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“L’intérêt des mauriciens pour l’agroalimentaire est ravivé” – Mahen Seeruttun

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"L'intérêt des mauriciens pour l'agroalimentaire est ravivé" - Mahen Seeruttun | business-magazine.mu

BUSINESSMAG. Quel regard portez-vous sur la performance de l’agro-industrie cette année ?

D’abord, il est essentiel de rappeler la place de l’agro-industrie dans l’économie mauricienne. Ce secteur reste un levierde développement économique et social essentiel pour notre économie. Il offre de nombreu ses opportunités d’amélioration de revenus, d’emplois, de recul de la pauvreté et de croissance économique. Toute la population en dépend directement.

J’ai proposé un plan stratégique pour les années 2016-20 après avoir été nommé à la tête de ce ministère.L’application des mesures stratégiques commence à porter ses fruits. Par exemple, le segment de l’agriculture vivrière a connu une augmentation de 4,7 % en 2016.

Durant cette année, nous avons aussi réalisé une série de projets. Parmi, il y a eu le lancement de l’Organic Research Station à Pamplemousses pour initier les planteurs à l’agriculture organique, la construction d’une ferme pour génisses et la création de la Britannia organic zone.

L’intérêt des Mauriciens pour le secteur agricole et agro-alimentaire est bien ravivé. Le Salon national de l’agriculture a d’ailleurs connu une fréquentation dépassant toutes nos attentes

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BUSINESSMAG. Quels sont les problèmes auxquels cette industrie fait face?

En premier lieu, il y a les phénomènes liés au changement climatique et qui échappent à notre contrôle. Même au niveau mondial, les agriculteurs se trouvent confrontés à ce problème. Nous nous sommes lancés dans une campagne de sensibilisation auprès des planteurs. Pour les aider, nous avons fait installer des agro-mètres dans plusieurs régions. Nous les encourageons à adopter le sheltered farming pour lequel le seuil est passé de Rs 250 000 à Rs 400 000.

Le Food and Agricultural Research and Extension Institute (FAREI) travaille avec l’Agricultural Marketing Board (AMB) pour la conservation de certains légumes, comme la carotte, en chambre froide. Si ce projet réussit, ce sera une situation gagnante pour le pays et les agriculteurs. Car, dans l’éventualité d’une pénurie d’ici quelques mois, nous pourrons remettre ces carottes sur le marché. Des réunions ont eu lieu avec des planteurs qui se sont montrés très enthousiastes.

Un autre problème qui nous concerne est le vieillissement dans le secteur agricole. Comment peut-on le surmonter surtout quand on sait que Maurice est un net food importer? Je crois fermement en la relève. En août dernier, nous avons lancé leYoung Agro-Entrepreneurs Development Scheme. Nous avons lancé un appel à travers la presse pour un projet pilote et reçu une cinquantaine de demandes. Parmi, dix candidats ont été retenus. Pendant huit semaines, le FAREI les a encadrés en formation continue.

En parallèle, un terrain de cinq arpents et valant Rs 17 millions est en cours de préparation à Plaine-Magnien. À la fin des travaux, les jeunes pourront y développer leur production. En guise d’encouragement, ils toucheront une allocation de Rs 6 000 pendant un an. Ils ont d’ailleurs touché leur première allocation. Et, nous avons décidé de ne pas délaisser les autres candidats qui avaient postulé pour ce projet non plus.

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BUSINESSMAG. L’autre segment qui fait face à des difficultés est le secteur théier. Aussitôt après votre arrivée au ministère, vous êtes venu de l’avant avec un plan directeur pour ce secteur. Qu’en est-il aujourd’hui? Difficultés ?

Non, c’est plutôt à la relance que nous assistons. Le secteur théier, qui était un des piliers économiques il y a plusieurs décennies, se redynamise. Ces dernières années, il y avait, d’une part, une baisse dans la production et, d’autre part, une augmentation dans la consommation. Donc, il fallait repenser le secteur et venir avec un plan stratégique. L’objectif du plan était d’améliorer la production des plantations existantes et de mettre sous culture des nouvelles terres. Savez-vous qu’il y a des champs datant plus de 50 ans, voire 100 ans ?

Nous avons pris un chapelet de mesures pour soutenir cette relance. Il y a eu la distribution gratuite des engrais formulés spécialement pour le thé aux planteurs depuis l’année dernière. En janvier prochain, on procédera à la distribution de l’ammoniaque. Cette mesure a été prise pour diminuer le coût et empêcher l’utilisation d’autres engrais, néfastes pour la production des feuilles.

Nous avons aussi distribué gratuitement des cisailles spéciales pour la récolte des feuilles. Nous avons fait un relevé des terres disponibles et identifié 600 arpents de terre dans l’ex-tea belt pour être mis sous culture de thé. Et avons débuté avec la production des plantes de thé pour la première fois à travers la Tissue culture.

Ce n’est pas fini ! Une pépinière pour la production des plantules de thé a été mise en place à La Brasserie. Celles-ci sont produites par la propagation végétative de boutures de thé et simultanément des graines de thé sont mises en bottes pour le projet. Dans ce contexte, une serre a aussi été érigée pour protéger les plantules dont la production perpétuelle est en cours. L’aménagement d’une Tea Unit se poursuit afin de donner un service d’extension aux planteurs.

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BUSINESSMAG. Vous semblez satisfait de l’arrivée de l’opérateur chinois Kuan-Fu Tea sur le marché du thé. Ce qui n’est pas le cas des producteurs locaux. Quel regard jetez-vous sur cette situation ?

Ce nouvel opérateur va revitaliser ce secteur, à travers la culture de quelque 100 arpents. D’ailleurs, il vient de redémarrer l’ancienne usine de thé à Dubreuil, connue à présent comme la Dubreuil National Ripe Black Tea Factory.

L’investissement de ce promoteur est salutaire pour le pays. M. Kuan Fu est déterminé. C’est un entrepreneur qui a foi dans la qualité du thé mauricien. Il le qualifie de meilleur thé au monde, libre de toute pollution. Le secteur théier est resté constant durant des années et ce promoteur a introduit la culture de thé chinois en développant un nouveau mélange. Il a su présenter de nouveaux styles de consommer et de vendre notre thé.

Avec l’industrie du thé qui connaît une croissance de 7 % au niveau mondial, il n’y a pas de doute que la relance est sur la bonne voie. L’entrée en scène de l’opérateur a provoqué plus de compétitivité dans ce secteur qui, je le redis, est très prometteur pour les planteurs. Ainsi, ces dreniers auront plus de choix pour la vente des feuilles car, auparavant, il n’y avait que trois opérateurs sur le marché local.

Avec la venue de ce nouvel opérateur, il y aura aussi une nouvelle gamme de produits à base de thé dont les consommateurs pourront profiter. Avec le marketing que Kuan Fu a fait en Chine, on a constaté que le thé mauricien est très prisé, très apprécié. Donc, la possibilité d’exportation vers la Chine est énorme, mais, la quantité produite, à ce jour, est insuffisante.

Les touristes chinois consomment beaucoup de thé produit localement et en achètent en grande quantité avant de repartir. Ils peuvent emporter jusqu’à deux kilos de thé par personne. Le thé Kuan Fu peut aider au développement durable de secteur et devrait également contribuer à augmenter le tourisme chinois à Maurice.Il est intéressant de noter, que depuis cette reprise, d’autres promoteurs ont manifesté leur intérêt à ouvrir des usines de thé à Maurice

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BUSINESSMAG. L’industrie sucrière fait ces jours-ci face à de sérieuses difficultés suivant la fin des quotas sucriers européens ou encore le Brexit. Vos commentaires ?

La production sucrière est passée en dessous de la barre des 400 000 tonnes pour plusieurs raisons. Nous avons constaté l’abandon accéléré des terres sous culture de canne ces dix dernières années. Par ailleurs, la fluctuation du prix du sucre sur le marché européen et l’incertitude de la production mondiale font craindre une perte de revenus aux producteurs. Dans le contexte du Brexit, il faut essayer de négocier un nouvel accord commercial pour l’exportation de notre sucre vers le Royaume-Uni.

D’autres facteurs entrent en jeu comme la pénurie de main-d’œuvre, le transport, le vieillissement de la population et les problèmes de succession. Il y a aussi la pression de la spéculation foncière à des fins résidentielles, commerciales et industrielles.

BUSINESSMAG.

Comment l’industrie sucrière peut-elle remonter la pente ?

Depuis le début des années 80, l’industrie cannière multiplie les réformes. Elle doit être consolidée afin qu’elle continue à apporter sa contribution au développement socioéconomique du pays.

Garder quelque 55 000 hectares de terre sous culture de canne est une priorité car cela permettra d’assurer la production de 400 000 tonnes de sucre annuellement. Cette masse critique de production est nécessaire pour permettre aux quatre usines d’opérer d’une façon optimale. Et, aussi, de produire suffisamment de bagasse pour la production d’énergie. Avec la centralisation des usines, il y a eu de gros investissements pour pouvoir broyer les cannes tout en réduisant les coûts.

Le Sugarcane Planters Regrouping Project (SPRP), qui a remplacé le Field Operations Regrouping and Irrigation Pro-ject (FORIP), a été mis en œuvre depuis l’année financière 2016-2017. Jusqu’à maintenant, il couvre une superficie totale cumulative d’environ 11 000 hectares. L’objectif fixé pour l’année 2017-2018 est d’épierrer et de planter sur 400 hectares. Une somme de Rs 130 millions a été allouée dans le Budget à cet égard.

Un Agricultural Land Management System a été mis en place à la Mauritius Cane Industry Authority. Et le contact a été renoué avec des planteurs qui avaient jeté l’éponge. Une assistance financière de Rs 71 000 par hectare a été mise à leur disposition pour empêcher les planteurs d’abandonner leurs terres. De plus, une somme de Rs 50 millions a été votée dans le Budget 2016-17 pour aider les petits et moyens planteurs financièrement à recommencer à replanter la canne sur une superficie de 500 hectares.

Par ailleurs, grâce au Sugar Cane Sustainability Fund, une compensation de Rs 1 100 par tonne de sucre est octroyée à tous les planteurs produisant jusqu’à 60 tonnes de sucre. Par-delà ce seuil, pour chaque tonne de sucre supplémentaire, Rs 300 est versé au planteur. Pour pallier le manque de main-d’œuvre locale, il faudra se tourner vers les étrangers.

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BUSINESSMAG. Comment le Syndicat des sucres et le gouvernement coordonnent-ils leurs actions ?

Depuis sa création, le Syndicat des sucres a joué un rôle prépondérant pour la commercialisation de notre sucre à l’étranger. Et, le syndicat a aussi porté assistance aux producteurs pour leur permettre de bien planifier leur plantation. Il a toujours été un grand facilitateur et restera toujours au service de l’industrie cannière pour de longues années à venir.

Avec les récents développements sur le marché de l’Union européenne, le Syndicat des sucres, en collaboration avec la Chambre d’agriculture, a préparé et soumis au gouvernement un aide-mémoire. Ce document propose des mesures à prendre dans les court, moyen et long termes pour sauver cette industrie. Le gouvernement a réagi rapidement pour apporter son support. Comme mesures immédiates, il y a eu l’octroi de Rs 1 250 par tonne de sucre aux planteurs, l’abolition temporaire du cess, et le prélèvement sur le sucre importé qui est passé de 15 % à 30 %. Pour les moyen et long termes, un comité technique travaille sur de nouvelles propositions.

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BUSINESSMAG. Vous avez récemment déclaré que le Syndicat des sucres doit être repensé. Pouvez-vous nous préciser votre position ?

Suite à l’abolition du quota du sucre et d’isoglucose sur le marché européen, un consultant du LMC a recommandé au gouvernement d’améliorer l’efficience à tous les niveaux, y compris institutionnel.

Le Syndicat des sucres est responsable de la commercialisation et l’exportation des sucres produits ou raffinés localement. Il doit optimiser les coûts opérationnels associés au transport, au stockage et à l’affrètement des sucres. Il nous faut à tout prix diversifier notre stratégie d’exportation, qui est actuellement exclusivement axée sur un marché européen extrêmement volatil. Il est désormais primordial de trouver d’autres marchés de niche parmi les pays de la région et cibler les marchés émergents.

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BUSINESSMAG. Où en est-on avec le projet d’agriculture biologique?

Avec la demande grandissante pour des produits de consommation sains, le gouvernement encourage les planteurs à utiliser de moins en moins de produits chimiques dans leurs cultures, à se tourner vers une agriculture raisonnée et gra-duellement vers une agriculture bio.

Pour aboutir à cela, un standard local, le Mauritius Good Agricultural Practices (Mauri-GAP) 1, introduisant les bonnes pratiques agricoles basiques, a été développé. Le FAREI est responsable de la formation des planteurs. À ce jour, 596 planteurs ont été formés en production biologique. Au total, 123 planteurs, ont déjà déposé leur demande de certification MauriGAP 1. Parmi, 23 ont été certifiés.

Les MauriGAP 2 et 3, avec des niveaux d’exigence plus élevés, sont actuellement en préparation. Le gouvernement a aussi mis en place le Biofarming

Development Scheme. Sous ce plan, les planteurs qui veulent s’engager dans des cultures selon les normes MauriGAP ou bio peuvent bénéficier d’un lopin de terre dans une zone dédiée à l’agriculture bio. La première zone dédiée à la production bio, d’une superficie de 66 arpents, se trouve à Britannia. Parmi 44 arpents ont déjà été alloués à dix promoteurs, formés par la FAREI. Ils sont actuellement engagés dans la culture de différents légumes et fruits.

Sous le même plan, les bénéficiaires sont exemptés de la taxe pour une période de 8 ans. Ils ont droit à un prêt bancaire au taux préférentiel de 3,4 % et peuvent obtenir du financement à hauteur de 90 % du coût de leur projet. De plus, ils sont exemptés de la TVA sur l’achat d’équipements et d’intrants agricoles.

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BUSINESSMAG.

Où en est-on sur le plan de l’autosuffisance et de la sécurité alimentaire ?

À Maurice, l’autosuffisance alimentaire est estimée à 23 %. Le pays dépend largement de l’étranger pour l’approvisionnement en denrées de base, notamment le riz, le blé, l’huile, le lait, la viande et des fruits. Concernant les légumes frais, et, certains fruits, tels que la banane et l’ananas, la production, qui s’élève à environ 118 000 tonnes, répond aux besoins du marché local.

Seules exceptions, le taux d’autosuffisance pour la pomme de terre, l’oignon et l’ail, s’élève à 65 %, 38 % et 7 % respectivement. Le Potato Boost Up Scheme, l’Onion Boost Up Scheme et le Garlic Seed Purchase Scheme ont déjà été mis

en place par le gouvernement pour encourager la culture de ces commodités. Une autosuffisance de 80 %, 50 % et 12 % peut être atteinte pour la pomme de terre, l’oignon et l’ail respectivement. Cela, moyennant la mise à disposition des terres autrefois dédiées à la canne à sucre avant d’être abandonnées.

Pour les denrées de base telles que le riz et le blé, le pays importe 66 000 tonnes et 166 000 tonnes respectivement. L’autosuffisance en ces produits ne peut être atteinte à Maurice vu la limitation au niveau des terres disponibles.

BUSINESSMAG.

Quelles sont

vos priorités pour 2018 ?

Nous restons cohérents avec notre plan stratégique. Les projets les plus ambitieux à concrétiser sont : le National Wholesale

Market, la Slaughter House, le Containment Facility et Greening

Mauritius.

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