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Sucre: les défis vus par les acheteurs européens

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Sucre: les défis vus par les acheteurs européens | business-magazine.mu

En prévision de l’abolition des quotas sucriers par l’Union européenne à l’horizon 2017, deux importants opérateurs du secteur, soit Cristalco et British Sugar, entendent tirer pleinement parti de la libéralisation à venir. Dans cette optique, Maurice s’avère un partenaire stratégique.

L’année 2015 s’annonce difficile pour l’industrie sucrière européenne au vu desnombreux défis auxquels elle sera confrontée.C’est ce que laissent entendre deux importantes compagnies du secteur opérant sur le Vieux Continent, soit la française Cristalco et British Sugar. Un représentant de la première nommée fait ressortir que 2015 «sera probablement la pire année qu’ait connue l’industrie sucrière européenne depuis des décennies». Il explique en effet que «loin de protéger nos marchés européens surabondamment alimentés par les importations exceptionnelles et injustifiées de sucre, les vestiges du règlement sucre deviennent au contraire un frein redoutable à la nécessaire adaptation rapide de la filière, notamment avec le contingentement des exportations de sucre hors Europe».

L’un des principaux challenges qui attendent l’industrie sucrière en Europe est l’épuisement de la surproduction. De fait, à compter de cette année, la demande de sucre sur le Vieux Continent atteindra des pics – une demande à laquelle, à long terme, les fournisseurs ne seront pas en mesure de répondre. Devesh Dukhira, Chief Executive Officer du Syndicat des Sucres, avait évoqué cette problématique lors d’un entretien accordé à Business Magazine. «L’International Sugar Organisation (ISO) [a] révélé que les surplus de sucre en stockage répondront pendant un certain temps à cette demande croissante mais ils seront très vite épuisés», faisait-il ressortir. Le représentant de Cristalco abonde dans le même sens: «Les fondamentaux du marché mondial resteront prédominants compte tenu de l’importance des stocks. Avec le temps, les surproductions non rentables s’amoindriront, voire disparaîtront, et la consommation continuant à progresser, s’ouvrira alors un nouveau cycle.»

Par ailleurs, le fait que le sucre soit vendu à bas prix sur le marché mondial ne favorise guère la rentabilité des compa-gnies européennes évoluant dans ce secteur. Elles se retrouvent ainsi face à diverses contraintes. «Il est important que nous nous adaptions aux exigences des prix pratiqués sur les marchés global et même local du sucre, que ces prix soient en hausse ou en baisse. Il existe toute une kyrielle de facteurs qui déterminent le prix du sucre. Cela signifie que British Sugar devra redoubler d’efforts afin de maintenir sa compétitivité», souligne, à ce propos, Richard Pike, Managing Director de la compagnie britannique. Il est rejoint par le représentant de Cristalco, qui déplore que la baisse des prix sur le marché ait été «rapide et brutale». Cela a donné lieu à une situation, poursuit-il, qui pèse sur les comptes de toute l’industrie sucrière en Europe et n’est que partiellement compensée par la baisse des coûts d’énergie». Et de se référer, ici, à celle «qui débute pour le gaz dans le sillage du pétrole». La conjoncture actuelle pousse cet intervenant à dire qu’en 2015, l’industrie sucrière sur le continent européen enregistrera de «piètres résultats», alors que la betterave ne sera vraisemblablement pas rémunérée à son prix de revient moyen.

Sur la voie de la diversification

De l’avis du représentant de Cristalco, il faudra attendre 2017 pour noter une amélioration. «Jusqu’en 2017, nous devrons continuer à subir les règles du jeu sclérosantes d’un règlement moribond dans un marché européen déjà partiellement dérégulé, sans véritable capacité d’action en dehors de celle, déterminante, de nous préparer à l’après-quotas», précise-t-il. En tant que compa-gnie opérant sur le marché du sucre en Europe, la société française perçoit la perspective de l’abolition des quotas sucriers par l’Union européenne (UE) comme une porte ouverte sur une avenue d’opportunités, dont celle de la diversification et d’une visibilité accrue : «La réunification réglementaire des sucres hors quotas à l’horizon 2017 nous rendra plus visible sur le marché européen et sur celui du grand export. Elle nous ouvrira un espace de liberté jamais connu dans notre filière et dont nous saurons tirer le meilleur parti.» Ce à quoi Richard Pike, de British Sugar, ajoute : «L’abolition des quotas nous permettra d’étendre notre activité au Royaume-Uni et en Europe

Les possibilités de développement que représente l’abolition à venir des quotas sucriers concernent également de près l’industrie sucrière mauricienne. D’ailleurs, indique le représentant de la firme française, «les équipes de Cristalco travaillent déjà avec celles du Syndicat des Sucres sur cette diversification en vue d’en définir les axes.» Quant à British Sugar, sa collaboration avec l’organisme mauricien vise à proposer aux marchés britannique et européen un plus grand choix de sucres tout en étoffant, dans la foulée, son portefeuille clientèle sur ces marchés.

Le représentant de la compagnie française ne manque pas de mettre l’accent sur les liens étroits qui existent depuis longtemps entre le groupe Cristal Union – dont fait partie Cristalco – et le Syndicat des Sucres, soit les planteurs et producteurs qui le constituent: «La qualité des hommes et des produits de l’île Maurice est absolument remarquable et l’association avec le groupe coopératif Cristal Union paraît naturelle car nous partageons les mêmes valeurs.» Grâce à ce partenariat, des conteneurs de sucre correspondant aux plus hauts standards européens seront acheminés vers plusieurs pays en fonction des opportunités de marché, ce qui représente un «avantage compétitif et stratégique» certain.

Dans cette démarche et afin de répondre à la demande du marché européen dans toute sa complexité, les compagnies sucrières européennes encouragent les producteurs mauriciens à s’engager plus sur la voie de la diversification. Des accords commerciaux ont d’ores et déjà été signés depuis le début de cette année entre Cristalco et British Sugar, d’une part, et le Syndicat des Sucres, d’autre part. Celui avec la firme française porte sur un approvisionnement annuel minimum de 130 000 tonnes de sucre raffiné en provenance de Maurice sur une période initiale de quatre ans. «Les sucres de spécialité roux de l’île Maurice sont déjà très connus de la clientèle ‘retail’. Il reste à développer certaines spécialités de sucre blanc et différents types de conditionnement», explique le représentant de Cristalco.

La compagnie française soutient, en outre, que la complémentarité canne/betterave est une réalité et un atout face à une clientèle «de plus en plus exigeante».  «L’étendue de l’offre et de la gamme permet de pénétrer l’ensemble des marchés, et c’est pour cette raison que la combinaison cane/betterave est stratégique.» S’agissant de British Sugar, l’accord commercial conclu avec le Syndicat des Sucres fait état de 100 000 tonnes de sucre blanc à fournir annuellement à partird’octobre 2015 à destination des marchés britannique et européen.

En sus de sa politique d’implantation et de développement dans les pays du sud de l’Europe, Cristalco ambitionne d’utiliser la fin des quotas sucriers en 2017 pour étendre son expansion hors du Vieux Continent et compte bien pour cela miser sur les divers types de sucres mauriciens. «Nous constatons que certains clients souhaitent aussi obtenir de Cristalco une offre de produits et de services hors Europe du même standard que ceux qu’ils obtiennent dans l’UE.» C’est donc au Moyen-Orient et en Afrique que la compagnie française étendra son réseau et son offre commerciale, cela en s’appuyant sur les produits sucriers de Maurice.