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Pierre Dinan : «Je suis plus préoccupé par la balance commerciale que par le budget»

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Au-delà du contenu du programme socioéconomique qu’il renferme, le budget pourra être mis en oeuvre efficacement si les décideurs politiques et économiques, ainsi que l’ensemble de la population, montrent une volonté farouche de se battre pour s’en sortir car nous sommes une économie ouverte sur le monde qui reste fortement vulnérable aux conséquences de la guerre en ukraine, insiste Pierre Dinan. l’économiste se dit, par ailleurs, préoccupé par notre penchant pour la surconsommation qu’il convient de réduire afin d’alléger la pression sur la balance commerciale. La solution réside dans l’accroissement de notre offre de biens et de services par le biais de notre propre production.

Le ministre des Finances estime que les mesures annoncées dans le Budget insuffleront un climat de confiance et permettront de générer une croissance additionnelle de 2 % du PIB et de créer 40 000 emplois supplémentaires. Partagez- vous son optimisme ?

Malgré ce qu’on dit à l’effet qu’il s’agit d’un Budget visant à plaire à la population, il y a quand même du sérieux dans les mesures qui ont été annoncées. Déjà, il convient de saluer le ministre des Finances qui, malgré son discours prolongé, n’a pas bu une seule goutte d’eau. Cependant, l’exercice fiscal ne se limite pas uniquement à sa rédaction. Il est maintenant essentiel de voir dans quel contexte, voire dans quelle ambiance il sera exécuté. C’est cette ambiance qui, en outre, définira et instaurera ce climat de confiance parmi le peuple mauricien.

Pour être honnête, tout ce qu’on souhaite, c’est que le Budget permette d’instaurer ce climat de confiance. Or, la confiance ne dépend pas seulement des mesures budgétaires; elle est également influencée par l’ambiance qui règne dans le pays. Il est regrettable de constater que celle-ci est actuellement entachée de semaine en semaine par des cas de malversations des biens publics et de corruption, et autres rapportés dans la presse.

Pour qu’un Budget puisse réussir, il est essentiel de promouvoirune excellente gouvernance,provenant tant de la part des autorités publiques que de tous les citoyens, qu’il s’agisse des chefs d’entreprise, des gestionnaires, des professionnels ou des ouvriers. En tant que Mauriciens, il est primordial d’avoir ce désir et cette volonté de s’en sortir. Nous devons être conscients que la situation actuelle est due à la pandémie et aux perturbations mondiales, notamment le conflit larvé entre l’Ukraine et la Russie qui crée d’autant plus une atmosphère économique malsaine à travers le monde.

Il faut réaliser que Maurice possède une économie extrêmement ouverte, qui mérite d’être exploitée davantage. Il est souvent courant de se reposer sur le gouvernement et de se dire : «Qu’est-ce qu’on peut pour nous ?» Alors que la vraie question demeure : «Qu’est-ce que nous pouvons faire pour notre pays ?» Là où je veux en venir, c’est qu’afin de concrétiser les annonces faites dans cet exercice fiscal, il est nécessaire que les Mauriciens prennent conscience des richesses présentes dans leur pays.

Pour vous dire que la qualité de la mise en oeuvre du Budget dépend certes de la bonne gouvernance, mais également de la volonté de chaque Mauricien de vouloir se sortir d’affaire, comme à l’époque des années 70. Il est essentiel que tous les citoyens se sentent investis d’une responsabilité et d’un désir de contribuer à la réalisation des objectifs fixés. La participation active de chacun, combinée à une gouvernance transparente et efficace, est essentielle pour que le Budget atteigne les résultats escomptés et bénéficie réellement à tous les Mauriciens.

Partagez-vous l’avis de Business Mauritius que le Budget représente un bon équilibre entre l’économie, le social et le développement durable ?

Alors, d’abord au niveau du social, je m’inquiète du fait que nous nous refusions toujours d’envisager la possibilité de cibler ceux qui sont dans le besoin sur le plan social. Ce faisant, nous pourrions leur apporter davantage d’aide. Au niveau du Budget, certaines mesures mises en place font d’ailleurs allusion au ciblage, même si ce n’est qu’en partie. Fort heureusement, le ministre des Finances a réalisé les bienfaits du ciblage. Il serait souhaitable qu’il réévalue maintenant lesdépenses considérables liées à l’aide sociale, notamment concernant les pensions des personnes âgées, qui sont appelées à augmenter d’année en année. L’idée est de pouvoir aider véritablement ceux qui en ont le plus besoin.

Par rapport au développement durable, j’espère sincèrement qu’il restera suffisamment de terres disponibles pour développer des projets de biomasse, sans que de vastes surfaces agricoles ne soient sacrifiées au profit de la construction de complexes d’appartements pour les étrangers ou de centres commerciaux.

Je ne nie pas l’utilité des centres commerciaux, ni ne remets en question leur développement. Cependant, je pense qu’il est crucial qu’on prenne conscience que si nous nous laissons aller à des excès de consommation, cela aura des effets négatifs sur notre précieuse balance commerciale.

Il est essentiel d’adopter une approche équilibrée, en veillant à ce que le développement économique ne compromette pas de manière irréversible notre environnement et nos ressources naturelles. Nous devons, en outre, favoriser une utilisation responsable des terres et de nos ressources, tout en nous engageant dans des pratiques durables et en encourageant des alternatives respectueuses de l’environnement.

Je tiens, par ailleurs, à souligner qu’aujourd’hui, la balance des paiements et la balance commerciale de notre économie sont de réels sujets de préoccupation auxquels il est crucial de trouver des solutions. Dans cette optique, il est essentiel de réduire notre penchant pour la surconsommation et d’augmenter notre offre de biens et de services par le biais de notre propre production. Cela implique de promouvoir et de soutenir les industries locales, de favoriser l’entrepreneuriat et l’innovation, et d’encourager la production nationale. En renforçantnotre capacité à répondre à la demande intérieure, nous réduirons notre dépendance des importations et favoriserons une balance commerciale plus équilibrée.

De plus, il est important de mettre en place des politiques visant à réduire nos importations non essentielles. Cela peut se faire par le biais de mesures telles que la promotion de produits locaux, l’encouragement des initiatives de substitution aux importations et la recherche de nouvelles opportunités d’exportation.

En adoptant ces approches, nous pourrons progressivement réduire les déséquilibres de notre balance des paiements et favoriser une économie plus résiliente et durable. Il est nécessaire de promouvoir la production à Maurice, que ce soit dans le secteur agricole, l’industrie manufacturière et le secteur des services. Sans oublier l’aspect financier, y compris les transactions transfrontalières, ainsi que le domaine de la technologie informatique.

Un autre point très important concerne la formation, qui doit commencer dès l’école. Nous sommes devenus trop dépendants de la main-d’oeuvre importée, alors que nous manquons de jeunes dans certains domaines. Beaucoup viennent de Madagascar pour nous aider, ce qui est positif, mais il est crucial que notre jeunesse ne se limite pas à être uniquement utilisatrice et consommatrice de technologies numériques. Elle doit également être formée et spécialisée pour pouvoir travailler dans cette industrie et dans des entreprises spécialisées. En effet, il est essentiel de valoriser les jeunes talents et de leur offrir des opportunités pour apporter une valeur ajoutée à leur pays.Si les jeunes se sentent reconnus et ont la possibilité de développer leur potentiel sur le territoire national, cela contribuera à résoudre le problème de la fuite des cerveaux. En offrant des perspectives attractives et des conditions favorables à leur épanouissement, nous pourrons réduire le nombre de jeunes qui quittent nos frontières pour chercher des opportunités ailleurs. Cela renforcera notre économie en conservant et en utilisant le talent et le dynamisme de notre jeunesse au profit de notre développement national.

De plus, pourquoi le gouvernement n’établit-il pas des cours destinés aux personnes âgées au lieu de simplement augmenter les pensions ? Cette question est légitime lorsqu’il s’agit de la formation.

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