autre ONG qui souhaite avoir notre soutien afin de répliquer ce projet à Riambel pour environ 150 familles.

Comment réagissent les familles auxquelles vous enseignez l’autonomisation ?

Il y a toujours des réactions différentes au projet d’autonomisation. Il y a toujours des familles qui sont plus réceptives NOTRE INVITÉE à l’enseignement que d’autres. Il nous a fallu travailler avec certaines familles plus longuement afin qu’elles comprennent l’avantage de l’autonomisation. Absa Maurice accorde une grande importance à l’accompagnement sur le terrain ; nous prenons le temps nécessaire avec les familles et nous leur expliquons comment ces projets peuvent les rendre autonomes.

Nous avons vu les résultats à Cité Anoska et nous avons été recontactés afin de revenir faire un accompagnement et des interventions, car il y a eu un déclic ; les familles de la région souhaitent continuer de travailler avec nous. Je suis d’avis que tout le monde a du potentiel et pour le débloquer, il faut prendre le temps de s’asseoir avec eux pour leur faire voir les choses différemment.

La pandémie  a eu un gros impact sur les petites entreprises. Quels sont les moyens qui ont été mis en œuvre pour soutenir les petits entrepreneurs, plus particulièrement les femmes ?

La pandémie a eu un impact important sur beaucoup d’entreprises, mais particulièrement les petites entreprises. Certaines petites entreprises ont pu se réinventer ; ici je donne l’exemple d’Eco Hustle qui normalement fabrique des sacs à partir de matières recyclées. Elle a changé toute sa chaîne de production pour fabriquer des masques. Cette initiative est un bel exemple de résilience. Nous l’avons soutenue en achetant 10 000 masques. Ces masques ont été distribués à trente ONG à travers l’île et opérant comme des centres de formation pour des enfants à besoins spécifiques.

D’ailleurs, en collaboration avec Future Females Foundation, Absa s’engage à soutenir l’entrepreneuriat féminin à travers Women Forward. Ce programme vise à donner aux femmes entrepreneurs impactées par la crise sanitaire de la Covid-19, les ressources nécessaires pour qu’elles puissent redynamiser et développer leurs entreprises. À cet effet, un appel à candidature a aussi été lancé aux femmes entrepreneurs à Maurice et à Rodrigues qui souhaiteraient participer à ce programme. Pour Absa Maurice, Women Forward est aussi l’occasion d’exploiter son vaste réseau sur le continent africain. Elle facilitera le contact entre des entrepreneuses de Maurice, de Rodrigues et d’autres pays pour un partage de connaissances et une extension de leurs réseaux. Les applications seront reçues jusqu’au 15 décembre 2021.

Dans le passé, vous avez accordé une attention particulière à l’éducation en finançant les études de jeunes issus de milieux modestes. Où en êtes-vous avec ce projet ?

Encourager les jeunes issus de milieux modestes dans leurs études supérieures à travers un accompagnement soutenu, tel est l’objectif du Bright Minds Scholarship Programme. L’accompagnement va au-delà de l’octroi de bourses d’études, car nous pensons qu’il est tout aussi important de les aider à réaliser leurs ambitions en leur donnant les outils et le soutien nécessaires pour y arriver.

Le Bright Minds Scholarship Programme permet à ces étudiants de bénéficier de plusieurs avantages, pas seulement de l’aide financière couvrant les années d’études, mais nous leur donnons aussi un ordinateur portable et nous leurs offrons une connexion Internet pendant toute la durée des études. Les boursiers reçoivent également une allocation mensuelle de Rs 5 000 pour couvrir le coût des livres et de la papeterie. Ainsi, les étudiants peuvent poursuivre leurs études en toute quiétude.

À ce jour, 49 étudiants brillants ont bénéficié de notre accompagnement qui va au-delà d’un simple soutien financier. Nous nous assurons que chaque étudiant est formé par des professionnels afin d’acquérir les compétences et connaissances nécessaires pour décrocher un emploi plus facilement. Nous sommes fiers d’annoncer que notre cohorte de 49 étudiants ont tous complété le programme Bright Minds et sont déjà sur le marché du travail.

En parlant de formation de jeunes, nous avons également mis en place ReadyToWork, une initiative qui vise à faciliter pour les jeunes, la transition entre le système éducatif et le monde du travail. À travers ce programme, la banque a voulu participer activement au développement de l’économie locale en réduisant le taux de chômage chez les jeunes.

Renuka Jacquette (Community Investment Manager, Absa Bank Mauritius) «Malgré les effets négatifs de la pandémie et des confinements, ABSA a maintenu son budget CSR :  chez Absa, nous tenons à avoir un impact social»

Aujourd’hui avec le ReadyToWork programme, nous avons apporté notre soutien à environ 6 000 jeunes à travers l’île. En sus de cela, nous les aidons à acquérir les compétences en matière de soft skills, chose très importante pour intégrer le monde du travail. Pour cela, des mentoring programmes et des ateliers de travail avec des représentants de l’Afrique du Sud ont été organisés. En collaboration avec l’Institut Cardinal Jean Margéot (ICJM), nous avons mis sur pied un programme de leadership pour ces jeunes. Cela a duré huit mois et ils vont bientôt recevoir leur certificat. Nous sommes également très fiers de constater que tous nos eunes diplômés ont trouvé de l’emploi à la suite de ces formations.

Est-ce que vos activités sont stratégiquement alignées sur les Objectifs de développement durable et l’Accord de Paris sur le changement climatique ? Quelle est votre réponse face aux défis environnementaux ?

La sensibilisation et la formation des employés sont essentielles pour garantir l’intégration des risques et des opportunités liés au climat dans nos activités. Nous mettons aussi en pratique notre engagement. Nous travaillons avec Mission Verte pour animer des ateliers de sensibilisation. Avant la pandémie, nous avions organisé au niveau national un atelier de travail de deux jours pour aider les entrepreneurs évoluant dans le domaine de l’environnement. Nous sommes préoccupés par la réalité du changement climatique. Absa a un rôle important à jouer en tant que financier, conseiller et partie prenante pour permettre un développement économique durable.

 

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