Type to search

Parole d'experts Rencontre

Kris Valaydon : l’urgence d’une politique de population

Share
Kris Valaydon : l’urgence d’une politique de population | business-magazine.mu

Tout changement dans la taille d’une population et de sa composition selon l’âge provoque de sérieux effets sur le développement économique et social d’un pays. L’ampleur de ces effets dépend de la phase de transition démographique dans laquelle se trouve le pays. Et, lorsque des changements s’annoncent conséquents, l’intégration des variables démographiques dans la planification du développement devient un impératif quel que soit le secteur. L’exercice de prise en compte de ces variables devient une priorité. Surtout si le pays ne veut pas que son ‘miracle’ ne se transforme en débâcle économique et social, constaté par une détérioration dans ses indicateurs de croissance et de progrès. Ces propos s’appliquent à Maurice où il est nécessaire à ceux qui décident de son avenir de penser à une stratégie sur les questions du vieillissement de la population et celle de la migration, entre autres, et de passer à l’élaboration d’une politique de population.

Sur le vieillissement de la population mauricienne, il s’agit d’aller plus loin que la rhétorique   et de traiter de tout un ensemble d’effets sur la structure de l’offre et les besoins en biens et services, la viabilité des plans de pension, la prestation des services sociaux, la disponibilité des ressources humaines, entre autres. Doivent faire objet d’études sérieuses, la problématique entourant les travailleurs immigrés, les professionnels étrangers à attirer, l’émigration des Mauriciens, les conséquences de la baisse de la fécondité. Une politique de population est aujourd’hui devenue une nécessité pour l’île Maurice. C’est un outil clé en matière de planification, non seulement de l’économie, mais aussi d’autres secteurs y compris le social et l’environnement.

Même si la baisse de la fécondité, le vieillissement de la population, la mutation des flux migratoires ont des effets structurels sur une société, ces phénomènes ne sont pas en eux-mêmes des catastrophes. On serait mal inspiré d’être fatalistes et de tomber dans le piège que recèlent les mythes entourant le vieillissement de la population. Le réel danger pour un pays émane du refus de voir venir le phénomène du vieillissement, de sous-estimer l’ampleur de ses effets et de ne pas vouloir décider de la meilleure manière d’y faire face.

Ceux âgés de plus de 60 ans sont au nombre de 200 000 aujourd’hui, soit 15 % de la population : ils constitueront près de 25 % de la population (environ 300 000 âmes) dans treize ans. Ce  phénomène est accompagné d’une baisse de la population en âge de travailler. (Les chiffres sont approximatifs et sont cités pour avoir un ordre de grandeur du phénomène). Mais treize ans, c’est loin diront certains, d’où le défi : planifier pour un plus long terme, dans un contexte où le mode opératoire des décideurs reste souvent focalisé sur les 5 ans à venir.

L’évolution démographique est un phénomène à la fois graduel et inévitable, et qui gagne le monde entier. On ne peut rien pour stopper le vieillissement de la population, mais il est essentiellement prévisible. Et ce n’est pas seulement le gouvernement qui doit mener la réflexion sur la question. La survie et l’expansion de tous les secteurs en dépendent. Déjà, pour réaliser sa croissance, le pays a recours à  la main-d’œuvre étrangère et nécessite un apport d’expertise venue d’ailleurs, alors qu’en même temps, les Mauriciens bougent vers des cieux plus cléments. Cette dynamique qui se poursuivra en s’accentuant mérite d’être   étudiée de manière plus systématique que juste le simple coup d’œil aux données publiées annuellement par le service de Statistics Mauritius.

Une politique de population à Maurice comprendrait, par exemple, un volet «migration» avec l’analyse du manque de main-d’œuvre dans des secteurs intensifs en main-d’œuvre. Si on ne prévoit pas une évolution significative de la technologie au sein de ces secteurs et, compte tenu de l’inélasticité de l’offre de bras mauriciens, le pays aura de plus en plus besoin de recruter des étrangers pour maintenir sa croissance économique. La dimension stratégique d’une politique de population dépasserait la posture ad hoc adoptée jusqu’ici, privilégiera une étude de notre besoin en main-d’œuvre pour une période longue. Elle prônera la démarche appropriée pour changer le mind-set actuel sur la question. Elle va prévoir des changements dans  notre politique d’immigration, par exemple, en améliorant les conditions de séjour (question toujours dans l’actualité) des étrangers, octroyant le permis de résidence au travailleur et sa famille, si on veut les attirer à  Maurice.

Si aujourd’hui, Maurice peut imposer une loi restrictive sur les travailleurs manuels bangladais, malgaches ou chinois, c’est parce que ces derniers ne trouvent pas mieux chez eux. Dans 20 ans, leurs pays aussi connaîtront le problème du vieillissement de la population et auront leur stratégie pour les retenir.  Le vieillissement de la population, on ne doit pas l’oublier, est un phénomène global, même si les pays peuvent être affectés à des degrés divers. 

Pour le gouvernement, le problème du vieillissement de la population s’est, jusqu’à présent, résumé à la pension de vieillesse dont le budget augmente année après année, et cela depuis le premier rapport Battersby il y a environ 40 ans. Mais si gouverner, c’est prévoir, une vision éclairée de l’avenir du pays tiendra compte des variables démographiques et de leurs poids dans tout exercice de planification du moyen et long terme. Il est urgent d’avoir une politique qui répondrait de manière intelligente aux nombreux défis que pose la dynamique de population dans le contexte particulier de l’île Maurice : un pays en quête de miracle, enpleine période de post-transition démographique.