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Interview Rencontre

Mickaël Appaya: «l’économie d’énergie est un enjeu de compétitivité pour les entreprises»

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Mickaël Appaya: «l’économie d’énergie est un enjeu de compétitivité pour les entreprises» | business-magazine.mu

Mickaël Appaya, le coordinateur technique du Programme national d’efficacité énergétique (PNEE) à Business Mauritius, nous éclaire sur la progression des audits énergétiques menés dans le cadre de cette initiative publique-privée. Il évoque, en outre, le soutien financier accordé au PNEE et sa vocation à long terme.

BUSINESSMAG. Le PNEE, dont l’objectif est d’aider à réduire la consommation d’énergie au sein de l’industrie locale, a marqué sa première année d’existence, le 26 février dernier. Votre bilan ?

Derrière l’idée d’avoir créé une identité visuelle, une charte graphique, un site Web, un clip de promotion et une plaquette de «direct marketing», il y a une forte volonté d’ancrer le PNEE dans le paysage économique mauricien. Au terme de cette première année d’exercice, l’appréciation générale est satisfaisante. Grâce à cette stratégie consistant à rehausser le niveau de communication sur un des aspects du développement durable en entreprise, les compagnies remarquent l’exigence de qualité qui fait partie intégrante de l’ADN du PNEE. Elles se sentent rassurées par le fait d’être prises en main dans une marche vers l’efficacité énergétique et sont déjà 51 à nous faire confiance. L’ancrage sera plus important au fil des mois car le plus gros travail en matière de communication et de sensibilisation commence maintenant. Suite aux premiers résultats des audits énergétiques, le PNEE rendra prochainement publics des retours d’expériences, sous forme de vidéos et de plaquettes, sur les réseaux sociaux et son site Web ou encore lors de séminaires.

BUSINESSMAG. Connaît-on globalement le pourcentage d’énergie économisé durant cette période grâce au PNEE et la somme que cela représente ?

Le PNEE se décline en huit projets. Les trois premiers ont été lancés en février 2015 : PNEE-Froid, PNEE-Textile et PNEE-Hôtelier. PNEE-Froid est le plus avancé à l’heure actuelle. Les 14 premiers rapports d’audits relatifs à ce projet révèlent que pour une consommation électrique cumulée et liée au froid de Rs 130 millions par an, il existe un potentiel d’économie variant entre 12 et 50 % ; soit un potentiel cumulé de 28 %, équivalant à une économie de Rs 36 millions par an. Ce, pour un investissement global de Rs 100 millions et un «payback» (délai de récupération) de trois ans en moyenne.

BUSINESSMAG. Le PNEE bénéficie d’un appui technique et financier de l’Agence française de développement (AFD) jusqu’en 2017. Quel est votre objectif à cette échéance ?

Grâce au soutien de l’Union européenne (UE), l’AFD finance en intégralité l’assistance technique du PNEE, élément indispensable pour assurer la qualité du programme. L’AFD cofinance, en outre, à hauteur de 60 %, les audits énergétiques, le reste des fonds nécessaires étant fourni par les entreprises partenaires. Le budget sécurisé d’environ € 700 000 (Rs 28,19 millions) pour le cofinancement des audits permet de viser une centaine d’entreprises partenaires d’ici à 2017. À travers les huit projets définis sous le PNEE, nous comptons bien atteindre cet objectif. De plus, nous avons l’intention de démontrer que le potentiel d’économie d’énergie est important et constitue un enjeu non seulement au niveau de la compétitivité des entreprises mais également du volume de production d’énergie dans lequel le Central Electricity Board devra investir à terme. Nos chiffres à l’échelle nationale, c’est-à-dire concernant quelque 650 entreprises que l’on peut qualifier d’énergivores, sont : Rs 1,2 milliard d’économie par an et 40 MW en moins sur le réseau électrique.

BUSINESSMAG. Qu’en est-il de l’avenir du programme au-delà de 2017 ? Envisagez-vous le recours à d’autres bailleurs de fonds ?

Bien entendu, le PNEE est appelé à vivre bien au-delà de 2017 ! Comme je l’ai dit, le budget dont nous disposons pour le cofinancement des audits nous permet de cibler quelque cent entreprises partenaires à l’horizon 2017. Cette phase devrait toutefois être répliquée dans d’autres compagnies. Au terme des trois premières années, les retours d’expériences mèneront à des ajustements de la méthodologie en vue de répondre au plus près aux attentes concrètes des entreprises. En plus de l’AFD et de l’UE, l’appui d’autres bailleurs de fonds sera recherché au moment venu.

J’aimerais ajouter que le PNEE est bénéficiaire du «Switch Africa Green» depuis novembre 2015 – un projet porté par le Programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP), le Bureau des Nations unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS), le Programme des Nations unies pour le développement (UNDP) et l’UE. C’est parce que Business Mauritius a répondu à l’appel à projets de «Switch Africa Green» que le PNEE peut compter sur un soutien financier supplémentaire de $ 250 000 (Rs 8,95 millions).

BUSINESSMAG. De quels secteurs sont issues les entreprises ayant bénéficié du PNEE depuis 2015 ?

Les 51 entreprises partenaires à ce jour sont réparties entre six projets : PNEE-Textile (3), PNEE-Hôtelier (16), PNEE-Froid – essentiellement agroalimentaire et «seafood» – (14), PNEE-Grande Distribution (8), PNEE-Vapeur – essentiellement agroalimentaire – (4) et PNEE-Air Comprimé – agroalimentaire et secteur sucrier (6).

BUSINESSMAG. Quel budget a été consacré jusqu’ici à chacun de ces projets ?

Les montants attribués jusqu’ici aux audits énergétiques sont de Rs 2,3 millions pour le PNEE-Textile, Rs 4 millions pour le PNEE- Froid et Rs 6 millions pour le PNEE-Hôtelier. Le coût des trois autres projets s’élève, lui, à environ Rs 7,25 millions.

À savoir que sur les trois premiers projets, le Human Resources Development Council (HRDC), partenaire exclusif du PNEE, a financé en totalité la formation auprès des entreprises partenaires. Ce qui revient à un montant de Rs 2 millions.

BUSINESSMAG. Les entreprises faisant usage de pompes, de moteurs et de ventilateurs, d’une part, et d’eau chauffée à l’énergie solaire, de l’autre, ont jusqu’au 1er juillet pour répondre respectivement à un appel à candidatures lancé dans le cadre du PNEE. Combien de candidatures pensez-vous retenir ?

Pour chacun des deux appels à candidatures, nous attendons une quinzaine de soumissions. Si nous recevons un grand nombre de candidatures, la sélection se fera selon l’importance des factures énergétiques.

BUSINESSMAG. Après les audits, de quelle façon les entreprises partenaires sont-elles accompagnées dans leur démarche d’amélioration d’efficacité énergétique ?

Le PNEE propose aux entreprises auditées un accompagnement qui se traduit par une subvention à hauteur de 60 % (grâce au financement du projet «Switch Africa Green») de la prestation d’un expert chargé de garantir la qualité des travaux. Les entreprises partenaires ont aussi la possibilité d’avoir accès à la ligne de crédit Sunref (Financement de l’énergie et de la gestion durable des ressources naturelles) de l’AFD pour l’achat d’équipements performants.

L’audit énergétique étant une «one-shot action», la mise en place d’un système de management de l’énergie (SME) est la seule façon de pérenniser l’efficacité énergétique. Le PNEE assiste de ce fait les entreprises volontaires dans la création d’un SME, pour une amélioration continue.

BUSINESSMAG. Estimez-vous suffisant l’intérêt des entreprises à l’égard d’une réduction de leur facture énergétique, élément clé du développement durable ?

Le PNEE vise l’émergence d’un marché de l’efficacité énergétique à Maurice. Dans cette optique, le programme joue un rôle important pour éveiller la demande des entreprises en ce sens. Mais pour faire émerger un marché de l’efficacité énergétique, il faut aussi que la qualité de l’offre technique des prestataires de services s’aligne sur le niveau d’exigence de la demande. Or, actuellement, les chefs d’entreprise ne sont pas tout à fait capables d’exiger cette qualité puisqu’ils n’en ont pas conscience. Au fur et à mesure que le PNEE progressera, les entreprises pourront réduire leur consommation énergétique tout en élevant le niveau des prestations proposées localement.

De surcroît, pour que le marché soit complet, il faut d’autres initiatives dans les secteurs clés du pays tels que les infrastructures publiques, le transport et le secteur résidentiel. Le PNEE travaille déjà à l’élargissement de cette méthodologie de travail à des entités du secteur public (hôpitaux, bâtiments, gestion de l’eau, éclairage…). Des décisions seront prises dans les prochains mois.

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