Type to search

Édito

Le cycle vicieux de l’inflation

Share

L’opinion publique, sur la base des commentaires hétéroclites formulés sur le Budget 2023-2024, reste largement partagée sur plusieurs questions. Notamment est-ce que les “cadeaux” ou “panadol” distribués par le Docteur Padayachy vont-ils pouvoir surmonter les effets à venir de ce dernier Budget terriblement inflationniste ? Quel sera l’impact du nouveau régime fiscal progressif si on n’a pas su corriger les imperfections criardes de la contribution sociale généralisée ? Avons-nous réellement réduit la dette publique et pouvons-nous aspirer à une croissance économique de 8 % alors que le PIB régresse et que la croissance mondiale ralentit (croissance ramenée à 2,8 % par le FMI pour 2023)? Et quid de notre roupie ? Pourra-t-elle se refaire une santé ou va-t-on la laisser glisser encore pourfaire gonfler des réserves virtuelles ou faire profiter ceux qui tirent profit d’une roupie faible ? Pourquoi ne parle-t-on pas de mesures pour booster la productivité nationale bien trop molle alors que l’on annonce la création de dizaines de milliers d’emplois ? Et pourquoi de plus en plus de nos jeunes quittent le pays pour aller travailler ailleurs ? Est-ce lié au déclin de la démocratie et la descente vers l’autocratie ?

L’overdose des réactions post-budgétaires va se poursuivre dans les jours et semaines à venir. Et dans ce concert abrutissant de réactions, il faut ajouter les voix pas toujours réconciliables des syndicats (du privé versus du secteur public), et celles pas toujours audibles des entrepreneurs (exportateurs ou importateurs). Mais fondamentalement, indépendamment de notre perspective, il y a lieu de poser la question centrale : comment le gouvernement fera-t-il pour financer son chapelet de projets, dans tous les villages et quartiers de Maurice ?

Comment pouvons-nous oublier que la base du premier Budget de ce gouvernement (qui est aussi le premier Budget post-lockdown) repose d’abord et avant tout sur du Helicopter Money – ce terme que Rama Sithanen avait lancé, dans l’espace public local, en plein confinement et qui a été accueilli comme une bouée de sauvetage inespérée par ce gouvernement ?

Gouvernement qui était, rappelons-le, déjà sous perfusion à l’Intensive Care Unit avant le coronavirus. En 2020, Dev Manraj et son équipe de techniciens avaient sauté sur l’aubaine politique que représentait l’Helicopter Money, tant il fallait, coûte que coûte, préserver les emplois face à la double crise sanitaire et économique. Sans rentrer dans les méandres de la ponction des Rs 60 milliards de la Banque centrale, encore moins sur les Rs 80 milliards qui sont allées dans les caisses non transparentes de la MIC, devenue un ATM pour le gouvernement, il demeure clair, pour nous, qu’on ne peut pas bâtir un Budget «équilibré» si vous prenez un argent qui ne vous appartient pas à la base et que vous faites toujours comme s’il n’y avait pas lieu de le rembourser.

Le Budget de Padayachy repose sur le reste de l’Helicopter Money et sur l’inflation galopante, qui est une taxe sur le peuple mais une amie pour le ministre des Finances et la MRA. Un modèle de consommation alimenté par la dette et stimulé par les stéroïdes, mais c’est dangereux pour l’avenir. Ce type de budget tend à créer une plus grande dépendance d’une catégorie de travailleurs sur l’État. De plus en plus vont dépendre des prébendes de l’État. Et comme l’État n’a pas assez de recettes fiscales pour financer tout cela, il aura tendance, lui, à dépendre de l’inflation. Cycle on ne peut plus vicieux !

Sur le plan politique, l’Opposition devra, lui, jouer à la surenchère dans un monde dominé par la Money Politics. Si tu promets Rs 13 500, moi, je vais donner Rs 15 000.

Une inflation de 5 % demeurera fort élevée pour une économie comme la nôtre, même si on exagère le niveau de croissance réelle. Ce qui est triste, c’est que beaucoup ne réalisent pas qu’ils reçoivent de l’argent dont la valeur dégringole. Est-ce dû à notre système d’éducation publique qui ne favorise pas l’émergence de l’esprit critique ? Ce budget, si on ne fait pas gaffe, va lier les mains de tous les futurs gouvernements parce qu’une fois que vous donnez des sous à la population pour la calmer (sur le court terme), il est très difficile de les reprendre ensuite… si vous voulez rester au pouvoir ou délaisser les bancs de l’opposition.

Tags: