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Devesh Dukhira : une Industrie sucrière efficiente et flexible

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Devesh Dukhira : une Industrie sucrière efficiente et flexible | business-magazine.mu

Les prix garantis pour nos sucres n’existent plus. Ils sont maintenant sujets à la volatilité du marché international. Depuis que l’Union européenne a mis fin au Protocole Sucre en 2009, l’industrie sucrière mauricienne a dû s’adapter pour rester profitable dans un marché sans filet de protection. Quoique cette réforme ait démarré bien avant, avec le coup d’envoi de la centralisation dans les années ’80, un grand pas a été franchi en 2009 lorsque, suivant la baisse de prix de 36% sur le marché européen, la structure de l’industrie a subi un changement drastique, entraînant une toute nouvelle gamme de produits. Le nombre de sucreries a été ramené à quatre, avec la mise en place de deux raffineries modernes pour la production de sucre raffiné d’une qualité européenne, ainsi qu’une hausse importante de la capacité de production des sucres spéciaux.

Depuis 2011, les exportations de Maurice devinrent principalement le sucre pour la consommation directe. Cela a permis au Syndicat des sucres, le bras commercial du secteur, d’attirer plus de valeur pour ses ventes tout en gardant la flexibilité de les écouler vers différentes destinations. Il s’est ainsi acharné à trouver des marchés de niche où il pourrait jouer son atout tant sur la qualité de ses produits, de ses services ainsi que sur les normes de durabilité de l’industrie qui sont mises à l’avant de plus en plus par les acheteurs. Aujourd’hui, le sucre mauricien est présent dans une cinquantaine de pays au monde, le Syndicat ayant ciblé les opportunités les plus rémunératrices, tant dans la région, en Europe ou ailleurs.

Tout ce développement de marché a été effectué alors que la surface sous culture cannière a baissé d’environ un tiers depuis le début du siècle à environ 50 000 hectares: la production sucrière moyenne annuelle n’est que de 400 000 tonnes actuellement. Etant donné la demande croissante pour le sucre d’origine mauricienne et les exigences des marchés qui augmentent davantage, l’industrie a continué à investir afin de pouvoir répondre à ces attentes. Aujourd’hui, les outils de fabrication sont du state-of-the-art, avec une capacité industrielle dépassant les 500 000 tonnes, et tout manque de matières premières est complété par des importations du Syndicat, cela dans le respect des règles d’origine requises dans les marchés d’exportation.

Quoique les bases aient été jetées pour affronter l’érosion de l’accès préférentiel en Europe, la concurrence malheureusement ne cesse d’augmenter. Outre le rapprochement des prix européens du cours mondial suivant une livraison accrue des producteurs betteraviers à partir d’octobre prochain, ils n’auront également plus de restriction à l’exportation, et viendront donc nous concurrencer en dehors de l’Europe, y compris en Afrique. Par ailleurs, parmi nos compétiteurs producteurs de sucre de canne, il y a un intérêt grandissant pour accéder aux marchés de niche déjà fournis par Maurice, tels que pour les sucres spéciaux, ce qui pourrait exercer une pression sur les primes obtenues à ce jour.

Toutes les parties prenantes de l’industrie devront donc prendre conscience du nouvel environnement commercial. Sans filet de protection, les recettes de vente dépendraient des aléas du marché. La volatilité des prix, comme pour toute autre commodité, est évidente ; donc les producteurs doivent être prêts à relever les défis, tout en prenant avantage lorsque les prix sont favorables. Le soutien des autorités pour élargir le flux de revenus de l’industrie envoie le bon signal car cela permettrait d’amortir ces fluctuations de prix à l’avenir, mais ce n’est malheureusement pas suffisant. Avec la concurrence qui s’amplifie, il est primordial d’être efficient et flexible à tous les niveaux, non seulement dans les champs et à l’usine, mais aussi dans la logistique, qui comprend le transport des cannes et du sucre, le stockage et le fret maritime. Tous les maillons de cette chaîne doivent donc continuellement se ressourcer pour maintenir, voire augmenter, la compétitivité du sucre mauricien.

Par ailleurs, le secteur compte beaucoup sur la diplomatie économique du gouvernement pour étendre davantage les marchés d’exportation. Comme Maurice fait partie de la SADC et du COMESA, le Syndicat y exploite déjà des opportunités de vente, mais fait souvent face à des barrières non tarifaires, sachant que les pays producteurs essaient de protéger leurs marchés domestiques. Par ailleurs, des perspectives intéressantes existent pour les sucres à valeur ajoutée dans certains marchés émergents, tels que la Chine, l’Inde et la Turquie, qui sont néanmoins protégés pour la même raison, d’où la nécessité pour des accords de libre-échange bilatéraux. Pas des moindres, le BREXIT a suscité des incertitudes sur le marché britannique, qui absorbe toujours quelque 15 % des livraisons de sucre de Maurice. De par notre forte position sur ce marché déficitaire, il est absolument nécessaire d’y maintenir un accès préférentiel.

Le Syndicat s’est engagé à pouvoir s’adapter continuellement à l’environnement contemporain et relever les défis de l’avenir. Une vraie direction commerciale est requise alors qu’il faut aussi se donner les moyens pour être plus près des marchés, cela afin d’être plus efficace et flexible, et ainsi saisir les meilleures opportunités pour optimiser les revenus des producteurs.