Type to search

Portrait Rencontre

Patricia Cheung : la formule gagnante d’une femme de tête

Share
Patricia Cheung : la formule gagnante d’une femme de tête | business-magazine.mu

L’ambition de Patricia Cheung, au sortir du collège, était de devenir ingénieur chimiste. En intégrant la direction de Ducray Lenoir, en 1990, un tout autre parcours s’offre à celle qui est aujourd’hui Managing Director de l’entreprise.

Patricia Cheung a été recrutée par Ducray Lenoir alors qu’elle n’avait que 25 ans. Auparavant, cette ancienne élève du Collège de Lorette de Quatre-Bornes, passionnée de chimie, avait déjà passé cinq ans à faire des tests et des analyses d’abord pour un laboratoire pharmaceutique et ensuite pour un autre, spécialisé en détergents. En 1990, elle découvre Ducray Lenoir grâce à son entourage : celui-ci l’informe que l’entreprise recrute. Elle pose sa candidature au poste de Marketing Officer. C’est le choc, raconte-t-elle, quand après l’interview, malgré son manque d’expérience, Dominique Galea, président de l’entreprise, lui annonce qu’il lui confie le poste de manager. Son profil plaît à «l’entrepreneur-visionnaire» maisla nouvelle, reconnaît Patricia Cheung, a eu l’effet «d’un mur s’écroulant» sur son dos.

D’un naturel dynamique et très discipliné, la jeune femme saisit néanmoins l’opportunité qui se présente et dès lors, consacrera toute son énergie à l’apprentissage des rouages du métier. Quoique inexpérimentée, elle mettra sur pied, peu après son arrivée, les départements de ventes et de services de Ducray Lenoir, posant ainsi les bases du succès à venir. D’une petite entreprise de cinq employés en 1990, cette dernière se transformera au fil des années en un «leader du marché des appareils médicaux, pouvant équiper aussi bien un laboratoire qu’un hôpital». Aujourd’hui, la compagnie a un effectif de 65 personnes et brasse un chiffre d’affaires de Rs 300 millions.

Tout n’était pourtant pas gagné au départ : les années ’90 n’ont pas été tendres envers les entreprises mauriciennes comme Ducray Lenoir, soutient la Managing Director. Mal connectée au monde, l’île souffrait d’un déficit d’informations techniques sur les nouvelles technologies. Il fallait donc systématiquement organiser des ateliers afin de convaincre les acheteurs issus de la communauté des médecins et des administrateurs d’hôpitaux et de cliniques. Les efforts de l’entreprise rapporteront graduellement leurs fruits, lui permettant de se constituer un portefeuille clientèle consistant.

Agent commercial de plusieurs grandes marques, Ducray Lenoir a su resserrer ses liens stratégiques avec les grands fournisseurs comme Phillips, Mettler, Getinge ou Olympus, poursuit Patricia Cheung. Parmi les contrats les plus importants décrochés par l’entreprise à Maurice, elle mentionne la mise en place de quatre laboratoires de haute technologie à Réduit et, en 2008, la fourniture de plus de 70 % des matériels médicaux d’Apollo Bramwell.  Plus récemment, Ducray Lenoir a été la première entreprise à l’échelle de l’Afrique à introduire l’InfraCana, le système automatisé d’analyse de la canne à sucre. Très fière du travail accompli par l’entreprise depuis qu’elle s’y est jointe il y a 27 ans, Patricia Cheung avance qu’après avoir fait ses preuves à Maurice, c’est en Afrique que l’avenir de Ducray Lenoir se jouera.

L’un des éléments clés de la réussite de l’entreprise est la formation, confie la MD. Elle précise que pas moins de Rs 1 million y sont investies chaque année. Patricia Cheung elle-même suit régulièrement des cours de management à l’étranger, à Singapour notamment. Plus encore, pour mener à bien le processus de transformation de Ducray Lenoir, notre interlocutrice explique qu’il lui a fallu faire usage de son flair et miser sur son goût du risque et de l’action. Invitée à décrire son style de leadership, les qualificatifs qui lui viennent à l’esprit immédiatement sont «franc» et «direct». En effet, dit-elle, «Je préfère les réunions aux longues heures au bureau à éplucher des documents. Mon goût pour l’action m’amène à prendre des décisions rapides et efficaces».

Lors des négociations, elle adopte en général une approche «gagnant-gagnant», celle de la «négociation raisonnée». Et des clients difficiles, elle en a eu. Afin d’éviter tout affrontement, elle se dit prête à accepter les coups, à rester à l’écoute avant de proposer des solutions. Opérant dans un milieu majoritairement masculin depuis ses débuts, elle a appris à retourner les situations à son avantage. «Les femmes ont ce petit quelque chose que les hommes n’ont pas. C’est cette capacité de sentir ce que recherche réellement l’autre et de le lui proposer».

Vivement intéressée par la chimie depuis ses années de collège, Patricia Cheung possède les qualités requises pour travailler dans le domaine de la recherche : la rigueur et la précision. Même si elle n’est pas allée à l’université, elle a démontré tout au long de son parcours que le succès professionnel ne dépend pas forcément de longues études. Les progrès économiques réalisés dans les années ’80 sont les fondements de l’île Maurice actuelle. Mais cette période de l’histoire, souligne la MD, est sombre sur le plan de l’égalité des genres. «On encourageait les filles à se tourner vers les langues et, au mieux, vers l’économie et la comptabilité». Pas question pour Patricia Cheung de suivre le mouvement ; elle ne voulait pas d’une vie de comptable qu’elle jugeait monotone.

Comme elle tenait à son rêve de devenir ingénieur chimiste, Patricia Cheung prendra de l’emploi dans un laboratoire pharmaceutique en 1985. Quand bien même elle y était entourée d’hommes, cela ne l’a pas empêchée d’être reconnue pour la qualité de son travail. À Ducray Lenoir, elle retrouvera la même configuration : les réunions sont composées d’hommes principalement. Les choses, admet-elle, se sont améliorées depuis, mais «il reste encore beaucoup à faire avant que les femmes ne soient réellement égales aux hommes au sein des entreprises mauriciennes».

Un autre challenge pour la MD a été d’arriver à concilier vie professionnelle et vie privée. À 26 ans, un an après avoir intégré Ducray Lenoir, où elle est l’une des premières responsables, elle se marie. S’ensuivra la naissance de ses deux filles. Au vu de ses responsabilités au sein de l’entreprise, il lui est arrivé de craindre de ne pas passer assez de temps avec sa famille. Cependant, le fait que ses filles aient toutes deux réussi sur le plan académique la rassure quant au rôle qu’elle a tenu et continue à tenir dans son foyer. L’une d’elles, Jessy, est lauréate de la cuvée 2013, et l’autre, Emmy, a été classée après les lauréates en 2016.

Aux jeunes femmes qui aspirent, comme Patricia Cheung, à gravir les échelons professionnels avec succès, elle conseille de «faire preuve de persévérance dans leur travail». Et d’ajouter que pour elle, outre le soutien de son «mentor», Dominique Galea, «c’est le travail continu et la passion du métier qui m’ont permis de réussir».