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Partenariats public-privé: les investisseurs prônent une approche plus structurée

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Partenariats public-privé: les investisseurs prônent une approche plus structurée | business-magazine.mu

Nécessaires aux grands projets de développement, les partenariats public-privé requièrent des ajustements, estiment certains. Est notamment évoquée la nécessité d’échanges par secteur, en amont, plutôt que des plates-formes multisectorielles.

À l’agenda des consultations prébudgétaires qui se tiennent actuellement, figurent en bonne position les partenariats public-privé (PPP). Ce mode de financement mobilisant à la fois l’État et des prestataires privés comporte, en effet, de nombreux avantages dont celui d’agir en levier pour faire avancer les grands projets du pays. Au mois de février, déjà, Business Mauritius, organisation représentant le secteur privé, s’était dit en faveur d’un plus grand nombre de partenariats de ce genre. Du côté du gouvernement, Sudesh Lallchand, conseiller auprès du ministère des Infrastructures publiques, laisse entendre que le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth, annoncera davantage de projets PPP au cours du prochain exercice budgétaire.

L’une des activités économiques du pays à avoir profité de manière évidente des PPP jusqu’ici et ce, depuis son émergence, dans les années ’50, est l’hôtellerie. Avec un parc de plus de 110 établissements, et un taux d’occupation estimé à 73 % pour 2017, contre 70 % l’année dernière, selon les chiffres du bureau national des statistiques, cette composante du secteur touristique est aujourd’hui d’une importance capitale. Le tourisme, dont la contribution au produit intérieur brut est de 8 %, est lui-même le troisième pilier de l’économie, après l’agriculture et les services financiers. Sudesh Lallchand souligne que le développement de l’industrie hôtelière a été si dynamique parce que «le secteur privé a injecté de l’argent tandis que l’État a fourni les terrains au bord de la mer. Aujourd’hui, ce secteur génère des emplois et des revenus tandis que le gouvernement récolte des revenus par le biais des taxes.»

Le conseiller mentionne, en sus, le lancement de trois centres d’examen technique de véhicules (fitness centres) privés, en août 2016, soit Autocheck, SGS et Eastern Stone Crusher, suite à un accord entre ces opérateurs et le ministère des Infrastructures publiques. Alors qu’autrefois, seule la National Transport Authority délivrait les certificats de ‘fitness’, non seulement ces structures allègent-elles la charge de travail de l’organisme, mais elles ont aussi réduit le temps d’attente des automobilistes, créé de l’emploi pour 15 à 20 personnes chacune et «génèrent des revenus dont l’État perçoit un pourcentage».

Un autre facteur qui incite le gouvernement à vouloir s’engager davantage dans la voie des PPP, explique Sudesh Lallchand, est que ce mode de financement réduit la dépendance des bailleurs de fonds étrangers. «Pour financer ses grands projets de développement, l’État doit emprunter d’énormes sommes auprès du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, entre autres», dit-il. Un impact direct sur la dette publique en résulte : elle atteint à l’heure actuelle les 56 à 57 %. Néanmoins, ajoute le conseiller, l’objectif du gouvernement est de la ramener à 50 % et l’un des moyens d’y parvenir est d’avoir plutôt recours à des financements de sociétés privées du pays, via les PPP. Dans le même temps, la part de risques diminue considérablement.

Faire le choix d’un PPP réduit, en outre, le temps qu’un projet de développement met à se concrétiser. Quand l’État finance seul un projet, un ensemble de procédures doivent être remplies auprès du Central Procurement Board ou du Central Tender Board. Par contre, dans le cadre d’un PPP, le secteur privé n’est pas tenu de se plier à ces contraintes. «Les projets PPP peuvent donc voir le jour plus vite et nous permettre d’atteindre nos objectifs économiques.»

Les grands chantiers de construction annoncés pour la période 2017 - 2019 et destinés à relancer l’économie verront la mise en place de plusieurs PPP. La modernisation de la gare Victoria, à Port-Louis, par exemple, comprend un apport de Rs 1,2 milliard du secteur privé, avance Sudesh Lallchand. La participation de l’État consistera, elle, à mettre à la disposition du secteur privé, selon le mode locatif, quelque 5 arpents de terre. «Le secteur privé apportera l’investissement et se penchera sur la modernisation de la gare. Je veux parler ici d’une passerelle qui traversera l’autoroute, de centres commerciaux et de 1 200 espaces pour les marchands ambulants.» Ce projet devrait voir le jour d’ici à un an et demi.

S’il accueille favorablement les initiatives gouvernementales concernant les PPP, le secteur privé n’en demeure pas moins critique. Certains opérateurs pensent que ces partenariats devraient faire l’objet d’une réflexion plus approfondie. «L’intention est bonne, le concept est en place mais il faut que l’approche soit mieux structurée», avance-t-on. Un partenariat requiert, en principe, des consultations préalables entre toutes les parties prenantes. Toutefois, le secteur privé déplore que tel ne soit pas toujours le cas. Un exemple étant le Pharma Village annoncé dans le Budget 2016/17, pour lequel aucun acteur du privé n’a été approché. Dans le cadre du très controversé projet de Metro Express, non plus, les opérateurs privés de compagnies d’autobus avancent que leur avis n’a pas été sollicité. Ce à quoi Sudesh Lallchand réplique que le gouvernement les rencontrera en temps et lieu en vue d’aborder la question. Il indique d’ailleurs qu’avant le lancement des trois fitness centres, les parties prenantes «se sont réunies et sont parvenues à un consensus».

Enclin au dialogue, le secteur privé conteste pourtant l’efficacité des grandes plates-formes de discussions avec l’État, à l’instar de celle générée dans le sillage de la Vision 2030 d’Anerood Jugnauth - ancien Premier ministre devenu ministre mentor -, énoncée en août 2015. Selon nos informations, elle n’avait pas permis à tous les participants d’aborder les contraintes spécifiques à leur secteur. «Ce genre de réunion entre l’État et le secteur privé n’est pas pratique.» Dans ce contexte, des représentants du secteur privé suggèrent que Maurice pourrait s’inspirer du modèle singapourien où une approche plus ciblée a été adoptée, avec la tenue de séances de brainstorming secteur par secteur.