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Édito

Gare au GAAR !

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Gare au GAAR ! | business-magazine.mu

La dernière réunion du comité mixte indo-mauricien sur les amendements à être apportés au traité fiscal s’étant terminée «en eau de boudin», faut-il désormais se préparer à un retour de manivelle avec l’entrée en vigueur du General Anti-Avoidance Rule (GAAR) ?

La question agite actuellement le landerneau économique. Il ne pouvait en être autrement après que l’ex-ministre des Finances, Vishnu Lutchmeenaraidoo, a lui-même avoué avoir demandé à la délégation indienne, de passage dans l’île au début du mois (1er au 3 mars) pour des consultations techniques, de laisser la convention fiscale intacte en attendant l’application du GAAR.

Introduit par l’ex-ministre des Finances et actuel président indien, Pranab Mukherjee, dans le Budget 2012-13, la mise en application du GAAR a été reportée au 1er avril 2016 par son successeur, Palaniappan Chidambaram. L’actuel titulaire, Arun Jaitley, a quant à lui annoncé, en février dernier, son application à partir du 1er avril 2017.

Aux dires des autorités indiennes, l’idée est de trouver le juste équilibre entre les recettes fiscales et les intérêts des investisseurs. Pas question donc d’avoir des appréhensions ? Il est permis d’en douter. Nombre d’opérateurs considèrent cet instrument comme une arme qui permettra à Mother India d’agir unilatéralement contre Maurice car il aura préséance sur la convention fiscale. Cela, en dépit du fait que la Grande péninsule partage des liens affectifs et historiques très étroits avec notre île.

Actuellement, une douzaine de pays à travers la planète ont adopté le GAAR. Ils sont, entre autres, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, le Canada, la Chine, Singapour, l’Italie, l’Afrique du Sud, le Kenya et l’Australie. L’Inde et la Pologne sont parmi les juridictions où la question fait l’objet de débats de temps à autre.

Selon le Fonds monétaire international, l’objectif ultime du GAAR est d’empêcher les tentatives d’évasion fiscale. C’est donc un outil de dernier recours entre les mains du fisc pour endiguer toute pratique jugée abusive. C’est dire le pouvoir qui sera conféré aux officiels indiens. Mais qui dit pouvoir, dit aussi risque. Le département légal du FMI considère justement que la tâche se révèle souvent délicate pour tirer les lignes entre les transactions qui tombent sous le GAAR et celles qui ne le sont pas.

Pour que le GAAR soit une réussite, notamment quant aux objectifs recherchés, plusieurs conditions doivent être réunies. Le FMI ne manque pas de le rappeler dans un document en date de janvier dernier. Les auteurs estiment que cela dépendra de : «(1) the legal design and drafting of the GAAR, and (2) the capacity of the tax authority to appropriately apply the GAAR in a measured, even handed and predictable way.»

Ils soulignent au passage que certains pays ont même institué des dedicated GAAR panels. Eu égard aux pouvoirs étendus qui sont octroyés aux autorités fiscales, il est aussi important de considérer les infrastructures du pays pour le règlement de litiges. L’institution de Bretton Woods recommande donc une gestion prudente de la mise en application du GAAR dans les pays en développement.

Malgré les assurances du Trésor public indien aux investisseurs, il faut s’attendre à une grande nervosité durant la période menant à l’application du GAAR. À moins qu’une fois de plus la main invisible du marché n’intervienne en notre faveur, comme cela a été le cas dans le passé, poussant New Delhi à changer son fusil d’épaule. Du wishful thinking bien évidemment ! Mais que voulez-vous, même celui qui occupait jusqu’à tout récemment le portefeuille des Finances, Vishnu Lutchmeenaraidoo, n’y croit plus. N’a-t-il pas insisté pour que nous cessions «de nous accrocher à quelque chose(ndlr : traité fiscal) qui a fait son cycle» ?

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