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Rencontre

Ivan Montocchio : «La MDFP préfère vendre des biscuits plutôt que de nous confier un magasin»

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Ivan Montocchio : «La MDFP préfère vendre des biscuits plutôt que de nous confier un magasin» | business-magazine.mu

Après avoir repris le magasin Hugo Boss de Bagatelle, Ivan Montocchio lorgnait celui de l’aéroport. Or, il s’est heurté au refus de Mauritius Duty Free Paradise. Dans l’entretien qui suit, il commente également la vision du gouvernement de faire de Maurice une destination hors taxes.

BUSINESSMAG. Vous êtes le repreneur de Hugo Boss. Comment se sont déroulées les négociations ?

À Maurice, nous possédons déjà le retail business de Lacoste avec mon partenaire, qui est un important retailer en Afrique du Sud. Parmi les marques qu’il possède en Afrique du Sud, il y a Lacoste, Hugo Boss, Paul Smith et Burberry. Quand Fashion Style s’est retrouvée en receivership, Hugo Boss nous a contactés pour reprendre son business à Maurice. Comme c’est l’une des plus importantes marques au monde, nous avons décidé d’investir et de reprendre cette activité.

Il faut savoir que n’avons pas racheté Hugo Boss de Fashion Style. Mais en employant une partie du personnel, nous avons sauvé des emplois. Le magasin était en bon état. Or, il n’y avait pas de stock. Avec l’aide d’Hugo Boss et celle du Receiver Manager, nous avons relancé rapidement le magasin, notamment grâce au stock qu’il y avait à la douane.

BUSINESSMAG. Est-ce à dire que Fashion Style était au bord de la faillite ?

Effectivement ! Pourquoi et comment, je ne peux vous le dire. C’est difficile de porter un jugement sur le passé ainsi que les activités de Fashion Style. Par contre, il y avait plusieurs boutiques Hugo Boss à Maurice, dont une à Grand Baie La Croisette, une à l’aéroport et trois multimarques à Belle-Mare, au Caudan et à Arsenal. Après avoir fait un état des lieux, nous avons décidé de reprendre l’emplacement de Bagatelle, de réemployer des gens. Nous avons reconstruit la base du business de Hugo Boss à Maurice. Quant à la boutique de l’aéroport, nous aimerions bien l’avoir.

Il faut souligner que nous n’avons rien à voir avec Fashion Style. Nous avons simplement repris la franchise de Hugo Boss à Maurice.

BUSINESSMAG. Quels sont les investissements que vous avez consentis dans le cadre de cette transaction ?

Ce sont des investissements importants. Pour faire un magasin comme celui de Bagatelle ou celui de l’aéroport, cela coûte plusieurs dizaines de millions de roupies.

Cela m’attriste énormément de voir qu’il y a un magasin Hugo Boss à l’aéroport, qui appartient à la Mauritius Duty Free Paradise (MFDP), et que pour des raisons inconnues, on ne veut pas nous en confier le management ni même qu’on lui fournisse des marchandises. Franchement, il y a de quoi rester perplexe, d’autant plus que Hugo Boss est présente dans tous les grands aéroports au monde.

La MDFP préfère vendre des biscuits plutôt que de nous confier le magasin de Hugo Boss qui existe déjà. Nous avons fait plusieurs demandes, mais nous restons sans réponse tangible. À mon dernier passage à l’aéroport, en avril, j’ai constaté un magasin à 90 % vide. Quel gâchis et quel manque à gagner !

Savez-vous qu’il n’existe pas plus de dix marques importantes au monde dans le prêt-à-porter ? Parmi, il y a Lacoste, Hugo Boss, Ralph Lauren et Burberry. Logiquement, comme partout dans le monde, les boutiques de l’aéroport devraient être louées après des appels d’offres auxquels les locaux devraient participer. Ces locations pourraient générer des revenus énormes pour le pays et créer des centaines d’emplois.

BUSINESSMAG. Revenons à votre business. Quelle est votre stratégie pour développer la marque Hugo Boss à Maurice ?

Savez-vous qu’un costume sur cinq vendu dans le monde est un Hugo Boss ? Cette marque a totalement sa place à Maurice. D’ailleurs, depuis la réouverture du magasin, nous sommes dans nos estimations et continuons notre progression.

BUSINESSMAG. Que pensez-vous de la stratégie du gouvernement de faire de Maurice une Duty-free island ?

Cette une très bonne initiative s’inscrivant dans le cadre de la stratégie régionale et touristique du pays. L’élimination des droits de douane sur l’importation des vêtements offre l’opportunité aux Mauriciens d’acheter localement des marques internationales au lieu de faire leurs emplettes à l’étranger, mais permet également aux touristes de la région et d’ailleurs de bénéficier de meilleurs prix. Tout cela est bénéfique pour le pays. Cela prendra un peu de temps, mais nous pourrons concurrencer Dubaï et Singapour à terme dans le domaine du shopping. Si nos arrivées touristiques continuent à évoluer et que la masse salariale augmente, nous serons en mesure d’amener d’autres grandes et prestigieuses marques.

Pour l’instant, je ne pense pas que, par exemple, Louis Vuitton puisse venir s’implanter à Maurice car ce segment de marché n’existe pas. Mais cela pourrait arriver dans l’avenir.

BUSINESSMAG. Dans sa stratégie de promouvoir Maurice comme une destination duty-free, les autorités ciblent surtout les nouveaux riches, notamment les Chinois et Indiens…

Les touristes chinois et indiens disposent d’un fort pouvoir d’achat. Ce sont de très bons clients pour le retail en général. Mais les touristes de la région, que ce soit de l’Afrique du Sud, de La Réunion et de Madagascar, ainsi que les Européens, ne sont pas négligeables non plus.

BUSINESSMAG. Est-ce difficile de faire du business à Maurice ?

Ce n’est pas difficile d’être un homme d’affaires à Maurice. Au contraire, l’environnement des affaires y est même favorable. Mais dès qu’on a affaire à l’État, tout se complique.

BUSINESSMAG. Impliquez-vous que tout est une affaire de copinage ?

Quand on lit les journaux avec tout ce qui est dévoilé, c’est malheureusement un bien triste constat. Ce serait tellement plus simple, efficace et transparent que des appels d’offres soient lancés pour que tout le monde puisse avoir l’opportunité d’y participer.

BUSINESSMAG. Mais MDFP est une compagnie privée…

Effectivement et cela fait obstacle à la transparence. L’aéroport de Maurice a coûté une somme faramineuse. Les Mauriciens, vous et moi, nous contribuons et payons cette dette à travers les taxes et la TVA. Tout devrait être fait pour rentabiliser cet emplacement commercial extraordinaire qu’est l’aéroport. La solution est très simple : il faut que la gestion se fasse par des professionnels et non par des nominés politiques, comme c’est le cas depuis toujours.

BUSINESSMAG. Vous rejoignez donc cette longue liste de personnes qui critiquent la MDFP ?

Bien sûr ! Quand je me rends à l’aéroport, je ne vois pas l’offre. Or, quand je suis à l’aéroport de Johannesburg, je constate une offre exceptionnelle de magasins et de produits. C’est pareil pour les aéroports de Dubaï et de Singapour et ceux d’Europe.

Le Premier ministre veut faire de Maurice une Duty-free island, mais il faut commencer par l’aéroport. Un aéroport demeure la vitrine d’une destination. Celui de Dubaï date de 20 ans et il propose une offre duty-free exceptionnelle. Aujourd’hui, on fait du shopping à Dubaï, alors qu’on y paie les produits plus cher qu’en Europe. Il faudrait avoir 30, voire 40 boutiques à l’aéroport SSR. L’espace est là. Il suffit d’y mettre un peu de bonne volonté, du professionnalisme et de dégager une stratégie avec l’apport d’architectes. Nous pouvons avoir un magnifique aéroport qui rapportera des millions par mois au gouvernement avec ses locations.

BUSINESSMAG. Vous n’avez qu’un magasin à Bagatelle pour Hugo Boss. L’expansion de la marque est-elle freinée ?

À l’avenir, il faudrait qu’on ouvre une multimarque avec Hugo Boss dans le Nord. Mais il n’y a pas le marché pour ouvrir trois ou quatre boutiques à Maurice. Avec 1,3 million d’habitants, le marché demeure relativement petit. Que ce soit pour Lacoste et Hugo Boss, notre expansion locale est quelque peu limitée.