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Privatisation d’Air Madagascar : l’État franchira-t-il le pas ?

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Privatisation d’Air Madagascar : l’État franchira-t-il le pas ? | business-magazine.mu
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Au sein du gouvernement, on semble divisé sur le recours à la privatisation pour redresser les sociétés publiques en sérieuse difficulté financière. La manœuvre est déjà enclenchée au niveau d’Air Madagascar.

Abandonnée en cours de route, la privatisation des sociétés d’État plane à nouveau suite aux difficultés rencontrées par Air Madagascar. Le ministre du Tourisme, Roland Ratsiraka, a laissé entrevoir cette perspective aux opérateurs de l’industrie. Ceux-ci se sont montrés inquiets de la mauvaise image véhiculée par le sit-in des employés d’Air Madagascar sur la haute saison qui se prépare dès maintenant. Roland Ratsiraka cite l’exemple des télécommunications, des activités des hydrocarbures, du terminal de conteneurs du Port de Toamasina pour attester la réussite de l’opération. Une information aussitôt démentie par le Premier ministre, Olivier Mahafaly. Ce qui a provoqué des dissensions au sein du gouvernement. Mais quelques jours plus tard, il a été révélé dans la presse l’existence d’un appel d’offres lancé par le président du conseil d’administration d’Air Madagascar, Léon Maxime Rajaobelina, adressé à 38 compagnies avec la date du dépouillement fixée au 28 juillet. Un processus de vente pur et simple pour des employés inquiets de leur avenir. C’est une recherche de partenaire stratégique, rectifie Léon Maxime Rajaobelina sans dévoiler le contenu du cahier des charges. L’opération a toujours été compliquée. Le passé récent l’atteste.

Imposée par Norbert Lala Ratsirahonana, quand il était chef d’État et de gouvernement, du 4 septembre 1996 au 10 février 1997, pour reconquérir la confiance des bailleurs de fonds, perdue dans les dédales des financements parallèles sous Albert Zafy, la privatisation des sociétés d’État n’a jamais fait l’unanimité. Didier Ratsiraka, de retour au pouvoir, l’a concrétisée au nom de la continuité de l’État par la création d’un ministère tout entier pour piloter les manœuvres.

Air Madagascar est apparue au bout de la liste des entreprises à céder au secteur privé, sortie à Fianarantsoa en septembre 1997. C’est dire l’hésitation de l’État à franchir le pas. Marc Ravalomanana, une fois à la tête du pays, craignant une réaction impulsive des salariés d’Air Madagascar soucieux de conserver leurs privilèges, avait chargé ses techniciens de chercher d’autres variantes. Au lieu des cessions d’actifs classiques dans le cas d’espèces, ils ont opté pour le contrat de gestion avec Lufthansa Consulting qui, sans apporter le moindre ariary au capital, pouvait désigner le directeur général et ses assistants de son choix. Le même schéma a été adopté pour la Jirama avec Lamehyer International. Mais les gros salaires des expatriés ont fini par exaspérer les cadres malgaches.

La sanction de l’UE

La crise politique de 2009 a fini par geler ces coopérations d’une iniquité évidente. La situation d’Air Madagascar, sur le plan financier, s’est dégradée par la sanction prise par les instances du transport aérien de l’Union européenne, la classant à l’Annexe B de sa liste noire. La résiliation par le régime transitoire, non reconnu par la communauté internationale, du contrat de surveillance et du contrôle de l’aéroport d’Ivato passé avec une société luxembourgeoise, a été l’une des causes de cette hostilité européenne. Une privation qui se chiffre en millions de dollars de perte sèche. Au point que la compagnie, faute de trésorerie suffisante, n’a plus de quoi s’acquitter de ses cotisations au sein de l’IATA Clearing House avec ses conséquences sur l’exploitation de lignes régionales et internationales.

La question se pose si l’État, actionnaire principal, a encore un intérêt à maintenir en vie Air Madagascar. Hery Rajaonarimampianina, en personne, ancien président du conseil d’administration de la compagnie, a publiquement affiché sa préférence pour la concurrente, appartenant à un de ses amis, en partant pour Taolagnaro pour participer au dialogue politique avec l’Union européenne. Des tractations seraient bien avancées avec la sud-africaine Air Links, avec le concours actif de l’Aviation civile de Madagascar, pour la mise en place de joint-ventures afin d’assurer les vols domestiques. L’État peut laisser ainsi pourrir la situation et lasser les grévistes par la guerre d’usure, quand les intimidations, les menaces n’ont pu les dissuader de renoncer à leurs revendications. Roland Ratsiraka, en évoquant cette éventualité, a encore pris le risque d’irriter la présidence de la République et ses conseillers souvent taxés d’être les fossoyeurs d’Air Madagascar.

Par-dessus le marché, la privatisation a toujours brillé par son opacité. Le dernier bilan connu remonte à janvier 2002 où il a été question de 49 milliards d’ariary de recettes pour l’État, correspondant à plus de 150 opérations. Le désengagement de l’État des sociétés dans lesquelles il détient la grosse part du capital fait craindre aussi une éventuelle compression du personnel. Des agents des banques nationalisées en 1975, privatisées plus tard, revendiquent encore leurs indemnités. Au-delà des aspects techniques et les mécanismes à suivre, la privatisation doit être conçue comme un état d’esprit – ce qui passe souvent mal chez des fonctionnaires – sans se soucier des performances et de la rentabilité. Ce qui est primordial pour le secteur privé.

En attendant une meilleure visibilité, les professionnels du tourisme appréhendent une nouvelle saison en demi-teinte. Aux ennuis des transports aériens se greffent les vindictes populaires qui rappellent des souvenirs cauchemardesques aux visiteurs désireux de venir dans la Grande île. Le Sommet de la francophonie peut sauver les meubles, à moins que les politiciens, du pouvoir comme ceux de l’Opposition, n’en décident autrement.