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Dominique Gautier – Le diplomate photographe

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Dominique Gautier - Le diplomate photographe | business-magazine.mu

43 ans de carrière comme diplomate ne s’écrit pas en un chapitre. Au gré de ses affectations dans six pays de deux continents, Dominique Gautier a assumé au regard de sa polyvalence une multitude de fonctions. Consul, Premier conseiller, tout autant que les postes de conseiller politique, économique, et même culturel. Alors que le diplomate français clôt en ce mois de septembre 2019 cette riche carrière en tant que Premier Conseiller de l’ambassade de France à Maurice, il a organisé comme fête d’adieu une exposition d’art sur ‘Les Peuples de la Vallée de l’Omo’ au Musée de la Photographie.

Regroupant 140 portraits, l’exposition sur ‘Les Peuples de la Vallée de l’Omo’ relate en noir et blanc l’insolite. «Un peuple qui a un culte extraordinaire à la beauté, à l’art corporel, et la mise en beauté de soimême», dit encore aujourd’hui, quoiqu’une décennie plus tard, Dominique Gautier. Rencontrées en 2006 et 2007 lors de deux expéditions dans le sud de l’Éthiopie, deux ethnies des douze qui peuplent la Vallée de l’Omo font l’objet de son exposition photographique. «Un travail d’amateur», à visée personnelle, nous précise le diplomate, réalisé de 2004 à 2008 durant son affectation comme conseiller politique à AddisAbeba, la capitale éthiopienne. Un travail qui nourrit son besoin de photographe amateur d’aller à la rencontre de l’humain dans son quotidien. Surtout dans toute la spontanéité d’une rencontre entre le photographe et ses modèles. Une approche à la photographie développée dans les années 2000.

En effet, après trois années passées en Équateur, «pays qu’il a bien apprécié» bien que les Français résidents et de passage rencontrent des problèmes divers – notamment dans l’acquisition de propriétés foncières –, il décide de quitter le consulat de Quito, capitale équatorienne, en 1997 pour retourner en France. Tous nés à Nantes, ses enfants sont grands, et Dominique Gautier et son épouse décident d’y retourner dans l’optique de leur assurer une stabilité. C’est à l’adolescence que l’on se construit socialement, pense Dominique Gautier. L’idée du couple Gautier était de donner toutes les chances à ses trois enfants de trouver un terreau stable, après avoir bien bourlingué pour cet épanouissement.

INTÉGRER L’HUMAIN DANS LA PHOTOGRAPHIE

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C’est ainsi que Dominique Gautier retourne pour sept années dans sa ville d’adoption. Né à Angers, il a pourtant fait ses études supérieures à Nantes et démarré sa carrière en 1976 dans le service d’administration centrale du ministère des Affaires étrangères français, installé dans cette ville. Il y reste une dizaine d’années. Puis l’envie d’ailleurs se fait ressentir.

«J’avais cette attirance pour cette activité assez peu connue, qui voulait que l’on soit envoyé en mission à l’étranger pour une durée d’environ trois années afin d’y assumer plusieurs postes pour le compte du ministère des Affaires étrangères.» À Nantes, il retrouve le Photo-club nantais, club de photographes amateurs auquel il appartient depuis les années 80. De nouveau en contact avec cet univers, il se découvre un intérêt pour l’intégration de l’humain dans sa démarche photographique, lui qui jusqu’ici privilégiait les paysages.

«Il y a une possibilité que pratiquaient beaucoup de mes collègues du Photo-club nantais, qui était d’intégrer l’humain dans l’espace urbain. On avait un spécialiste de photos de gare, bien que c’était interdit de prendre des photos dans les gares – qui n’étaient pas considérées à 100 pour cent comme des espaces privés. La démarche d’intégrer l’humain dans l’espace urbain, où vous utilisez l’humain comme un marqueur d’espace, et où aucun lien avec son modèle n’était possible, ne me convenait pas vraiment. Ce qui m’intéressait dans cette période où je me cherchais un peu du point de vue générationnel était d’échanger avec l’autre. Je me surprenais alors que je me considérais à ce stade de ma vie un peu misanthrope à vouloir aller vers des gens et créer de nouvelles relations avec des modèles.» Fort de ce nouvel intérêt, Dominique Gautier se met à la photographie de portait et de studio.

C’est d’ailleurs la même impulsion qui l’habite, alors qu’il reprend ses valises en 2004 pour une mission de quatre ans dans la capitale éthiopienne. Le temps des vacances, la famille Gautier traverse la mer Rouge pour se rendre au Yémen. Sur place, comme dans la Vallée de l’Omo plus tard, il se découvre une fascination pour les gens ordinaires. «J’ai découvert au Yémen, puis dans la Vallée de l’Omo, qu’il y a un langage universel qui structure la relation photographe - modèle, et c’est beaucoup basé sur la séduction et l’image de soimême. C’est une vraie découverte dans des pays aussi étranges et étrangers pour moi. Je prends dans mon objectif les gens de passage, rencontrés sur place. Je les laisse se positionner, et poser.»

Assis à la terrasse de la maison de vacances à Flic-enFlac, où Dominique Gautier prend d’ailleurs ses dernières vacances en sa capacité de diplomate, le temps défile doucement. Du Bénin, en passant par l’Équateur, l’Éthiopie, le Nicaragua, la Macédoine, puis Maurice, Dominique Gautier nous fait un exposé de 150 minutes mêlant histoire, anthropologie et folklore. Le temps défile entre chaque topo émaillé d’anecdotes drôles, pittoresques, factuelles sur chacune de ses escales dans sa pérégrination de 43 ans. Il se dit volontiers bavard durant ce long échange et nous, nous lui rétorquons qu’en même temps, à chacun de ses récits, il nous fait, en fin conteur, voyager.

«J’ai eu beaucoup de chance. J’ai fait une belle carrière, extrêmement riche, connu six pays et parcouru deux continents ; mes enfants sont aujourd’hui bilingues, si ce n’est trilingue avec la langue espagnole. Toute cette expérience est assez vertigineuse», reconnaît notre interlocuteur.

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Cotonou, première mission (1986- 1989) de Dominique Gautier, sous l’ère de Kérékou, pour assurer les services administratifs, financiers et personnels. Coup de foudre pour ce pays d’Afrique, continent idéal, dit-il, pour élever les enfants au dehors.

Quito, deuxième mission de Dominique Gautier (1994 à 1997) en tant que consul. Pays que le diplomate apprécie bien que les Français résidents et de passage rencontrent divers problèmes, notamment d’ordre administratif. La drogue est un sujet très sensible sur place.

Addis-Abeba, troisième mission (2004-2008) de Dominique Gautier en sa capacité de conseiller politique. Peuple accueillant et convivial, et capitale «très intéressante» de par sa caractéristique multilatérale en tant que capitale de l’Union africaine.

Nicaragua, quatrième mission (2009-2012) en tant que Premier Conseiller. Pays sous-estimé avec une mauvaise image quelque peu exagérée, bien que la guerre révolutionnaire y fasse rage. Une forêt dense et peu accessible sépare sur 400 km les deux faces du pays : côté atlantique, une population côtière et anglophone principalement issue de l’esclavage, avec des descendants d’Afrique et d’Inde. Vers le versant pacifique du pays, une population hispanophone.

Macédoine, cinquième mission (2014-2017) de Dominique Gautier. Un beau pays, avec un peuple plus chaleureux que prévu, et plein de surprises au cours de cette affectation. «J’ai beaucoup travaillé sur place sur la guerre des conflits. On a eu l’idée avec le Mémorial de Caen de monter un musée pour les soldats tombés sur le front. La première percée sur le front allemand a eu lieu à Skopje, devenue depuis capitale de Macédoine, durant la Seconde Guerre mondiale»

Maurice, sixième mission (2017- 2019) de Dominique Gautier, en tant que Premier Conseiller. Marié à une Réunionnaise, il retrouve ses marques aisément à Maurice, «un rêve de jeunesse», pour y avoir séjourné à diverses reprises en tant que vacancier.

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