Type to search

Édito

Chasseurs de roupies

Share
Chasseurs de roupies | business-magazine.mu

Sommes-nous en train de créer une race de chasseurs de roupies ? C’est la question qui se pose au vu des scandales qui ont été mis au jour, ces derniers temps. Très révélateurs, ils témoignent d’une nouvelle culture qui semble s’installer dans le pays. Cette culture, dans laquelle ces scandales plongent leurs racines, est celle du moindre effort.

Certes, la structure sociale s’est considérément modifiée depuis l’Indépendance avec une augmentation des professions intellectuelles. Bien qu’elles aient ouvert la voie à des possibilités d’ascension sociale, le fait demeure que l’argent facile et l’appât du gain sont des maux qui rongent aujourd’hui notre société. Ceux-là ne sont-ils pas d’ailleurs le point commun entre les scandales du moment ?

Il n’y a qu’à voir l’engouement pour les jeux de hasard qui, soit dit en passant, permet à l’État d’engranger des milliards de roupies annuellement sous forme de taxes, pour se rendre compte de l’ampleur du phénomène. Encore que là nous parlons de la partie légale de ce business, car il existe également un côté « underground » que même les autorités dites compétentes ne sont pas parvenues à ramener sous leur coupole.

Parallèlement aux jeux de hasard, qui sont perçus comme étant de bons moyens pour se faire de l’argent très rapidement, il y a les Ponzi Schemes que nous avons eu la désagréable surprise de découvrir récemment. Des fraudes financièrement déguisées en produits d’investissement qui étaient proposés à ceux qui voulaient devenir riches en deux temps trois mouvements, mais également à ceux qui l’étaient déjà mais qui cherchaient à faire fructifier leur fortune. Car, comme le disait John Stuart Mill, ils en voulaient toujours plus. La preuve a été faite avec le profil, d’une part, des victimes de cette vaste escroquerie et, de l’autre, de ceux et celles qui ont servi d’intermédiaires aux escrocs présumés.

Malheureusement, ils ne sont pas les seuls à avoir les yeux plus gros que le ventre. Les journaux ne manquent pas de nous le rappeler quotidiennement à travers les cas de corruption, de trafic d’influence, de favoritisme, de passe-droit, de lobbysmes obscurs ou encore de malversations qui y sont rapportés. Et lorsque des institutions qui auraient dû être au-dessus de tout soupçon sont éclaboussées, le doute s’installe.

Il est important de rétablir au plus vite la confiance dans les institutions du pays car, comme nous le disait le ministre des Finances, Xavier Luc Duval, dans une interview, le progrès d’un pays dépend aussi de ses institutions qui peuvent et doivent contribuer à accélérer la croissance. « Le succès du pays est tributaire de l’efficacité des institutions qui opèrent dans des secteurs clefs. Il nous faut the right man or the right woman in the right place », avait-il déclaré. Cette remarque est plus que jamais d’actualité. D’autant plus que nous assistons à une érosion de notre taux de croissance économique.

Les plus pessimistes des observateurs estiment que la dégradation sociétale va se poursuivre et que nous n’avons pas encore touché le fond tandis que d’autres sont d’avis qu’il n’est jamais trop tard et qu’un sursaut est toujours possible.

Toutefois, pour aider le pays à retrouver ses repères dans cette course effrénée vers l’argent facile, plusieurs conditions sont nécessaires. D’abord, il est important de corriger les inégalités grandissantes qui caractérisent de plus en plus notre société. Le problème d’insécurité n’est d’ailleurs pas étranger à l’agrandissement du fossé entre les « have » et les « have not ». Ce faisant, il faut s’assurer que les règles du jeu sont claires et respectées par tout un chacun. Cela afin de permettre à chaque citoyen d’aspirer à un meilleur niveau de vie à travers l’autonomisation et l’indépendance économique.

Dans cette équation, il ne faut surtout pas oublier d’inclure les employeurs du pays car ils ont aussi un rôle important à jouer. En récompensant l’effort, ils ne manqueront pas d’envoyer un signal fort à ceux qui sont convaincus que pour réussir dans le pays, il est impératif d’être bien connectés, que ce soit sur le plan politique ou économique.

Reste à savoir si nous avons vraiment la volonté de stopper la dégénérescence de notre tissu social ou si nous souhaitons perpétuer le système de rodeurs boutes dont certains donnent l’impression de maîtriser désormais tous les rouages. À nous de choisir !

Tags:

You Might also Like