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Portrait Rencontre

Vincent Lagarde, l’ingénieur humaniste

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Vincent Lagarde

Le fondateur et P.-D.G. de Natec Medical, entreprise spécialisée dans la fabrication de dispositifs destinés à la médecine de pointe, revient sur un parcours durant lequel il lui a fallu s’armer de persévérance afin de réussir. L’un de ses rêves, aujourd’hui, est de venir en aide aux habitants de Tuléar, à Madagascar.

Il est des regards et des poignées de main qui en disent plus long sur une personne qu’un CV de dix pages. Vincent Lagarde, fondateur et président-directeur général (P.-D.G.) de Natec Medical, est d’un naturel affable. Il dégage un sentiment de bien-être qu’il sait communiquer à son entourage. Il confie, d’emblée, avec simplicité : «J’aime partager... je peux entreprendre des choses tout seul mais après, il me faut les partager».

Issu d’une fratrie de cinq enfants, dont il est l’aîné, Vincent Lagarde est originaire de Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. Il y passe toute son enfance et son adolescence avant de mettre le cap sur Strasbourg, au moment d’entamer ses études supérieures. La filière pour laquelle il opte est celle de l’ingénierie des polymères et des mécaniques. Un choix qu’il justifie par le fait que son père possédait une entreprise de matériaux composites, domaine qui le fascinait. Son double Master de Science des polymères et des mécaniques (ENSAIS-EAHP) en poche, Vincent Lagarde décroche son premier contrat de travail à Paris, en 1993. C’était chez Nycomed Amersham, un laboratoire norvégien qui fabriquait des cathéters d’angioplastie coronaire.

Il passe cinq ans au sein de l’équipe de recherche et développement de ce laboratoire. Puis survient un plan social et Vincent Lagarde, le cœur serré, voit partir ses amis. «Il m’ont gardé car j’étais une personne clé. C’est moi qui développais la matière des petits ballons de dilatation», relate-t-il. Le départ de ses collègues plombe l’ambiance du quotidien et Vincent Lagarde envisage mal de rester dans une entreprise qui n’avait plus d’âme. Se sentant assez expérimenté pour lancer sa propre compagnie, il élabore un projet solide qu’il présente au grand patron du laboratoire – l’un des licenciés. «C’était un homme d’expérience. Il m’a fortement encouragé à monter mon entreprise. C’est d’ailleurs lui qui m’a donné le courage de partir», souligne Vincent Lagarde.

Pendant quelques mois, Vincent Lagarde remue ciel et terre pour trouver le financement nécessaire à son projet en France et en Europe mais en vain. Son jeune âge – il avait alors 32 ans –, au lieu d’être un atout, joue en sa défaveur. Il faut savoir, en outre, qu’à l’époque, tout le monde s’intéressait à Internet et une entreprise évoluant dans le secteur des dispositifs médicaux n’était nullement considérée comme un projet viable. Vincent Lagarde ne baisse pas les bras pour autant et finit par rencontrer, à Paris, un Américain dont la société, aux États-Unis, était engagée dans l’extrusion de petits tubes en plastique. Il trouve en cet Américain un partenaire non seulement financier mais également technique. Vincent Lagarde s’associe à lui et fonde, à Boston, en 1998, Natec Medical LLC.

«Les Américains ont une autre vision de l’entrepreneuriat et sont prêts à prendre des risques personnels», observe Vincent Lagarde. Dans les locaux de l’entreprise de son partenaire, à Boston, il se met au travail sur une table soutenue par deux tréteaux. L’accord était que tant qu’il ne faisait pas de vente, il ne recevrait pas de salaire. Entre-temps, l’entrepreneur français puise dans ses économies, d’autant plus qu’à ce moment-là, il avait un enfant en bas âge et faisait le va-et-vient entre les États-Unis et la France parce qu’il ne détenait pas de permis de travail. «Tous les trois mois, je revenais en France pour ensuite repartir. La quatrième fois, l’immigration m’a interpellé et j’ai été obligé de leur dire la vraie raison de mes allers-retours. L’officier a été catégorique : sans permis de travail, je ne pourrai plus revenir. En rentrant à Paris, j’ai campé devant l’ambassade américaine pour obtenir un permis.»

Au bout d’un an, Vincent Lagarde commence à faire des ventes et donc à percevoir un salaire. La société décolle mais un autre problème se présente : le manque de main-d’œuvre. À la recherche d’une solution, le Français pense à une délocalisation de la production à Maurice. Son partenaire ne voulant absolument pas qu’il quitte les États-Unis, Vincent Lagarde se voit contraint de trouver à Maurice un responsable de la production. À partir de trois candidats mauriciens, en 1999, il en choisit un et le forme à Boston.

Les opérations de Natec débutent aux Salines, à Port-Louis, dans une salle des fêtes. Mais la présence de Vincent Lagarde devient vite indispensable ici, si bien qu’il transfère toutes les opérations de Natec à Maurice en octobre 2000, cela contre l’avis de son partenaire. En 2001, il rachète les parts de ce dernier.

L’emplacement des Salines ne convenant plus aux activités de Natec, l’entreprise acquiert deux premiers terrains à Ébène en 2001. Deux ans plus tard, Vincent Lagarde donne le coup d’envoi de la construction du Maeva Centre et y installe Natec Medical en octobre 2004. Onze ans après, l’entreprise spécialisée dans la fabrication de dispositifs destinés à la médecine de pointe exporte 99 % de sa production et n’a cessé de réaliser une croissance à deux chiffres.

Le parcours de Vincent Lagarde est la preuve même qu’il faut persévérer lorsque l’on est convaincu d’avoir une idée valable. «Je dis toujours que quand les solutions n’existent pas ou ne sont pas adaptées, il faut les créer», fait aussi remarquer l’entrepreneur. Dans cette optique, pour éviter aux enfants de l’ouest de l’île qui fréquentent une école française des trajets aussi longs que fatigants, il a fondé l’école privée Paul et Virginie, à Tamarin. Titulaire de la double nationalité française et mauricienne, Vincent Lagarde a, par ailleurs, reçu en 2009 le titre de chevalier de l’ordre national du Mérite au nom de la République française.

Également philanthrope, Vincent Lagarde responsabilise en ce moment son équipe de management pour qu’il puisse se consacrer davantage à un projet qui lui tient à cœur : la mise sur pied de la Fondation Dunes de Mer à Madagascar. Après avoir découvert la Grande île en 2007, c’est au nord de Tuléar (NdlR, ville du sud-ouest de Madagascar) qu’il a décidé de créer une école et des dispensaires.