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Quel avenir pour le secteur agricole ?

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Quel avenir pour le secteur agricole ? | business-magazine.mu

Alors que nous nous préparons à soumettre nos propositions et requêtes dans le cadre des consultations pour la Vision 2030, nous nous devons de nous demander quel est l’avenir du secteur agricole, quels sont les enjeux pour son développement serein et comment ce secteur trouvera sa place au sein d’une économie mauricienne en pleine innovation / mutation.

Concernant le secteur sucre, il a largement évolué depuis le démantèlement du Protocole Sucre en 2009. Avant cette époque, nous avions la possibilité d’exporter presque la totalité de notre production sucrière en Europe à un prix garanti. Nous opérions dans une zone de confort. Par contre, nous évoluons aujourd’hui dans un marché hautement compétitif et opérons sans filet de protection. Nous avons dû nous adapter au nouveau contexte économique et nous engager dans une réforme profonde afin d’assurer la survie du secteur. C’est dans ce contexte qu’il y a eu la centralisation des activités usinières, la mise en place des VRS, la construction de deux raffineries et une meilleure utilisation des sous-produits : la bagasse pour la production d’électricité et la mélasse pour l’éthanol. En bref, nous avons transformé le secteur en une industrie cannière avec des investissements massifs.

Aujourd’hui, ce secteur se trouve à une autre croisée des chemins. L’annonce, en 2014, de l’abolition des quotas de production des betteraviers en Europe pour septembre 2017 a eu un effet inattendu sur le prix de cette commodité en Europe, la principale destination de vente de nos sucres. En l’espace de quelques mois, le prix de vente a chuté de 30 % à 40 %, avec pour conséquence directe une baisse du prix du sucre payable aux producteurs locaux.

Devons-nous trouver de nouveaux marchés pour être plus diversifiés dans notre circuit de distribution? Que pouvons-nous faire pour valoriser au mieux les sous-produits de la canne et optimiser les investissements importants déjà entrepris ? Nous pourrions envisager d’optimiser nos structures de raffineries locales avec du sucre importé. La recherche locale est en quête d’un nouveau souffle. Comment optimiser cette recherche pour qu’elle réponde au mieux aux besoins de notre industrie ? La recherche dans les mains des producteurs, pour les producteurs serait une solution possible pour répondre à ce besoin de proximité. Les producteurs petits, moyens et grands ont tous des soucis de productivité, chacun à son échelle. La main-d’œuvre devient de plus en plus difficile à trouver, encore plus en période de coupe. Les coûts de production augmentent tous les ans : intrants, coupe, chargement, transport.

Par ailleurs, au cours de ces différentes étapes d’adaptation de notre secteur, nous avons développé un savoir-faire et des technologies de production qui peuvent être exportées vers d’autres pays. Avec la politique affichée du gouvernement de promouvoir les investissements mauriciens en Afrique, nous avons un potentiel évident d’ouverture vers ce continent.

Quant au secteur non-sucre, il est très vaste, très diversifié et souvent informel. La taille des exploitations est très variable, les méthodes de production différentes d’un exploitant à un autre. Les exploitations sont elles-mêmes très disparates : de la production de légume en arrière-cour ou en industriel, de l’élevage traditionnel ou en feedlots. La population des agriculteurs est vieillissante et les jeunes se désintéressent du modèle agricole actuel. Le secteur non-sucre doit impérativement se remettre en question. Comment réconcilier la production agricole locale pour limiter les importations et le développement économique du pays ? Que faire pour valoriser la production existante ? Que faire pour limiter l’abandon des terres agricoles ? Que faire pour ramener les jeunes vers la chose agricole ? Comment revaloriser l’agriculture ?

Pour illustrer notre propos, nous souhaiterions élaborer sur le programme Smart Agriculture présenté par la Chambre d’Agriculture. Ce programme fait la promotion d’une utilisation judicieuse de produits phytosanitaires dans la production de légumes à Maurice. Nous souhaitons ainsi, à travers ce projet, répondre aux attentes des consommateurs pour des produits plus sains et aux attentes économiques des producteurs.

La réussite de ce projet passe par une collaboration avec les autorités. Il sera nécessaire de mettre en place des programmes de formation des planteurs pour répondre à leur soif de connaissances nouvelles, de sensibilisation des consommateurs. La législation devra être revue pour un meilleur encadrement de l’utilisation des produits chimiques. Des programmes de certification devront être élaborés en concertation avec tous les acteurs de la filière pour s’assurer de l’appropriation des procédés de production en vue de rassurer le consommateur final de la robustesse du programme.

Avec une revalorisation du métier d’agriculteur par son enregistrement, une identité propre et sa professionnalisation, par la valorisation de sa production à travers des normes de certification en réponse aux attentes de consommateurs, avec la mise en place de circuits de distribution limitant les pertes des produits, les terres seront replantées. Et les jeunes reviendront lentement vers la terre.