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Professionnaliser la filière fruits et légumes

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Professionnaliser la filière fruits et légumes | business-magazine.mu

La filière fruits et légumes à Maurice a pendant de longues années été considérée comme un secteur primaire où agissaient une multitude d’acteurs de petite taille allant du petit planteur au marchand en passant par l’encanteur. Quelques-uns de ces marchands ont vu croître leur activité avec le développement du marché hôtelier et de la grande distribution pour devenir d’importants grossistes / importateurs avec une structure qui est demeurée familiale. Les propriétés sucrières ont aussi joué et jouent encore un rôle important au niveau de la production avec bien souvent d’importants problèmes de rentabilité liés aux coûts de production et à l’accès aux marchés.

Dans cette nébuleuse comprenant plus de 10 000 agriculteurs, une soixantaine d’encanteurs, de nombreux petits marchands ainsi que quelques grossistes organisés, le prix est le critère majeur de vente. Celui-ci est un élément volatil qui peut fluctuer de façon importante d’un jour à l’autre en fonction de l’offre et de la demande, mais aussi de facteurs climatiques, saisonniers et qualitatifs. Il n’y a aujourd’hui aucune coordination entre agriculteurs pour stabiliser les prix de vente. Une solution serait la mise en place de réelles coopératives agricoles, comme on en trouve à La Réunion, qui élaboreraient la planification des cultures. Cela permettrait de mieux adapter l’offre à la demande et donc de maintenir un prix plus stable. Malheureusement, il semblerait que le monde agricole ne soit pas prêt à la collaboration. Aujourd’hui, les agriculteurs mettent le plus souvent leurs récoltes aux mains des encanteurs, qui les vendront au mieux offrant par des transactions informelles et plutôt opaques, avec tous les travers que cela peut comporter.

Au-delà du prix, ce qui pose problème, c’est aussi la question de la qualité et de la traçabilité. En effet, le maraîchage à Maurice se pratique le plus souvent sur de petites surfaces par du personnel peu ou pas qualifié, ces derniers cultivant l’art de l’à-peu-près. Il est un fait que le manque de formation au niveau de l’agriculture pénalise fortement ce secteur.

Au-delà de la formation, l’absence de traçabilité permet un laisser-aller intolérable. L’agriculteur est dédouané de toute responsabilité du fait de l’impossibilité de retracer l’origine de la marchandise. Pour un produit de consommation aussi sensible, il est primordial  de rendre obligatoire la traçabilité de tout produit issu de l’agriculture. Cette notion de traçabilité deviendra dans les années à venir une condition sine qua non au développement de l’agriculture, et certaines entreprises l’ont déjà compris.

Parallèlement, nous avons observé ces dernières années un changement dans les habitudes de consommation ainsi que dans la demande. Avec un accès facilité à l’information et le relais par les médias d’une information anxiogène, le consommateur  veut désormais savoir ce qu’il y a dans son assiette et être rassuré sur ce qu’il mange. L’agriculture de demain devra, de gré ou de force, s’adapter à cette nouvelle donne, ce qui ne peut être que positif pour la filière. Certaines entreprises ont pris les devants, à l’exemple de Proxifresh qui a pris volontairement l’engagement de faire tester la teneur en pesticides des produits de la marque VegMe par le laboratoire indépendant Quantilab.

L’agriculture maraîchère à Maurice a trop longtemps été considérée comme le parent pauvre de son économie. Il est temps de revaloriser ce secteur afin d’y attirer les jeunes et de créer de l’emploi. Pour ce faire, il est impératif d’officialiser le métier d’agriculteur. Ne peut pas être agriculteur qui veut. L’obtention d’une carte de «planteur» doit obligatoirement passer par une formation diplômante. De plus, les pratiques doivent être professionnalisées et  reconnues par des normes et standards internationaux. La traçabilité doit devenir une obligation afin de responsabiliser toute la filière. La mécanisation doit également alléger autant que possible le dur labeur de l’agriculteur. Et enfin, la qualité doit être reconnue à sa juste valeur. Ce n’est que de cette manière que nous arriverons à faire de l’agriculture de demain une agriculture d’avenir. Comme a dit Maurice Béjart, «L’agriculture, c’est la base de la culture».