Type to search

Parole d'experts Rencontre

Les défis à relever pour l’économie mauricienne

Share
Les défis à relever pour  l’économie mauricienne | business-magazine.mu

Avant d’évoquer les défis, il est utile de revenir brièvement sur la trajectoire passée car elle illustre les succès de l’économie mauricienne et son extraordinaire capacité d’adaptation.

Avec un PIB par habitant proche de 10 000 USD, Maurice est classé par la Banque mondiale dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. Privé de ressources naturelles, Maurice a d’abord assuré son essor économique grâce au système de préférences européennes pour le sucre et le textile, industrie dont l’expansion a été favorisée par le concept de zone franche. Avec la fin des accords multifibres (2005) et du protocole sucre (2007), Maurice a dû adapter son mode d’insertion dans les échanges internationaux.

Le pays s’est alors orienté vers une économie plus ouverte, plus compétitive et plus diversifiée, au prix de grandes réformes en matière fiscale, douanière et d’environnement des affaires. L’ouverture de l’économie aux investisseurs étrangers et le développement de nouveaux piliers de croissance – tourisme, services financiers, offshore, transformation des produits de la mer, Tic, externalisation de services – ont enclenché un processus d’émergence solide, reconnu par les institutions financières internationales.

L’économie mauricienne a fait preuve d’une bonne résilience depuis le début de la crise internationale en 2008, mais le poids de ses échanges avec l’Europe a pesé sur la croissance, inférieure à 3,5 % depuis 2014. Dans un contexte de baisse de compétitivité des produits Made in Mauritius et d’un taux de chômage qui montre une inadéquation entre les besoins des entreprises et les qualifications, il semble y avoir un consensus entre les pouvoirs publics et le secteur privé pour promouvoir une diversification des marchés et des secteurs d’activité, sans pour autant relâcher les liens avec l’Europe ni abandonner les points forts traditionnels de l’économie.

Au fond, il semble impératif que l’économie mauricienne poursuive et accélère son internationalisation à travers plusieurs voies.

D’abord, il faut continuer à rechercher des relais de croissance externe, notamment en Afrique. Plus d’une centaine de grandes et moyennes entreprises mauriciennes disposent de filiales, principalement en Afrique australe et orientale, en s’appuyant sur leur savoir-faire dans des domaines variés (finances, Tic, sucre, agroalimentaire, textile, santé…) et sur le réseau des accords de non-double imposition et de protection réciproque des investissements. Les opportunités sont considérables, même si les marchés africains demeurent risqués, ce qui doit aussi inciter les entreprises mauriciennes à s’associer à d’autres partenaires. Des exemples réussis de joint-ventures ou d’opérations en capital avec des entreprises françaises, qui ont une bonne connaissance de certains marchés, en témoignent.

Il faut également mettre à niveau les infrastructures afin de renforcer l’attractivité et la compétitivité du pays, et contribuer à court terme à la croissance. Plusieurs projets dans les domaines des transports routiers, de l’eau, de l’énergie, d’internet ou des déchets sont en cours de définition et de mise en œuvre. Les contraintes d’endettement et de déficit public n’offrent pas une marge de manœuvre illimitée, mais Maurice a la chance de s’endetter dans des conditions de taux et de durée très favorables grâce à la présence de bailleurs internationaux ou bilatéraux comme l’AFD. Alternativement, Maurice pourrait aussi expérimenter la délégation de la gestion de certains réseaux ou infrastructures, à l’exemple des IPP dans l’énergie.

Quelles que soient les modalités de gestion, Maurice peut compter sur une assistance technique ambitieuse pour ces projets.

Autre axe d’intervention : relancer l’investissement privé, dont le niveau actuel autour de 18 % du PIB est insuffisant pour atteindre les objectifs de croissance. Le Budget 2015-2016 et le plan «Maurice 2030» ont été l’occasion de définir les grands axes de développement du pays. Le lancement des Smart cities, l’utilisation des ressources de la mer (aquaculture, unités de dessalement, systèmes de refroidissement par eau profonde), la mise en œuvre d’une plate-forme régionale portuaire (stockage pétrolier, accueil de gros conteneurs, port franc) ou
aérienne (terminal cargo, mise en valeur de la zone de l’aéroport), le développement des énergies renouvelables, sont quelques-uns des projets régulièrement mentionnés.

Pour atteindre cet objectif, l’ouverture à des investisseurs étrangers en complément de l’investissement local est indispensable. Maurice bénéficie certes d’un niveau non négligeable d’investissements directs étrangers (IDE), dont la France est au premier rang (87 sur 350 M€ en 2014), mais la destination de ces fonds est principalement l’immobilier résidentiel et des transferts financiers, limitant l’impact pérenne de ces capitaux pour l’économie mauricienne. Il faut donc attirer des compétences et des investissements productifs de niche et à forte valeur ajoutée dans les services et l’industrie manufacturière, comme ce fut le cas pour créer la filière Tic.

Il faut aussi miser sur l’innovation et la recherche pour créer les activités de demain : Maurice n’aura jamais une capacité identique à celle des grands pays, mais en augmentant le nombre de doctorants et post-doctorants, en créant quelques laboratoires ciblés et de haut niveau, le pays a la possibilité de se positionner sur la carte de la recherche mondiale et de bénéficier ainsi de ses retombées. L’implantation d’écoles et d’universités étrangères d’excellence – comme le prévoit le projet de campus international de Medine – ne peut que contribuer à cet objectif. Il faut parallèlement accompagner les besoins des filières et des entreprises par une évolution du système d’éducation, notamment de l’enseignement technique.

Finalement, il faut faire le pari de l’économie verte car Maurice est vulnérable au changement climatique et devra faire face à de multiples enjeux d’adaptation de son économie. Le succès auprès du secteur privé du programme national d’efficacité énergétique (PNEE), qui associe des audits et les lignes de crédit vertes (SUNREF) de l’AFD, montre que beaucoup d’entreprises se sont saisies de cet enjeu, qui offre un retour sur investissement rapide et joue la carte du développement durable auquel les consommateurs seront de plus en plus sensibles. Plusieurs secteurs sont concernés, comme l’agriculture, l’énergie et les transports pour ne citer que les plus importants. Mais plus largement, il y a un pari d’image et d’exemplarité pour Maurice, où l’industrie touristique demeure un pilier de l’économie et a encore de beaux jours devant elle.