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Exportation: survivre dans un environnement international précaire

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Exportation: survivre dans un environnement international précaire | business-magazine.mu

Subissant de plein fouet l’impact du Brexit, le secteur d’exportation a besoin d’un nouveau souffle. Dans cette optique, le gouvernement adoptera une série de mesures structurelles pour aider les opérateurs à gagner en compétitivité.

Le secteur d’exportation est en perte de vitesse. La Mauritius Export Association (MEXA) tirait d’ailleurs récemment la sonnette d’alarme : au premier trimestre 2017, les entreprises tournées vers l’exportation accusaient une baisse de 10,7 %.

Pilier important de l’économie avec une contribution de 14,1 % au PIB, le secteur d’exportation, qui emploie 52 400 salariés, a subi de plein fouet les effets du ralentissement économique en Europe et les retombées du Brexit.

Selon le ministère du Commerce, durant la période du 22 juin au 31 décembre 2016, la livre sterling s’est dépréciée de 15,8 % vis-à-vis de la roupie mauricienne, entraînant un manque à gagner de Rs 280 millions. Pour la MEXA, il était impératif que le Grand argentier vienne de l’avant avec des mesures fortes pour redynamiser le secteur d’exportation. Pour les acteurs, le Budget 2017-18 est courageux.

Afin de mitiger l’impact du Brexit, le gouvernement a mis en place, le 1er avril 2017, le Speed-to-Market à l’intention des entreprises exportant des produits de textile et d’habillement sur le marché européen. Cette année, Pravind Jugnauth étend cette initiative à d’autres filières : la bijouterie, les appareils médicaux, fruits, fleurs et légumes, entre autres. Concrètement, le Speed-to-Market concerne le remboursement de 40 % des coûts de fret aérien. Pour Beas Cheekooree, président de la MEXA, «cette mesure sera d’un grand soutien aux opérateurs et permettra de redynamiser le secteur d’exportation». Il déplore toutefois que cette facilité ne soit pas étendue au marché américain, lequel est sur une bonne dynamique, ayant enregistré une hausse de 9,1% au premier trimestre. Expliquant cette bonne performance, Beas Cheekooree souligne que «lorsque le marché européen est en baisse, nous pouvons nous appuyer sur le marché américain et
vice versa».

Dans le but d’encourager les entreprises à s’engager dans la voie de l’exportation, le gouvernement propose une réforme fiscale importante. Ainsi, au lieu des 15% imposés sur les exportations des produits, ce pourcentage a été ramené à 3 %. Une mesure saluée par le secteur privé. Pour Bruno Dubarry, Deputy CEO de l’Association of Mauritian Manufacturers (AMM), il est clair que les Domestic oriented enterprises et le secteur manufacturier ont fait l’objet d’une attention particulière dans le Budget. Pour l’AMM, la réduction de la Corporate tax à 3 % sur les profits dégagés à l’exportation est la mesure fiscale phare du Budget. «Cette mesure ne va pas forcément avoir un impact à court terme sur le volume de produits exportés, mais cela permet de récompenser la prise de risque et donc, de faire évoluer les ‘business models’ dans la durée. Elle va dans le sens d’un plan de transformation des DOE vers plus d’international pour élargir les débouchés de notre base industrielle», commente-t-il.

De son côté, Beas Cheekooree avance que cette baisse de la Corporate tax donnera la latitude aux entreprises déjà tournées vers l’exportation d’investir dans la modernisation des équipements, de développer un meilleur outil de production, voire d’améliorer davantage leur compétitivité. «C’est une occasion pour ces entreprises de monter en gamme. Par contre, pour celles qui n’ont pas encore emprunté la voie de l’exportation, cette baisse de la ‘Corporate tax’ les encouragera à exporter», observe-t-il.

La création de l’EDB saluée

Autre mesure saluée : la création de l’Economic Development Board (EDB), qui sera un regroupement du Board of Investment, d’Enterprise Mauritius et de la Financial Services Promotion Agency. Dev Sunnasy, président de la Mauritius IT Industry Association (MITIA), se dit très satisfait de la création de cet organisme. «L’Economic Development Board est aussi une agence de  promotion de l’exportation nationale, qui optimisera nos chances et de mutualiser les ressources et les moyens», soutient-il.

Idem pour la MEXA. Son président est confiant que l’EDB permettra enfin au secteur du textile et l’habillement d’avoir une meilleure visibilité sur la carte mondiale. «Avec les coûts qui ne cessent d’augmenter et la mondialisation, Maurice est devenu moins attrayant comme une ‘sourcing destination’», fait-il ressortir.

Il faut savoir que le textile représente 54 % des exportations du pays. Dans le sillage du Brexit et de la dépréciation de la livre sterling, les recettes de ce secteur ont chuté à Rs 27,2 millions en 2016 contre Rs 29,5 millions en 2015. Dans la conjoncture actuelle, il est nécessaire de donner une bonne image au secteur. Et c’est là que devrait intervenir l’EDB qui aura la tâche de superviser cet exercice.

Si sur le papier, les mesures budgétaires sont prometteuses pour le secteur d’exportation, c’est toutefois dans la mise en œuvre de celles-ci que le gouvernement est attendu au tournant. Beas Cheekooree déplore ainsi que le projet de Pharmaceutical Village, annoncé en grande pompe dans le précédent exercice budgétaire, n’ait pas encore vu le jour. Selon lui, dans le cas de ce projet en particulier, le gouvernement aurait dû venir de l’avant avec une National Policy, tout en se posant les questions suivantes : est-ce qu’on veut établir un secteur pharmaceutique à Maurice ? Quels sont les objectifs de ce secteur ? Est-ce que nous voulons cibler l’Afrique pour ce projet ou les investisseurs étrangers pour venir opérer à Maurice dans la fabrication de produits pharmaceutiques. «Il faut qu’on soit, tout d’abord, clair sur la stratégie. Nous ne disposons pas d’expertise dans ce domaine à Maurice. Il faut encourager les investisseurs à venir travailler à Maurice. De même que les compétences locales à exercer sur notre sol. Cela dit, il y a un effort en ce sens dans ce Budget. Le gouvernement veut encourager les experts ayant des compétences à venir travailler à Maurice par le biais de l’assouplissement des formalités de permis de travail et de séjour à Maurice. Nous avons encore du travail à faire», reconnaît-il.

Au niveau de l’AMM, on relève des manquements dans le Budget. Ainsi, la question de la fragilisation des DOE sur leur marché local demeure entière. De l’avis de Bruno Dubarry, d’autres outils doivent être trouvés pour donner les moyens aux producteurs locaux d’être plus compétitifs et d’assurer que les produits locaux et importés sont sur un pied d’égalité. «Dans notre mémorandum budgétaire figurait une mesure intitulée ‘sustainable local procurement’ qui visait à réduire les pratiques d’outsourcing qui font beaucoup de tort à la production locale», ajoute Bruno Dubarry. L’association espère par ailleurs une évolution des mentalités des politiques par rapport à l’index Freedom of Trade qui, certes, flatte notre positionnement à l’international comme champion de l’ouverture, mais ne répond pas au besoin de préserver l’emploi local.