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Indianocéanie, un bloc géopolitique et culturel stratégique

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Indianocéanie

Le terme indianocéanie gagne en popularité. Il est utilisé couramment avec une telle liberté qu’on est amené à penser que ce mot fait partie des lexiques et dictionnaires depuis des décennies. Or, tel n’est pas le cas. L’indianocéanie reste toujours un terme néologique, c’est-à-dire une expression devenue populaire au fil du temps. Le néologisme est d’usage limité (à un jargon, un sociolecte, etc.). C’est quand le néologisme est acquis par un assez grand nombre de locuteurs qu’on peut dire qu’il est lexicalisé. Dans ce cas, il commence généralement à être admis par certains dictionnaires.

L’indianocéanisme est une idéologie à prétention humaniste issue du sud-ouest de l’océan Indien dont le nom, un néologisme, a été inventé par le Mauricien Camille de Rauville à l’occasion du colloque fondateur de l’Association historique internationale de l’océan Indien, en 1960 à Tananarive. Il part du constat de l’existence d’une littérature spécifique au sein de la littérature de l’océan Indien se caractérisant par un usage privilégié de la langue française, ainsi que par quelques traits spécifiques tels que le recours au mythe de la Lémurie ou à son héritage hindou. L’indianocéanisme, inspiré pendant longtemps de l’algérianisme, se distingue, en revanche, volontairement de l’indianisme. Avec le temps, il tendra ensuite à se confondre avec la créolie qui restera néanmoins plus typiquement réunionnaise, car plus favorable au métissage biologique.

Ainsi, l’indianocéanisme est ancré dans la mémoire collective des peuples de l’océan Indien qui ont commencé à l’accepter et l’interpréter en symbiose avec leurs réalités sociales, économiques, culturelles. L’indianocéanie devient de plus en plus compréhensible et utile de par son application à plusieurs niveaux : vie quotidienne, conférences, ateliers de travail, festivités, rassemblements, forums locaux, régionaux et internationaux.

Voici quelques notions de l’indianocéanisme et de son évolution :

•Indianocéanisme – Indianocéanisme n. m. Didac. Ensemble de traits culturels et de coutumes qui caractériseraient les populations métissées des îles australes de l’océan Indien.

•Camille de Rauville – C’est un écrivain mauricien de langue française né à Rose-Hill en 1910. Il est l’auteur de plusieurs travaux relatifs à la littérature de l’océan Indien, dont une anthologie parue en 1955.

•Littérature mauricienne – Elle est vieille de deux siècles et regroupe en son sein des auteurs divers, de Xavier Le Juge de Segrais à Léoville L’Homme en passant par Jean Georges Prospère, Marcel Cabon, Malcolm de Chazal, Vinesh Hookoomsing, Khal Torabully, Ananda Devi, Shenaz Patel, Amal Hosseny et Barlen Pyamootoo, entre autres.

La littérature indianocéanique contemporaine est aussi marquée par des réflexions riches et constructives d’auteurs et de chercheurs tels que :

•Vinesh Hookoomsing – Chargé de faculté et chercheur ayant été un des précurseurs de la créolité mauricienne et indianocéanique.

•Evelyn Kee Mew – Le mauricianisme et l’indianocéanisme : deux projets de définition de la littérature mauricienne.

•Malcolm de Chazal – La Lémurie de Malcolm de Chazal traduit le besoin de se reconnaître des ancêtres dans une île née de la barbarie du commerce humain (colonisation et esclavage).

•Jean-Georges Prosper – La créolie indianocéaniste, s’inspirant des Réunionnais, a cherché à se démarquer de la créolité et de la créolisation antillaise.

•Shafick Osman – Chargé de la Faculté Géopolitique de l’Université des Mascareignes. Connu pour ses prises de position et contributions à l’évolution du développement géopolitique indianocéanique.

•Raoul Lucas – Activiste et chercheur réunionnais ayant milité pour une reconnaissance de la créolité et de l’identité indianocéanique.

•Khal Torabully – Il s’inscrit à la suite du mouvement de la négritude et émerge de la prise en compte des travailleurs indiens, les coolies, venus remplacer les esclaves affranchis dans les îles de plantation (de cannes à sucre).

L’indianocéanie demeure un bloc géopolitique stratégique et un outil de négociation par excellence quand il s’agit de convaincre les agences de développement et de coopération multilatérales, ainsi que des bailleurs de fonds comme l’Union européenne et la Banque mondiale, d’investir et de soutenir les actions dans les pays riverains de l’océan Indien. The Larger the Better,comme dit l’Anglais. Pour certains, l’indianocéanie se limiterait aux îles de l’hémisphère Sud, dont la Commission de l’océan Indien a le mandat de promouvoir. Pour d’autres, l’indianocéanie gagnerait plus à s’étendre pour inclure l’Australie de l’Ouest et l’Afrique australe. Ainsi, le bloc indianocéanique iloise et Continentale représenterait non seulement une force géopolitique et économique conséquente, mais aussi un grand courant artistique et culturel qui viendrait renforcer l’évolution de la culture universelle.

Dans un souci de populariser et de renforcer l’identité indianocéanique, le consortium IOCD AFRICA a organisé la conférence sur l’expression indianocéanique le 17 octobre 2014 à la mairie de Port-Louis. Elle constituait en une réflexion constructive sur l’expression indianocéanique à la suite d’un travail minutieux et constructif, de concertations, discussions et de compréhension mutuelle entre divers acteurs artistiques et culturels, économiques venant des États constituant l’espace indianocéanique.

Les recommandations des sessions de réflexion et discussions sur l’indianocéanie sont concluantes et s’accordent à supporter l’élargissement stratégique de son espace géopolitique, économique et culturel.