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L’artisanat local tient la gageure

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L’artisanat local tient la gageure | business-magazine.mu

L’artisanat local a mauvaise réputation. Les produits sont de mauvaise qualité, manquent d’originalité et de régularité au niveau des créations. Il y a un manque de sérieux de la part des artisans et surtout et pas des moindres, le manque de compétitivité au niveau du prix face aux produits importés. Autant de critiques auxquelles les artisans mauriciens doivent faire face. Autant d’arguments péjoratifs auxquels les artisans doivent répondent. Assumer la situation et être déterminé dans sa démarche. Voilà la bonne attitude à avoir dans ce secteur.

Malgré la situation instable qui perdure dans le tourisme, il semble que la demande pour des produits faits localement n’arrête pas de croître. C’est la tendance qu’enregistre LocalHands, une association d’artisans locaux. C’est pendant les années les plus critiques de la crise économique européenne de 2011 à 2013 que LocalHands a enregistré sa plus forte croissance au niveau des ventes.

C’est en 2012 que cette association voit le jour officiellement, mais c’est en 2006 que ce projet a été créé par la Fondation Espoir et Développement, département CSR du groupe Beachcomber. Malgré de nombreux obstacles à franchir et un avenir très incertain, la FED tente l’aventure. La première étape est la formation, puis le développement des produits, la commercialisation et ensuite le suivi de la production.

Ce projet CSR de Beachcomber est à but non lucratif car faire face à tous ces obstacles ne permet pas aux artisans dans un premier temps, de pouvoir générer du profit de leur activité même si ces artisans ont pour but ultime de devenir des entrepreneurs. C’est grâce au financement mensuel de Beachcomber, au fonds de l’Union européenne (DCP), ou encore au partenariat fait avec la Fondation Médine Horizons que LocalHands a pu se créer un label, avoir une large gamme de produits de qualité et se bâtir une réputation solide dans un secteur instable. Reste encore à ce que les artisans deviennent complètement autonomes. Mais comment s’y prendre quand on sait que légalement et législativement, être entrepreneur demande une certaine maîtrise administrative et que ces artisans ont du mal à gérer leur propre comptabilité sans encadrement ? Comment faire face à la compétition quand on sait que le marché est submergé par des produits importés et qu’il est impossible de rivaliser face à ces prix concurrentiels ? Comment fait-on en sachant qu’à Maurice, il y a très peu de matières premières exploitables et très peu d’expertise ? Comment fait-on pour assurer un salaire minimum à ces artisans mauriciens qui subissent la pression économique et l’inflation ?

La formule développée par Beachcomber semble porter ses fruits. 60 artisans ayant de l’expertise font maintenant partie de LocalHands, certains à temps plein et d’autres à mi-temps. En encadrant les artisans au niveau financier dès le départ, les différentes entités ont donné la possibilité et le temps aux artisans d’être formés, afin d’obtenir une qualité constante au niveau des produits tout en leur redonnant confiance.

Il a fallu une stratégie marketing et un concept moderne pour en arriver là. Définir la mission et la vision de LocalHands. Créer un label en mettant en avant les points forts de LocalHands, l’équité et le savoir-faire local. Cibler des marchés spécifiques, analyser la demande et développer des produits en conséquence. Faire le suivi des productions pour maintenir la qualité. Tout cela, afin de gagner la confiance des clients et créer des relations transactionnelles sur le long terme. Il a d’abord fallu pallier ce manque de confiance qui met un frein à l’épanouissement de l’artisanat local. Faire le suivi de la formation à la livraison est une formule qui marche, et c’est là le secret de ce projet.

Grouper les artisans a été une bonne initiative. Cela a permis à LocalHands d’avoir une large gamme de produits sous un seul label, ce qui simplifie les choses pour un client. Avoir des vendeuses responsables et dévouées a fortement contribué à redresser la réputation de cet artisanat. Sans oublier les point forts de LocalHands : ses produits de qualité et sa production fiable qui répondent aux attentes et aux standards hôteliers.

La compétition est intense dans ce secteur, spécialement face aux pays exportateurs : Madagascar pour ses tentes, Bali pour ses produits en coco, la Chine pour ses souvenirs ou la Thaïlande pour son textile, pour n’en citer que quelques-uns. Il n’existe encore aucune technique où les Mauriciens ont le monopole et l’exclusivité. Tous ces pays créent, produisent et vendent des produits valables et à un prix défiant toute concurrence. C’est là un de nos plus gros défis et une de nos plus grosses difficultés car cette situation est fortement défavorable aux artisans locaux qui manquent d’expertise, de savoir ancestral et de matières premières pour contribuer à l’authenticité que recherchent les touristes.

La crise économique européenne est venue consolider la démarche de LocalHands. Sans cette demande croissante au milieu de la crise, LocalHands n’aurait probablement pas pu survivre. Même si nous espérons toujours de meilleurs résultats et un meilleur chiffre d’affaires, afin que les artisans deviennent complètement autonomes, notre courbe de progression est restée positive depuis la commercialisation de nos créations. Il est vrai que la situation est difficile, que les défis ne manquent pas et que nous restons fébriles face à l’instabilité économique internationale, mais nous sommes confiants et avons de grandes espérances en ce qui concerne l’artisanat local.