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Édito

La Chine suscite les convoitises

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Fragilisée par la crise énergétique et l’envolée des prix de l’alimentaire découlant des conséquences de la guerre en Ukraine et craignant une relocalisation des entreprises américaines engagées dans la fabrication de semi-conducteurs suivant l’adoption du Chips and Science Act par l’administration Biden avec, à la clé, des subventions de 52,7 milliards de dollars, l’Union européenne se retrouve aujourd’hui au pied du mur et malgré ses critiques contre Beijing qu’elle a, maintes fois, accusé de soutenir la Russie en l’aidant à contourner les sanctions, exprime désormais la volonté de renforcer ses relations diplomatiques et commerciales avec la Chine.

C’est dans ce contexte de profonde déprime de l’économie européenne avec une croissance famélique de 0,7 % attendue dans la zone euro et en France, selon le Fonds monétaire international, qu’Emmanuel Macron a dirigé une visite diplomatique de trois jours en Chine, accompagné de la présidente de l’Union européenne, Ursula von der Leyen, et des représentants d’une soixantaine de grandes entreprises, dont Airbus, Danone, Veolia, EDF, L’Oréal et BNP Paribas.

Outre sa requête auprès de Xi Jinping pour qu’il agisse comme médiateur et intervienne auprès de Vladimir Poutine pour mettre un terme à la guerre en Ukraine, Emmanuel Macron a surtout plaidé en faveur d’un rapprochement avec la Chine sur le plan strictement commercial. Vue sous cet angle, la mission est fructueuse avec une moisson de contrats sécurisés par Airbus, EDF, L’Oréal ou encore CMA-CGM. Dans le cas d’Airbus, l’avionneur a obtenu le feu vert des autorités chinoises pour l’installation d’une deuxième ligne d’assemblage à Tianjin, laquelle sera en service à partir du second semestre de 2025. Ce qui lui permettra de doubler sa capacité de production. Les perspectives d’affaires sont extrêmement intéressantes pour Airbus car le besoin d’avions neufs pour les deux décennies à venir en Chine devrait avoisiner les 8 500 appareils, a indiqué Guillaume Faury, le président exécutif d’Airbus.

De tels accords hautement lucratifs scellés avec Beijing à la faveur d’une visite d’État permettent à la France, ainsi qu’à l’Europe, de planifier plus sereinement leur politique industrielle et doivent, sans doute, rasséréner Emmanuel Macron qui n’a toujours pas digéré le mauvais tour que lui a joué l’alliance militaire Australie–Royaume-Uni–États-Unis, avec l’annulation de la vente de sous-marins français pour un montant de 56 milliards d’euros.

Au-delà des déclarations politiques selon lesquelles elle condamne timidement la proximité de la Chine avec la Russie, Bruxelles sait pertinemment qu’elle est dans une situation d’interdépendance avec Beijing. Ainsi, depuis 2020, la Chine est devenue le principal partenaire commercial de l’Union européenne. Malgré la pandémie, le commerce bilatéral entre les deux partenaires est passé de 709 milliards de dollars à 732 milliards de dollars entre 2020 et 2021. Dans le même temps, les importations européennes de la Chine ont augmenté de 30 % de 2019 à 2021. Un tel partenariat est «too big to fail».

Au milieu du chaos provoqué par le conflit russo-ukrainien, la Chine émerge comme une force incontournable. Aujourd’hui, elle est clairement le fer de lance de l’Organisation de coopération de Shanghai. Son influence sur les Russes et les Européens est indéniable. La guerre en Ukraine a refaçonné la géopolitique mondiale. Et c’est certainement la Chine qui profite le plus de ce rééquilibrage des forces entre l’Ouest et l’Est. Aujourd’hui, c’est sereinement que l’Empire du Milieu affiche ses ambitions de devenir la plus grande puissance au monde d’ici à 2049. Les États-Unis sont résolus à freiner la montée en puissance de la Chine, notamment en restreignant les exportations de semi-conducteurs vers des entreprises chinoises. Mais jusqu’où pourront-ils empêcher les Chinois d’accéder aux technologies sensibles ?

Les Américains eux-mêmes doivent composer avec une préoccupation majeure, la dédollarisation. Ce processus a été accéléré dans le sillage de la guerre en Ukraine. Graduellement, le dollar perd son influence comme la devise du commerce et la monnaie de réserve mondiale. Par exemple, des pays d’Asie, avec la Chine en première ligne, achètent le pétrole russe avec de l’or. D’où la remontée du métal jaune dont la valeur a dépassé les 2 000 dollars. Selon les données du World Gold Council, en ces temps de crise, l’or s’impose à nouveau comme une valeur refuge. L’année dernière, les banques centrales ont acheté pas moins de 1 136 tonnes d’or. Les BRICS sont également déterminés à casser l’hégémonie du dollar, qui compte pour environ 50 % du commerce dans le monde. Leur objectif : créer leur propre monnaie afin de s’éloigner du dollar, mais aussi de l’euro.

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