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Dawood Rawat: son enfance, son ascension et ses déboires

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Dawood Rawat: son enfance

Il a grandi à Port-Louis, a connu un brillant parcours  scolaire avant de connaître une ascension fulgurante dans les affaires. Sans fortune personnelle, le multimilliardaire Dawood Rawat, ami intime de Navin Ramgoolam, qu’on décrit tantôt comme un «génial entrepreneur», tantôt comme un «intellectuel» a bâti un empire qui menace aujourd’hui de s’écrouler tel un château de cartes.

Quand on essaie de retracer le parcours de Dawood Rawat, tôt ou tard, on se retrouve irrémédiablement dans une impasse. Il y a toujours des cases manquantes au puzzle. Homme public, il continue pourtant à entretenir le mystère sur sa personne. Et pour cause, le grand patron de British American Investment, la septième plus grosse entreprise à Maurice avec un chiffre d’affaires tutoyant les Rs 10 milliards, est un homme discret, un tantinet timide, diront ses intimes, qui fuit les feux des projecteurs.

C’est dans l’arrondissement No 4 à Port-Louis, connu jadis comme le quartier des notables, que Dawood Ajum Rawat (né en 1943) a grandi. De style colonial, la maison familiale se trouvait en face de la station-service Shell à la rue Labourdonnais. Les Rawat appartiennent à la bourgeoisie musulmane – les surtis – et constituent une fratrie nombreuse : six garçons et quatre filles. Dawood Rawat est particulièrement proche de son jeune frère Omar. Celui-ci deviendra son comptable attitré jusqu’à sa mort il y a deux ans. Un décès qui, selon ses proches, l’a particulièrement affecté.

Passion pour le cinéma

Ajum Rawat, le chef de famille, est dans les affaires. Il est le gérant du Luna Park. Un homme envers qui le jeune Dawood nourrira une certaine crainte et un profond respect et avec lequel il partagera la même passion pour le cinéma.

Mais son modèle, comme le confie Reza Issack, un proche de Dawood Rawat, sera Goolam Mahomed Dawjee Atchia, son grand-père maternel, l’un des fondateurs d’Advance et ancien trésorier de ce journal. «Dawood Rawat vouait une admiration sans bornes à GMD Atchia. Il parle souvent de son grand-père. Dansces moments, il devient nostalgique. Le passé est toujours vivant en lui. Il a d’ailleurs acheté la maison de son grand-père à la rue Labourdonnais pour préserver le patrimoine familial», confie Reza Issack.

Le journaliste Gérard Cateaux est également un intime de Dawood Rawat. Ils ont grandi dans le même quartier. Enfant, le jeune Dawood prenait des leçons particulières avec la mère de Gérard Cateaux qui était institutrice.«Ma mère était enseignante. Elle donnait des leçons de français aux enfants Rawat. Il était d’usage à l’ la bourgeoisie musulmane qu’on donne la meilleure éducation aux enfants. J’ai connu Dawood Rawat très humain. Une qualité qu’il a héritée de son grand-père GMD Atchia qui avait une grande ouverture d’esprit. À ce propos, je sais aussi qu’il est d’ascendance écossaise. Ce qui l’a sans doute européanisé», relate Gérard Cateaux.

Classés juste après les lauréats de la petite bourse

Dawood Rawat fréquente l’école primaire Champ Delort. Avec Gérard Cateaux, ils auront le même instituteur, M. Umanee, qui est toujours en vie. Classés juste après les lauréats de la petite bourse, les deux amis chemineront ensemble au prestigieux collège Royal de Port- Louis. «Je faisais le classique et Dawood avait opté pour le moderne. On se voyait sur le terrain de foot.On a joué dans l’équipe du collège sous la férule de Franck Hawkins», se souvient Gérard Cateaux.

Après le collège, Dawood Rawat prend de l’emploi à la British American Insurance, quelques mois seulement après l’implantation à Maurice de la multinationale crééedans les Bahamas en 1920. Nous sommes en 1970. Dawood Rawatest simple agent d’assurance. Circulant à moto, il fait du porte-à-porte. Affable etayant le verbe facile, il est bien accueilli par les clients qu’il approche. Très vite, ses chiffres de vente le font remarquer en haut lieu. Son ascension au sein de la British American Insurance, qui est au fait une filiale de la branche kenyane du groupe, est rapide. Si bien qu’il tape dans l’œil du Chairman du groupe à Raleigh aux États-Unis quand celui-ci vient à Maurice en 1978. Il invitera Dawood Rawat à le suivre au quartier général de la British American Insurance aux States. Mais ce n’est qu’en 1984, qu’il acceptera un contrat de trois ans et fait le grand saut aux États-Unis avec sa famille. Chaque année, il est promu à de nouvelles positions hiérarchiques. Au bout de quatre ans, ilest déjà numéro deux mondial au sein du groupe. Avant d’en devenir le président deux ans plus tard. Deux années passèrent encore et Dawood Rawat rachète la British American Insurance de la famille américaine qui en avait les intérêts au prix symbolique de 1 dollar.

À cheval sur les principes

Dawood Rawat est actif sur tous les fronts. Gérard Cateaux se souvient d’avoir été contacté en 1978 par Dawood Rawat pour devenir membre du Mauritius Round Table, un club service dont la mission est de venir en aide aux démunis. 1981: il devient président de la Mauritius Employers Federation.

Entre-temps, Dawood Rawat consolide sa société. Il attend de ses employés qu’ils fassent preuve de rigueur et de discipline. Mais l’homme est loin d’être un patron qui refuse les critiques. «Il est à cheval sur les principes. Il est d’une douce autorité, toujours ferme dans ses opinions. C’est un homme très cultivé, raffiné, un perfectionniste. Il aime la qualité et ne court après l’argent», selon Reza Issack.

Ses affaires ne l’empêchent pas de veiller de près à l’éducation de ses trois filles: Kerima, Laina et Adeela. De même, il est très attaché à sa femme Ayesha, née Motala. «Son épouse et ses trois filles sont la prunelle de ses yeux», résume Reza Issack. KLAD Investment, la société qui détient Seaton Investment, la holding gérant BA Investment, est du reste l’acronyme de Kerima, Laina, Adeela et Dawood.

Proche de son neveu, Saleem Beebeejaun

N’ayant pas de fils, Dawood Rawat se sent particulièrement proche de Saleem Beebeejaun, son neveu. C’est lui qu’il destinera d’ailleurs à sa succession. Un lien renforcé du fait qu’il avait soutenu sa sœur quand celle-ci allait se marier avec Rashid Beebeejaun. «Dawood estimait Saleem Beebeejaun comme un fils. C’est lui qui a payé ses études quand il était à l’Université de Montpellier», raconte Gérard Cateaux. Toutefois, il y a deux ans, suite à un différend avec son oncle, Saleem Beebeejaun, quittera la British American Investment, dont il était devenu le CEO et Chairman, pour cheminer de son côté.

C’est sous le régime de Ramgoolam (2005-2014) que BA Investment va connaître un développement accéléré. S’il est connu que Dawood Rawat et Navin Ramgoolam sont proches, on ne sait toutefois pas à quand remonte leur amitié. Une chose est presque sûre : ils ne sont pas des amis d’enfance n’ayant pas grandi dans le même quartier. Gérard Cateaux a sa petite théorie sur la question : «Ils doivent s’être connus à Londres. Souvenez-vous que Dawood Rawat n’était pas dans le think-tank de Navin Ramgoolam quand ce dernier est retourné au pays en 1986. Ils n’étaient donc à l’époque pas si proches

Revenons à l’ascension de BA Investment sous l’ère Ramgoolam. Le groupe se transformera en un puissant conglomérat avec l’acquisition de Courts et d’Iframac. En 2008, c’est la création de la Bramer Bank suite à l’acquisition de la South East Asian Bank. Et en 2009, c’est l’ouverture d’Apollo Bramwell.

Un 'diversificateur'

À l’international, sous l’impulsion de Dawood Rawat que Reza Issack décrit comme un «diversificateur», BA Investment étend ses opérations en Afrique du Sud, à Madagascar, au Kenya, au Royaume-Uni, à Malte et en France. Une exposition internationale qui vaudra à Dawood Rawat, le bourlingueur, de se voir décerner la Légion d’honneur par le gouvernement français.

La fin de règne de Navin Ramgoolam pourrait entraîner dans son sillage la chute de Dawood Rawat et de son empire qui pèserait plus de Rs 37 milliards. Accusé de détournement de fonds, l’homme d’affaires est au plus mal, confient ses proches. Il est tenté de jeter l’éponge. Pour Reza Issack, toute cette affaire ne fait pas justice à Dawood Rawat. Et de conclure : «En 45 ans, la BAI n’a jamais manqué à ses engagements. Les clients ont  toujours été payés. Dawood Rawat n’est ni un arnaqueur, ni un détrousseur.»