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La grande désillusion

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La grande désillusion | business-magazine.mu

Il n’y a plus aucun doute. L’incohérence s’est définitivement installée au sein de ce régime qui gère les affaires de l’État depuis la décision souveraine de l’électorat mauricien de ne pas faire confiance à la défunte alliance PTr-MMM. Cette incohérence a même pris l’allure d’un fil conducteur au vu des décisions annoncées ou prises par le gouvernement collectivement ou par les ministres individuellement. Les contradictions sont légion. Et cela ressemble dangereusement à ce feu d’artifice qui, une fois allumé, fuse dans toutes les directions.

La deuxième année au pouvoir de L’Alliance Lepep est bien entamée, mais les balbutiements au sommet perdurent et, de ce fait, continuent à maintenir la population dans un état de confusion. Heureux celui ou celle qui, sans hésitation et en toute confiance, peut vraiment miser (excusez ce terme de ‘zougader’, mais l’ouverture des nouveaux casinos oblige !) sur la direction que ce gouvernement veut prendre. Malgré la lecture en fanfare de la fameuse Vision 2030 par le Premier ministre, la mayonnaise peine à prendre. Et, bien évidemment, le No-tax budget lu théâtralement par le ministre des Finances et applaudi par ses collègues de la majorité parlementaire, transformés en percussionnistes de service pour l’occasion, a vite été relégué, n’étant qu’un Non-event budget.

Entre-temps, les promesses fusent de plus belle. Des rêves sont vendus à un public qui, dans sa majorité, ne sait plus comment réagir.

Les finances publiques ont à la tête un ministre qui, jusqu’à tout récemment, était un SPF (sans parti fixe) et qui, se sentant marginalisé et voulant s’assurer d’un ancrage pour faire face aux turbulences prévisibles sur l’échiquier politique, a vite adhéré le parti Orange. C’est ce même Monsieur qui, après s’être vanté de détenir la baguette magique pour faire gober à l’électorat et au peuple crédule un miracle économique, dit ne plus vouloir prononcer le mot miracle. Comprenez par là qu’il n’y aura point de miracle économique ! Qui plus est, toutes ses prévisions chiffrées sont tombées à l’eau. Les statistiques officielles, de quelque source que ce soit, ne lui donnent pas raison. Du coup il ne croit plus aux chiffres. Il les déteste même ! Mais soyons généreux envers lui et faisons preuve de compréhension. Ce n’est pas facile d’être un ministre des Finances, jadis auréolé, d’être désavoué par ses propres départements, et même, par la Banque de Maurice qui vient tout juste de prévoir une croissance de 3,8 %, bien au-dessous des prévisions ministérielles. Il paraît aussi que depuis décembre 2014, certaines responsabilités qui étaient les siennes lui auraient été enlevées. On ne l’entend plus parler de l’accord de non-double imposition (DTAA) avec l’Inde. D’ailleurs, plus personne n’en parle, même pas l’autre qui s’est positionné comme le Zorro du régime, au grand dam de notre Sheikh national. Mais le voilà qui, ne pouvant comprendre l’impatience de la population après plus d’une année d’attente infructueuse, la traite de «râleurs».

Les rêves sont devenus cauchemardesques pour ceux qui les ont vendus si généreusement, car ils n’arrivent plus à les faire avaler. Pendant ce temps, la paupérisation de la classe moyenne se fait sentir et l’extrême pauvreté ainsi que l’inégalité gagnent du terrain.

Dans le domaine du travail, c’est plutôt à la perte d’emplois que l’on est confronté. Certes, il y a eu certains emplois créés, mais les licenciements presque quotidiens ajoutent au désarroi. Les jeunes perdent patience et confiance et ne croient plus en ces promesses creuses faites par nos ministres. Un de ceux-là, n’avait-il pas affirmé qu’en fin de 2015, les citoyens dans certains secteurs allaient se retrouver avec deux emplois. Certaines décisions annoncées avec fierté n’ont duré que le temps de ces annonces. Entre-temps, la dette publique continue à grimper et devient asphyxiante, le panier de la ménagère diminue en volume, mais prend l’ascenseur en termes de coût, le taux d’épargne dégringole, l’investissement local peine à se manifester, sans parler du désinvestissement substantiel en Bourse, alors que l’investissement direct étranger est au ralenti pour ne pas dire au compte-gouttes.

Mais en contrepartie, on continue à nous anesthésier avec des projets à coup de milliards... tantôt c’est le Smart Port-Louis au coût ronflant de Rs 52 milliards, tantôt, ce sont douze ou treize Smart cities (pour la plupart du réchauffé, sinon entamés avant décembre 2014) à travers l’île qui devraient attirer des dizaines de milliards de roupies d’investissement, quand ce n’est pas le projet-prestige Heritage City de l’autre à Rs 29 milliards, dont les modalités de financement demeurent toujours floues avec une manne, à intérêt payable, qui viendrait d’un pays ou d’un autre du Golfe, dépendant du ministre qui y revient de mission. Ainsi, notre Parlement, certains ministères y compris le Bureau du Premier ministre y seraient logés, moyennant paiement de loyers s’il vous plaît ! À ce rythme, avec les Jin Fei, Neotown et autres projets immobiliers étrangers, l’État deviendra locataire dans son propre pays. La somme totale de tous ces milliards a de quoi amener notre ministre des Finances à ne plus croire dans des chiffres. Après Mauritius, c’est un plaisir, maintenant c’est Smart Mauritius !

Avec autant de milliards prévus pour être engloutis dans du béton, n’aurait-il pas été plus utile et productif de sécuriser les routes et d’assainir les drains et autres cours d’eau, d’assurer la sécurité alimentaire du pays en investissant intelligemment dans le domaine de la recherche et de la technologie agricoles ?

Il y a bien d’autres domaines qui devraient retenir notre attention, dont certaines pratiques rapidement adoptées par le gouvernement actuel alors qu’on les avait décriées et condamnées, avec raison, durant les années qu’avait sévi l’ancien régime. Par exemple, la nomination de petits copains, copines et autres parents dans les institutions de l’État et les arrestations policières intempestives. Plus d’un an après, rien n’a changé à la MBC TV. La gestion de toute l’affaire BAI a eu et continuera à avoir des séquelles sur ses anciens clients, mais aussi sur l’image du pays. Et là, comment ne pas se souvenir de l’aveu du Premier ministre, qui avec d’autres ministres avaient retiré leur argent en quatrième vitesse à la veille de la révocation de la licence de Bramer. Et maintenant, on annonce la privatisation de la CWA ! Augmentation de prix en perspective ? Cette liste est loin d’être exhaustive. Est-ce de cette façon que l’on va asseoir la bonne gouvernance ?

Depuis quelque temps, on se bombe le torse en prenant lecture des classifications plaçant Maurice parmi les premiers sinon en première position en Afrique. Le moment est venu pour nous de nous comparer avec des pays partageant les mêmes indicateurs que nous, et non plus sur une base purement géographique avec ceux du continent.

Quant à la diplomatie mauricienne, elle ne nous fait nullement honneur. Ambassadeurs-amateurs dans nos missions diplomatiques, manque de direction, ministre quasi inexistant, pendant que d’autres font et disent n’importe quoi au nom de l’État sans aucun rappel à l’ordre. Après notre incursion inacceptable dans le conflit Arabie saoudite-Iran, les autorités et le ministre concernés ont fait montre d’un manque total d’égard envers les Comores s’agissant des Jeux des îles. Pourtant, le ministère a des professionnels compétents en son sein pour mener à bien une politique étrangère digne de ce nom.

Il est grand temps que nos gouvernants se ressaisissent dans l’intérêt supérieur du pays ou alors qu’ils rendent le tablier !