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Édito

La réalité des chiffres

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La réalité des chiffres | business-magazine.mu

Austère et froid, le langage des chiffres est souvent implacable. Car il nous ramène à une certaine réalité qu’autrement nous aurions pu essayer d’occulter ou encore refuser de regarder en face. Comme c’est très souvent le cas à Maurice.

Ceux qui ne se laissent pas guider par leur fantasme ont donc compris le message que nous envoient les chiffres depuis quelques semaines déjà. Un message qui se résume aujourd’hui en une phrase : le pire n’est pas encore derrière nous.

Cela a non seulement le mérite d’être clair et direct, mais il se révèle également être une véritable douche froide, plus particulièrement pour ceux qui avancent, depuis le début de l’année, que 2013 sera meilleure que 2012.

Il a fallu un premier coup de semonce de l’institut national des statistiques, en mars dernier, pour comprendre qu’une plus grande prudence est nécessaire face au manque persistent de visibilité.

Statistics Mauritius a, en effet, procédé à une première révision de ses prévisions de croissance en mars, pour les amener à 3,5 %. Cela, après s’être montré légèrement moins optimiste que le ministre des Finances en décembre, en tablant sur une croissance de 3,7 %. Alors que lors de son discours du Budget le mois précédent, Xavier Duval estimait que le taux de croissance économique grimpera à 4 % cette année.

Pour justifier sa nouvelle position, le bureau des statistiques avait pointé du doigt une plus forte contraction dans le secteur de la construction. Or, depuis cette annonce, d’autres indicateurs se sont aussi dégradés.

La France, principal marché émetteur pour notre secteur touristique, est entrée en récession. Compte tenu du poids de cette industrie dans le produit intérieur brut, cet élément ne manquera pas d’impacter sur la progression de la croissance.

D’ailleurs, Statistics Mauritius a indiqué, lundi, qu’il s’attend à des arrivées touristiques inférieures à 1 million pour l’ensemble de 2013. Une démarche qui intervient dans le sillage de la baisse des recettes de cette industrie au premier trimestre.

Et si l’on en croit la dernière enquête trimestrielle menée par la Banque centrale européenne, la situation n’est pas près de s’améliorer dans la zone euro. En effet, les prévisionnistes professionnels sondés par l’institution européenne prévoient désormais une contraction de 0,4 % du PIB des 17 pays de la zone euro cette année, alors qu’une précédente étude pointait dans le sens d’une stagnation du PIB de cette région.

Une telle situation ne sera pas sans conséquence sur des secteurs clefs de notre économie, étant donné que le Vieux Continent est également le premier acheteur de nos biens et services. Les analystes de la Mauritius Commercial Bank, qui ont charcuté leurs estimations initiales de croissance de 30 points de base pour l’amener à 3,2 %, avaient déjà anticipé l’impact de la fragilisation de l’environnement économique européen sur nos industries.

Les bilans financiers publiés ces derniers jours reflètent aussi les difficultés rencontrées par les sociétés mauriciennes pour écouler leurs produits ou encore pour attirer les touristes vers la destination.

Les groupes hôteliers jettent d’ailleurs le blâme sur la baisse dans les arrivées en provenance de l’Europe pour expliquer la chute de profitabilité. Certains analystes vont même plus loin en dressant un parallèle entre le recul des revenus touristiques pendant les trois premiers mois de l’année et un changement des habitudes au niveau des dépenses chez le visiteur européen qui fait face à l’érosion de son pouvoir d’achat.

Les perspectives ne s’annoncent guère reluisantes. Ce n’est pas nous qui le disons, mais les institutions qui sont au cœur des opérations financières et économiques  du pays.

Bien qu’elle ait noté une progression de plus de 20 % de ses bénéfices, la State Bank of Mauritius soutient que l’incertitude en Europe continue de « peser sur les possibilités de croissance de Maurice, en particulier pour le tourisme et les exportations ». Qui plus est, la deuxième banque du pays estime que la demande de crédit bancaire continuera d’être affectée par la morosité du climat d’investissement.

L’investissement, c’est justement le tendon d’Achille de l’économie mauricienne. C’est le constat de la Chambre de commerce et d’industrie qui considère que les manquements à ce niveau entraîneront le pays vers une croissance inférieure à 3 %. À moins d’un sursaut national, nous serons une nouvelle fois en train de fantasmer sur une croissance de 4 % dans quelques mois.

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