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Secteur sucrier: le Syndicat des sucres en mode réforme

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Secteur sucrier: le Syndicat des sucres en mode réforme | business-magazine.mu

Le Syndicat des sucres se lancera dans un processus de réforme. Un exercice crucial au vu des défis qui se présentent, notamment la fin des quotas sucriers en septembre 2017 et les implications du Brexit sur nos exportations.

Depuis la fin du Protocole Sucre en 2009, le secteur sucrier opère dans un environnement pratiquement sans filet de protection. À partir de septembre 2017, lorsque les quotas sucriers seront abolis en Europe, le marché sera complètement libéralisé. Étant le négociant de l’industrie sucrière sur les marchés internationaux, le Syndicat des sucres a constamment revu sa stratégie commerciale ces dernières années. Au vu des changements à venir sur le marché mondial du sucre, auxquels est venu se greffer le Brexit qui a fait chuter la livre sterling, le Syndicat a décidé de s’engager dans un processus de réforme. Une posture qui prend le contre-pied de Landell Mills qui, dans un rapport commandité par l’ancien régime, avait recommandé il y a deux ans la dissolution du Syndicat. Déjà, l’ancien président, Hector Espitalier-Noël, avait annoncé la couleur lors de l’assemblée générale annuelle de l’organisme en soutenant que celui-ci connaîtrait un «remodeling».

Devesh Dukhira, Chief Executive Officer du Syndicat des sucres, est également monté au créneau, rappelant que l’organisme existe parce que «les sucriers et planteurs se sont mis d’accord sur ce fait : créer une agence de marketing au lieu de vendre son sucre directement.»

Il insiste, par ailleurs, que l’agence a su s’adapter à l’évolution des marchés et a toujours fait preuve de flexibilité. «Nous ne nous cantonnons plus dans ce que nous faisions il y a dix ans. Nous sommes passés de l’exportation de sucre roux pour le raffinage en Europe au sucre blanc ainsi qu’un volume croissant de sucres spéciaux. Au début, nous avions un accord d’exclusivité avec Südzucker, ce qui nous a aidés à nous positionner comme un fournisseur fiable de sucre blanc sur le marché européen. Avec la fin de ce contrat en 2015, et en prévision de la libéralisation des quotas de production en Europe, nous avons signé des accords multi-annuels avec British Sugar et Cristal Co tout en gardant de côté une quantité non négligeable de sucre pour être vendu en direct et aussi en se donnant une flexibilité à desservir des marchés en dehors de l’Europe. Ce sont des preuves que le Syndicat des sucres a évolué avec ce secteur», souligne-t-il.

Rs 500 M de plus versées aux producteurs

Bientôt centenaire, le Syndicat jouit d’une très bonne réputation dans le monde sucrier. Pour preuve, il travaille aujourd’hui avec plus de 150 collaborateurs dans plus d’une cinquantaine de pays où il exporte du sucre mauricien. «À travers notre stratégie de couverture de nos recettes en devises étrangères, nous pouvons générer des revenus additionnels. L’année dernière, cet exercice nous a permis de payer environ Rs 500 millions de plus aux producteurs», ajoute-t-il.

L’objectif de la réforme s’inscrira dans cette volonté du Syndicat de prôner une nouvelle mentalité chez les producteurs en les encourageant à commercialiser du sucre à valeur ajoutée. «Cette réforme avec une plus grande participation sur le front commercial amènera plus d’idées, mais nous permettra aussi d’avoir un ‘response time’ plus rapide pour adapter nos produits afin de rechercher plus de valeur pour le secteur», fait-il remarquer.

La nécessité d’une réforme du Syndicat se fera plus pressante suivant la décision de la Commission européenne de supprimer les quotas sucriers en septembre 2017. À ce jour, la consommation de sucre en Europe est de 16 millions de tonnes. Sous l’actuel régime, la production à l’intérieur de la zone euro est de 13 millions de tonnes. Les 3 millions de tonnes restantes proviennent des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), dont Maurice, qui bénéficient d’un accès préférentiel sur le marché européen.

Avec la fin des quotas, les producteurs européens, notamment les betteraviers, seront en mesure de fournir la totalité de la demande du marché européen. «Certainement, les plus gros producteurs européens, dont les Français et les Allemands, vont essayer d’avoir de plus grosses parts de marché en Europe. Notre crainte est qu’en cherchant une plus grosse part, ils risquent de baisser le prix. Mais il faut aussi se rendre compte que les producteurs européens n’auront aucune restriction à l’exportation et ils chercheraient évidemment les meilleures opportunités», observe Devesh Dukhira.

Par ailleurs, le Syndicat suit de près l’impact du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. L’Angleterre représente actuellement 15 % de ses exportations. Si pour le moment le Brexit n’a pas d’impact sur les exportations sucrières car les prix sont libellés en euro, à moyen terme, la crainte est qu’avec la dépréciation de la livre sterling, le pouvoir d’achat des Britanniques diminue. «C’est notre plus grande crainte. Car il ne faut pas oublier que l’Angleterre est un marché important pour les sucres spéciaux à haute valeur», soutient-il.

Le Syndicat des Sucres travaille ces jours-ci en étroite collaboration avec le gouvernement mauricien afin de sécuriser l’accès préférentiel en Angleterre.

L’Afrique et l’Asie dans le viseur

Si l’Europe demeure le marché le plus rémunérateur pour le sucre mauricien, depuis la fin du Protocole Sucre, le Syndicat s’est lancé dans une diversification des marchés. Aujourd’hui, le Syndicat exporte du sucre mauricien vers 54 pays dont huit États de l’océan Indien. «Nous irons là où l’on nous propose les meilleurs prix possibles. Et avec le Brexit et la fin des quotas en 2017, cette diversification est plus que jamais importante», insiste notre interlocuteur.

Étant membre du Common Market for Southern and Eastern Africa (COMESA), Maurice peut exporter son sucre en hors taxes dans plusieurs pays africains. Il faut savoir que le Kenya, par exemple, cumule un déficit de 200 000 tonnes de sucre. Il y a ainsi une réelle opportunité à exploiter.

L’Inde est également dans le viseur du Syndicat. S’il est vrai que la Grande péninsule est un gros producteur sucrier, on constate aujourd’hui l’émergence d’une nouvelle classe moyenne avec un meilleur pouvoir d’achat. Ce qui fait dire à Devesh Dukhira qu’il pourrait y avoir une grande demande en Inde pour les sucres spéciaux, qui ne sont pas produits sur place. Du reste, le gouvernement mauricien a fait une requête aux autorités indiennes pour qu’elles considèrent l’accès préférentiel pour les sucres spéciaux lors des négociations en cours sur le Comprehensive Economic Cooperation and Partnership Agreement (CEPCA).

La stratégie du Syndicat pour la commercialisation du sucre est claire : ne pas mettre tous les œufs dans le même panier et, sans délaisser l’Europe, viser de nouveaux marchés déficitaires en sucre. Ceux-ci sont l’Afrique de l’Est, le Moyen-Orient, l’Inde, l’Asie du Sud-Est ou encore l’Indonésie.

Chine : contrainte administrative

Depuis 2009, le Syndicat exporte des sucres spéciaux en Chine, mais les quantités restent limitées à cause des barrières non tarifaires. Il s’agit d’un marché où la demande serait bien plus importante que le millier de tonnes fournies annuellement. «Il y a un problème de permis d’importation sur le marché chinois : ils ne sont pas octroyés dans une transparence totale», déplore Devesh Dukhira. Cependant, le gouvernement mauricien envisage un accord libre-échange avec la Chine, lequel devrait inclure le sucre. «Il faut savoir que tout comme l’Inde, on constate que la consommation de sucre augmente en Chine», soutient-il.

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