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Production de cerf: la stagnation

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Production de cerf: la stagnation | business-magazine.mu

La production de viande de cerf stagne. L’effritement du pouvoir d’achat du Mauricien a pesé dans la balance. Mais ce n’est pas tout ! Le prix de vente n’encourage pas les investissements dans les fermes. Sans compter l’ampleur qu’a prise le braconnage ces derniers temps. L’augmentation de la taxe décidée dans le Budget est un autre coup de massue sur la tête des sociétés de chasse

La saison de chasse est close depuis fin septembre. C’est un bilan mitigé qu’affichent les producteurs de cerfs et propriétaires de chasse. Ces trois à quatre dernières années, la production a été stable. Concernant la saison 2013, la production de cerf sera d’environ 520 tonnes, soit le même niveau qu’en 2012.

Les 38 membres de la Mauritius Meat Producers Association (MMPA) – dont 31 membres ont une activité tournée vers la production de cerfs – assurent la plus grosse partie de la production nationale, soit environ 400 tonnes ou l’équivalent d’environ 11 500 cerfs. Ces 31 membres regroupent des sociétés individuelles de chasse et autres producteurs comme certaines compagnies sucrières. Il est estimé qu’environ 100 tonnes de viande de cerf sont produites par une vingtaine de non-membres à la MMPA. Les 20 tonnes restantes sont produites dans l’entre-saison.

Les producteurs ont des profils très variés, souligne Jacqueline Sauzier, secrétaire de la MMPA. Ainsi, l’un peut abattre 40 cerfs sur la saison et l’autre peut en abattre plus de 3 500. La période de chasse dure quatre mois, soit du 1er juin au 30 septembre. Pendant cette période, le marché local ne peut absorber qu’une certaine quantité de viande. Le pouvoir d’achat du consommateur mauricien a joué un rôle important dans la stabilisation du marché ces trois dernières années, fait ressortir Jacqueline Sauzier, et « depuis trois ans, le consommateur tire la langue. »

Cela dit, malgré tout, le cerf reste un gibier très apprécié des Mauriciens – surtout en période estivale – même si on peut acheter sa viande tout au long de l’année en frais ou congelé, précise Jacqueline Sauzier. En dehors de la période de chasse, soit durant les huit mois restants de l’année, le cerf vient de feedlots (des zones d’élevage semi-intensives). Dans l’entre-saison, une vingtaine de tonnes de cerfs est produite portant ainsi le total de la production annuelle à 520 tonnes.

Pendant l’entre-saison est-il possible de produire plus de cerfs à l’élevage ? C’est possible, mais difficile et cela pour plusieurs raisons, estime Jacqueline Sauzier. D’abord, il y a un manque de fermes pour les animaux. Ensuite, les éleveurs n’ont pas suffisamment de moyens financiers pour créer de nouveaux pâturages et fermes. Cela coûte d’ailleurs très cher d’aménager une ferme, précise notre interlocutrice : « C’est difficile de développer ce marché davantage dans les conditions actuelles car le prix de vente n’est pas assez rémunérateur pour encourager l’investissement dans de nouvelles fermes. »

Le braconnage nuit au marché

Par ailleurs, il est difficile, selon notre interlocutrice, de définir un prix précis pour le business du cerf à Maurice. Car le prix de vente est variable. « Les prix pendant la chasse et l’entre-chasse diffèrent beaucoup. Les frais associés à chaque produit sont différents. Par exemple, les opérateurs basés sur des chasses privées ont moins de frais que ceux qui louent des terres de l’État », indique Jacqueline Sauzier.

Autant de raisons qui expliquent pourquoi le marché des cervidés a des difficultés non seulement à se développer, mais aussi à se maintenir. D’autres facteurs nuisent à son développement, à commencer par l’ampleur du braconnage, les chiens errants et les frais associés à la location des terres de l’État.

Le braconnage engendre une perte d’animaux pour les producteurs. Il est difficile d’estimer le prix des pertes. Mais cela représente un gros manque à gagner pour les producteurs, souligne la MMPA. « Avec l’ampleur que prend le braconnage, les producteurs se voient obligés d’investir encore davantage dans le gardiennage en termes de ressources humaines, mais aussi de caméras de surveillance et de ‘patrolling’ sur les chasses », souligne Jacqueline Sauzier.

Non seulement le braconnage est en hausse, mais aussi il prend désormais une tournure plus violente. On se souvient d’ailleurs de deux cas l’année dernière rapportés dans la presse, où il y a eu des échanges de coups de feu. Les gardiens des chasses ont dû agir pour défendre le cheptel et leur vie. Dans le premier cas, un braconnier a été blessé et son complice tué. L’ampleur du braconnage pousse certains producteurs à se remettre en question.

Les chiens errants constituent l’autre problème qui affecte la production de cerf. Ceux-ci pénètrent dans les chasses et chassent en meute. Ces chiens sauvages chassent surtout les femelles et les faons. Déchiquetée, la viande est après complètement inutilisable pour la vente.

Troisième problème qui touche le secteur : les frais associés à la location des terres de l’État qu’une partie des producteurs louent à bail (l’autre partie possédant des chasses privées). Actuellement, quelque 10 000 hectares sont loués à bail à des chasses. « Quand nous sommes locataires, nous avons l’obligation d’entretenir les terres, les routes et les forêts. Nous avons un contrat avec les Bois et Forêts. Nous ne pouvons consacrer plus de 5 % des terres aux pâturages. Notre production est limitée par une capacité maximale de stoc-kage de 2,5 animaux par hectare. En outre, la location augmente tous les ans. En septembre 2014, les baux vont expirer et le bail va augmenter de 20 % », détaille Jacqueline Sauzier.

Pour corser le tout, une forte hausse de la Shooting and Fishing Lease Tax a été annoncée dans le Budget. La taxe a été doublée de Rs 235 à Rs 470 l’hectare. « Nous avions fait une représentation au ministre des Finances avant le Budget pour demander l’abolition de cette taxe. Au contraire, le Budget est venu doubler la taxe. Nous ne comprenons pas. Cette taxe vient mettre un couteau sous la gorge des producteurs et fait que la production coûtera encore plus cher, sachant qu’on ne peut pas augmenter de manière drastique le prix du vente du cerf, ni même augmenter notre production, cela est très contraignant », souligne Jacqueline Sauzier.

L’augmentation constante des frais de production et une certaine stagnation du pouvoir d’achat des Mauriciens mettent les producteurs à rude épreuve. L’avenir reste incertain pour plusieurs producteurs. Ce qui pourrait avoir un impact sur la production dans les années à venir.

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