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Delphine Bouic, un engagement social mû par le respect de l’autre

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Delphine Bouic

La directrice de la Fondation Ciel Nouveau Regard, figure incontournable du paysage de la responsabilité sociale des entreprises à Maurice, se livre en toute simplicité sur le secteur où elle évolue depuis douze ans et les gens qu’elle y côtoie.

De prime abord, l’air sérieux qu’elle affiche pourrait induire en erreur ceux qui ne la connaissent pas. Néanmoins, dès que retentit le rire spontané de Delphine Bouic, il balaye instantanément toute impression de froideur. Quand il s’agit de parler d’elle, la directrice de la Fondation Ciel Nouveau Regard fait malgré tout preuve d’une certaine réserve. «Je veux bien parler de moi dans mon travail mais pas de moi», nous dit-elle.

Lorsque Delphine Bouic commence à s’exprimer sur la sphère socioprofessionnelle où elle évolue et les gens qu’elle y côtoie, elle laisse transparaître sa sincérité, sa modestie : «Je ne sais pas si j’ai la fibre sociale, je ne suis pas une grande engagée et je n’ai pas cette capacité de compassion et d’empathie. Mais j’aime ce que je fais. Je fais continuellement de grandes rencontres avec les gens qui travaillent dans ce milieu. Ce sont des personnes de qualité qui travaillent toutes dans des conditions difficiles et qui sont très mal payées. Elles le font parce qu’elles aiment les humains. Il y a de leur part un engagement qui va au-delà d’un simple travail et ces personnes me touchent profondément

La Fondation Ciel Nouveau Regard a été lancée le 30 novembre 2004. Delphine Bouic était là dès le départ et a participé à sa mise sur pied. Aujourd’hui, elle gère des projets et travaille avec les organisations non gouvernementales (ONG), les aidant à mener une action efficace auprès des bénéficiaires. Elle s’investit toutefois davantage dans quelques projets.

Delphine Bouic, 46 ans, a grandi à Vacoas et a fréquenté le Lycée La Bourdonnais. Après un bac commercial, elle opte pour un brevet de technicien supérieur (BTS) en France et un diplôme en marketing et communication en Angleterre. De retour à Maurice, elle prend de l’emploi à Tropic Knits, au département marketing. Elle passera une dizaine d’années dans le textile, au sein de différentes entreprises. «J’étais jeune et c’étaient des expériences très enrichissantes ; le textile est une excellente école où j’ai forgé mes armes», confesse-t-elle.

En parallèle, Delphine Bouic avait commencé à faire du bénévolat et bientôt, l’envie de donner une autre direction à son parcours professionnel et à sa vie la titille. Vers la fin des années ’90, elle s’octroie une pause et s’engage pendant six mois à Manille, aux Philippines, en tant que volontaire auprès de la Fondation Virlanie, une ONG se consacrant aux enfants des rues. La Mauricienne vit là-bas une riche expérience humaine dans des conditions extrêmes et fera de belles rencontres parmi les bénévoles du monde entier réunis autour d’une même cause.

En rentrant au pays, Delphine Bouic cherche en vain un travail proche de ce qu’elle a accompli aux Philippines. Son désir de faire carrière dans le social ne s’estompe pas pour autant. Aussi, dès qu’elle entend parler de la fondation que le groupe Ciel veut créer, elle se met en contact avec celui-ci, qui l’engage. À l’époque, rappelle-t-elle, il n’y avait qu’une autre structure du même genre à Maurice : la Fondation Espoir et Développement de Beachcomber.

«En intégrant ce milieu je ne savais rien, mais j’avais des idées et une envie ardente d’aider la société», avoue Delphine Bouic. Au début, elle est très active sur le terrain. Avec humilité et patience, elle apprend de ceux qui partagent généreusement leur connaissance du secteur avec elle. «Aujourd’hui, la force de la Fondation Ciel Nouveau Regard vient du fait que nous répondons aux besoins de la société. Nous n’imposons pas notre politique. Au contraire : les associations sont des partenaires pour moi et non simplement des gens que nous finançons», souligne Delphine Bouic pour qui le respect de l’autre, de ses contraintes et de ses difficultés, est primordial. «Ce n’est pas facile d’aborder des problèmes d’envergure liés à la pauvreté, et les projets que nous soutenons ont des résultats positifs. C’est un milieu où les gens échangent, partagent et s’enrichissent mutuellement.»

Durant les douze années qu’elle a passées à la Fondation Ciel Nouveau Regard, Delphine Bouic a été partie prenante d’un nombre impressionnant de projets dont certains l’ont profondément marquée. Elle cite, à titre d’exemple, le projet concernant les écoles de zones d’éducation prioritaires (ZEP) qui a été un succès. Puis, celui de la mise sur pied de l’ONG SAFIRE (Service d’accompagnement, de formation, d’insertion et de réhabilitation de l’enfant) dont l’action est centrée sur les enfants en situation de rue. Alors que l’État avait abandonné ce projet, les travailleurs sociaux ne voulaient pas, eux, laisser tomber les enfants. Ils se sont tournés vers la Fondation Ciel Nouveau Regard et avec l’appui de celle-ci, l’association a vu le jour.

Deux autres projets font la fierté de Delphine Bouic : celui de l’École des Sourds à Beau-Bassin et celui de Lakaz Lespwar, à Solitude. En 2009, la présidente de l’École des Sourds fait appel à l’aide de la fondation pour que les élèves puissent poursuivre leur scolarité au-delà du cycle primaire. Delphine Bouic prend ce projet en main et en 2010, le premier collège pour enfants malentendants voit le jour à Maurice. «L’école a commencé avec 23 élèves dans deux salles de classe et aujourd’hui, elle compte 39 élèves dans sept salles de classe. Le but était que ces enfants malentendants puissent trouver un travail et par la suite, être indépendants. L’établissement a un taux de réussite de 78 %», précise-t-elle. Quant à Lakaz Lespwar, il s’agit, précise Delphine Bouic, d’un projet de développement communautaire unique à Maurice qui illustre parfaitement le partenariat entre la fondation et les associations.

Delphine Bouic a été aux premières loges pour voir les changements qui se sont opérés au niveau de la responsabilité sociale des entreprises sur le plan local. Si ce concept progresse bien à Maurice, estime-t-elle, le bénévolat a toutefois des limites, ajoute Delphine Bouic. «Nous ne pouvons construire un travail dans le temps que sur du bénévolat. Chacun a un rôle précis à jouer. Pour moi, la pauvreté n’est pas juste une définition, ce sont des personnes, des citoyens mauriciens. Et la pauvreté demeure quand même la responsabilité de l’État. Il est important qu’une dynamique tripartie reste en jeu», insiste la directrice de la fondation, sans concessions.

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