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Deuxième Miracle Economique ou pari sur l’avenir ?

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Deuxième Miracle Economique ou pari sur l’avenir ? | business-magazine.mu

Le Budget 2015 s’inscrit dans un contexte de changement, voire de renouvellement dans le sillage des consultations populaires de décembre 2014. Les attentes sont grandes et le ministre des finances a promis une réforme économique à visage humain. Le nouveau Grand argentier ambitionne un taux de croissance de 5,3 % d’ici à juin 2016 en misant sur l’investissement dans des mégaprojets et la participation active des PME (Petites et Moyennes Entreprises). Est-ce réalisable dans une conjoncture marquée par des perspectives globales, et plus particulièrement dans la zone euro, qui ne sont guère reluisantes ? Même l’économie chinoise n’a pas échappé à cette morosité et a enregistré un ralentissement. Plus près de nous, l’Afrique du Sud a été contrainte de revoir à la baisse ses prévisions. Pour couronner le tout, le World Economic Outlook prévoit une croissance mondiale de 3,5 % pour 2015 comparé à 3,3 % en 2014.

Le Budget 2015 vise quatre principaux objectifs, notamment : augmenter l’investissement et favoriser l’emploi, assurer un développement durable sur le long terme, atteindre une meilleure égalité des chances et de justice sociale, et promouvoir la transparence et la bonne gouvernance dans la gestion des affaires publiques.

Le Budget prévoit de faire de l’ile Maurice un vaste chantier de développement en relançant 13 mégaprojets de développement à travers l’Ile, dont 8 ‘Smart Cities’, au coût de Rs 120 milliards. En sus, le Budget vise de faire des PME l’épine dorsale de notre économie. Ainsi, elles seront exemptées du régime fiscal pour une période de huit ans et le gouvernement compte aménager 7 nouveaux parcs dédiés aux PME. L’annonce de la création d’une banque vouée aux PME leur ouvrira l’accès au financement sans garantie personnelle. Vu que six de ces mégaprojets de développement ont déjà atteint une phase avancée et que ces dernières dix années furent marquées par des efforts considérables en faveur des PME, on se demande si les nouvelles mesures annoncées auront les résultats escomptés.

Pour démontrer l’importance grandissante du secteur to-uristique dans notre croissance économique, l’enveloppe budgétaire de ce secteur a connu une hausse significative. Ainsi, le Budget de la MTPA est passé de Rs 390 millions à Rs 560 millions. Le Grand argentier parle de l’ouverture de l’accès aérien, une mesure qui a déjà été prise dans le passé, et selon nous son implémentation n’est pas de notre ressort mais celui des transporteurs internationaux.

Par ailleurs, plusieurs lois seront amendées dans le but de consolider et de diversifier nos produits financiers ainsi que nos marchés. Le développement d’un cadre légal et fiscal pour faciliter l’exploration et l’exploitation des ressources hydrocarbures dans notre Zone Economique Exclusive est fortement louable. Par contre, l’annonce de la décision de revoir les projets IRS/RES fera planer des doutes sur les opérateurs du secteur immobilier pendant quelque temps.

Dans le but de réduire l’inadéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail et de résorber une partie des 43.600 chômeurs recensés par Statistics Mauritius, le ministre des finances propose d’utiliser nos trois campus universitaires pleinement comme suit : un campus polytechnique à Réduit, un campus axé sur le tourisme et l’industrie des croisières à Montagne-Blanche, et un autre pour les étudiants dans le domaine de la santé à Pamplemousses. Il est aussi prévu de créer une chambre des métiers pour les électriciens, soudeurs, menuisiers, entre autres. Ces initiatives favoriseront aussi la montée en gamme des services offerts.

La bonne gouvernance est devenue le maître mot. Nous accueillons chaudement la transparence annoncée dans l’allocation des terres de l’état, calqué sur le modèle singapourien de même que la création d’un legacy Sovereign Fund, ‘answerable’ au Parlement où 1 % des revenus de l’état seront canalisés.

Sans surprise, le Budget fait la part belle au social conformément à la notion de socialisme novateur que prône le gouvernement et les engagements pris lors des dernières législatives. À travers un chapelet de mesures égrenées, le Grand argentier vient démontrer une nouvelle fois qu’il faut aller au-delà de la création de richesse. Entre autres, les mesures phares se déclinent comme suit :

• un plan Marshall contre la pauvreté où les contributeurs au fonds de CSR pourront parrainer des cités ouvrières et autres poches de pauvreté ;

• la révision du système de CSR permettant aux entreprises de mener leurs actions sociales de la manière efficace;

• 6 mètres cubes d’eau gratuits par foyer;

• le recrutement de 100 médecins et 1 400 auxiliaires médicaux sur une base permanente ;

• l’augmentation de l’allocation pour le coulage de la dalle et révision du seuil d’éligibilité ;

• la protection des consommateurs en réglementant la vente à tempérament ;

• le personnel de la Child Development Unit sera augmenté à plus de 50 employés ;

• la construction de 1 000 logements sociaux pour les vulnérables, etc…

La promesse qu’il n’y aura pas de coup de massue fiscal a été tenue : la TVA et la taxe n’ont connu aucune hausse et c’est tant mieux pour le pays qui a bâti sa réputation sur la base d’une fiscalité légère. Cette décision a aussi le mérite de décourager une planification fiscale agressive. Le Grand argentier a tablé sur l’augmentation de la croissance qui, à son tour, amplifiera les revenus fiscaux. Pour donner du tonus à l’économie, il a dopé le moral de la nation.

Avec les incitations visant à influer positivement sur la croissance et l’emploi, le Grand argentier a voulu poser les jalons du deuxième miracle économique. Est-ce suffisant quand on sait que le pays subit de plein fouet la dépréciation de la roupie et que nos principaux marchés de la zone euro subissent toujours les effets de la récession? A-t-on pris la bonne vague ou c’est un pari osé sur l’avenir?