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Dev Sunnasy : le secteur du numérique et l’entrepreneuriat

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Dev Sunnasy : le secteur du numérique et l’entrepreneuriat | business-magazine.mu

Maurice est une habituée des premières places en Afrique dans les classements portant sur le développement des technologies de l’information et de la communication. Peut-on dire pour autant que nous sommes un pays avancé en ce qui concerne l’utilisation des outils numériques dans notre vie de tous les jours ?

Tentant d’en avoir le cœur net, j’ai posé cette question à plusieurs personnes il y a peu: «Quels services - gouvernementaux ou autres - en ligne avez-vous utilisés ces trois derniers mois ?» Aucune des personnes interrogées n’a pu me répondre, le dernier «outil» online dont elles ont fait usage étant celui de la Mauritius Revenue Authority, il y a cinq mois, en octobre 2016, pour remplir leur déclaration d’impôts sur le revenu.

Chaque jour, une soixantaine de citoyens font la queue aux Casernes centrales car ils n’ont pas d’autre moyen de prendre rendez-vous pour passer le permis de conduire et attendent en moyenne deux heures. Cela représente au final un nombre important d’heures de perdues au quotidien, y compris pour les officiers. La même analogie pourrait s’appliquer à la quasi-totalité des services publics existants.

Lorsque les différents services de l’État ont été mis sur pied, l’on n’a pas pris en considération l’impact qu’ils auraient sur le citoyen. Aujourd’hui, au vu de l’évolution technologique, il faudrait créer des solutions simples qui changeraient le quotidien des citoyens grâce à Internet et à la téléphonie mobile.

Il faudrait avant tout réorganiser les départements rattachés au ministère de la Technologie, de la communication et de l’innovation (TCI). Lors du Budget 2016/2017, il a d’ailleurs été prévu une refonte complète dudit ministère ; mesure que nous accueillons positivement. Il faudrait aussi revoir le Procurement Act afin d’améliorer la livraison de services aux citoyens. Je prends pour exemple le Royaume-Uni et Singapour. Ces deux pays ont réorganisé de fond en comble leurs départements en tenant compte de l’impact sur le citoyen. Désormais, dans ces pays, on parle de «co-development», «open government» ou encore d’«e-democracy», et le citoyen participe à la création de services d’État.

À Maurice, le Premier ministre et le ministre de la TCI actuellement en poste sont jeunes et dynamiques. Ils peuvent réussir à changer la vie des gens ; les aider à ne pas perdre de temps dans des files d’attente. Le résultat sera un gain de productivité dans les différents services et une interaction réduite entre le public et les fonctionnaires. Par ricochet, il y aura un effet immédiat sur les risques et indices de
corruption.

En venant de l’avant avec une dizaine de services simples et interactifs que des start-up pourraient mettre en œuvre en quelques mois, on commencerait à créer l’impact. Et l’impact engendrera immédiatement un surcroît de performance. GovTech Singapour a annoncé il y a peu des estimations d’économies de $ 600 millions par an. Le Royaume-Uni a fait part, lui, d’économies annuelles de 1,7 milliard de livres après la refonte du Government Digital Service et la transformation numérique de la société britannique. Même scénario du côté des États-Unis, en partenariat avec le Civic Tech «Code for America».

Un bon point pour Maurice : 53 % de la population est âgée de 15 à 50 ans et appartient à des générations suffisamment exposées à Internet pour utiliser sans difficulté les services offerts en ligne par le gouvernement.

La Mauritius Information Technology Industry Association (MITIA) a approché l’État en 2016 en vue d’une collaboration visant à créer un incubateur et accélérateur. L’objectif est de contribuer à la transformation numérique du pays en guidant les start-up, en formant ceux qui les conçoivent et en leur permettant de se développer par le biais de la sous-traitance interne. Les contrats alloués aux étrangers s’en trouveront donc réduits. De plus, nous créerons de la valeur et des compétences locales auxquelles nos membres pourront avoir recours si besoin est.

Nous ne voyons pas comment un «mindset» étatique pourrait apporter un changement vers un modèle «agile». C’est exactement pour cette raison que le Royaume-Uni a modifié ses procédures de développement en changeant le Procurement Act.

L’île occupe pour l’heure la troisième place en Afrique concernant l’utilisation des e-services par les citoyens. À la MITIA, nous souhaitons la voir prendre très vite la tête de ce classement. Un besoin de performance lié à notre volonté de nous développer en Afrique afin de faire grandir nos entreprises et notre chiffre d’affaires.

Le service des télécoms mis à part, le secteur du numérique représente Rs 3,5 milliards à Maurice. Se développer à l’international pourrait nous permettre de multiplier par cinq ce chiffre d’affaires sur une période de quatre à cinq ans en étant présents dans différentes régions d’Afrique. Les Singapouriens, eux, l’ont bien compris. L’International Enterprise (IE) Singapore, compagnie d’État, a déjà ouvert 35 bureaux dans différentes villes sur les cinq continents. Il y en aura 40 en 2017.