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L’eau dans tous ses états: un effet du changement climatique ?

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L’eau dans tous ses états: un effet du changement climatique ? | business-magazine.mu

Les récentes précipitations de février 2016, jugées exceptionnelles par leur intensité, ont de nouveau rappelé la fragilité de Maurice face aux aléas climatiques. Cette fragilité, avant tout sociale et environnementale, entraîne également des pertes économiques non négligeables : en 2013, les dégâts, seulement pour ceux soumis à indemnisation auprès des assureurs, se sont chiffrés à plusieurs centaines de millions de roupies. C’est donc tout autant un impératif moral qu’économique qui incite les autorités à s’investir dans le traitement de ce risque, de manière préventive, mais aussi pour réparer les éventuels dégâts. Cependant, seule une approche intégrée, corrélant gestion de la ressource en eau, suivi climatique et prévention et gestion des inondations apparaît en phase avec une situation climatique durablement déréglée, à laquelle il faudra s’adapter.

Les principaux paramètres du climat à Maurice (température, précipitations, niveau de la mer, cyclones) ont fortement changé au cours du 20e siècle : les températures ont augmenté de 0,7°C à 1,2°C à Maurice depuis 1950. On observe en outre une diminution des précipitations d’environ 63 mm par décennie au cours du siècle passé, et un retard dans le début des pluies estivales entraînant un allongement de la saison sèche. Si la pluviométrie a diminué, la fréquence accrue des événements pluvieux de forte intensité, causant des crues soudaines et intenses, a, quant à elle, augmenté. S’agissant du niveau de la mer, la base de données marégraphiques indique qu’il a augmenté de 7,8 cm à Port-Louis entre 1950 et 2001. Il est attendu une élévation d’au moins 30 cm d’ici à la fin du siècle. Enfin, bien que le nombre de cyclones affectant Maurice n’ait pas augmenté au cours des 30 dernières années, le nombre de cyclones classés en catégorie «intense» a crû. Cette tendance est confirmée par les modèles de projection.

Ces évolutions climatiques ont des répercussions visibles sur le territoire mauricien. L’augmentation des températures et la réduction des moyennes annuelles de précipitations impliquent une tension croissante sur la ressource en eau, alors même que le stress hydrique est déjà récurrent sur l’île. Par ailleurs, l’augmentation des épisodes de fortes pluies exacerbent les risques d’inondations pluviales, qui touchent les zones aussi bien urbaines que rurales, les activités économiques (tourisme, infrastructures portuaires, industries, agriculture), et les infrastructures routières principales et secondaires de l’île. L’élévation du niveau de la mer augmente, et les risques de submersion accélèrent les phénomènes d’érosion. Globalement, les effets du changement climatique sur les risques d’inondation, de submersion, de glissement de terrain et de cyclones intenses appellent à renforcer les stratégies de prévention, de réduction et de traitement du risque de catastrophes de la République de Maurice, d’une part, et à prendre toutes les mesures adéquates pour améliorer la planification et l’aménagement du territoire, d’autre part.

Les solutions de gestion intégrée des inondations permettent de traiter durablement, exhaustivement, et à plus faible coût les problèmes d’inondation des territoires. Elles consistent à aborder le problème inondation dans cinq dimensions : premièrement, il convient de mieux connaître l’aléa et la vulnérabilité. Le nombre de stations météo sur le territoire est donc crucial pour comprendre les enjeux propres à chaque bassin versant et les zones soumises aux microclimats. Une gestion fine des zones à risques ne peut également se faire qu’à partir de cartographies précises.

Deuxièmement, une réglementation adaptée de l’aménagement et une prise en compte systématique du risque d’inondation dans la délivrance des permis de construire est nécessaire à cette gestion intégrée.

Troisièmement, la philosophie de protection qui doit être priorisée vise à améliorer l’infiltration des eaux de pluie à l’amont des bassins versants afin de diminuer le ruissellement vers la mer. À cet égard, plusieurs solutions sont envisageables: la conservation et la restauration des écosystèmes, l’aménagement de rivières, l’aménagement de zones d’expansion de crues, la construction de retenues d’eau et la promotion de pratiques agro-écologiques.

Quatrièmement, un système d’alerte efficace est indispensable. Enfin, des services de secours (police, pompiers, ambulanciers) bien équipés et bien formés restent indispensables pour secourir et protéger les biens, les personnes et l’environnement.

Les autorités mauriciennes ont commencé à travailler sur ces concepts, réunissant méthodiquement les outils (outils de surveillance météorologique, système d’information géographique, équipements d’intervention), réalisant certains investissements de protection nécessaires, ou mettant en œuvre les réglementations adéquates. Mais une approche systématique et intégrée permettra, in fine, de réduire les coûts socio-économiques et environnementaux de ces épisodes pluviométriques subits.

L’Accord de Paris pour le Climat de décembre dernier a confirmé la mise à disposition de financements importants pour appuyer les pays du Sud dans le financement de leurs plans d’adaptation au changement climatique. À terme, 100 milliards de dollars viendront alimenter le Fonds Vert à l’horizon 2020. Le Fonds Vert est déjà opérationnel grâce à des financements significatifs collectés. Plusieurs organisations internationales, comme l’AFD, y ont été accréditées pour présenter des projets ou programmes d’adaptation ou d’atténuation au changement climatique. Il peut y avoir ici une opportunité pour Maurice de trouver les moyens de mettre en œuvre son Intended Nationally Determined Contribution (INDC), la contribution nationale qui fixe les priorités du gouvernement mauricien dans sa lutte contre les dérèglements climatiques.