Type to search

Édito

Misons sur l’innovation

Share
Eve

«L’innovation étant un facteur clé de la productivité des entreprises et de la croissance économique à long terme, elle devrait être la principale cible des aides publiques dans le cadre d’une politique industrielle moderne»

L’orientation de l’innovation et la diffusion technologique figureront parmi les principales priorités pour la relance immédiate de l’économie. À mesure que les gouvernements élaboreront des programmes de soutien ambitieux pour l’économie, en s’appuyant sur des conditions de financement favorables, ils devront trouver un équilibre entre l’urgence de résultats immédiats – notamment en termes de création d’emplois – et la nécessité de commencer à préparer une transformation économique plus large vers les marchés de demain.

Le financement public de la Recherche & Développement (R&D) fait partie des types d’investissements qui peuvent générer le plus grand nombre d’emplois de bonne qualité. On estime que dans les économies de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), cinq nouveaux emplois sont créés pour chaque million de dollars investi dans la R&D publique, et deux fois plus lorsque l’investissement passe par des établissements d’enseignement supérieur. La transformation économique à long terme et la transition vers un paradigme plus durable et inclusif ne seront possibles qu’en investissant dans le bon type de produits, services et technologies qui permettront à notre société de générer la croissance économique et la prospérité.

L’innovation étant un facteur clé de la productivité des entreprises et de la croissance économique à long terme, elle devrait être la principale cible des aides publiques dans le cadre d’une politique industrielle moderne. Les dépenses totales de R&D à Maurice s’élèvent à environ Rs 1,8 milliard, ce qui représente 0,37 % du PIB, un chiffre faible compte tenu de l’objectif de dépenses de R&D de 1 % du PIB pour les pays africains, tel qu’approuvé par le Conseil exécutif de l’Union africaine. 72,6 % du total des fonds de R&D proviennent du secteur public, tandis que les entreprises ne contribuent qu’à hauteur de 12,7 % du total des dépenses de R&D.

À titre de comparaison, les économies innovantes ont une Gross Expenditure (GERD) supérieure à 1,15 %, la Business Expenditure (BERD) étant plus élevée que la Higher Education Expenditure (HERD) ou la Government Expenditure (GOVERD). Dans les économies développées telles que le Japon, la Norvège, la Finlande et Singapour, il est clair que le pourcentage de financement de la R&D provenant des entreprises est beaucoup plus élevé que les investissements publics dans la R&D, avec la BERD dépassant 1 % et même 2 % dans certains cas. La tendance pour les États africains, y compris Maurice, est très différente, les BERD étant généralement inférieures à 0,05 %, Maurice faisant légèrement mieux avec une BERD de 0,07 %. Dans la région africaine, l’Afrique du Sud est en tête de liste avec une BERD de 0,34 %.

Par ailleurs, si la croissance économique de Maurice a été robuste au cours des dernières décennies, celle-ci a été initialement portée par un processus de transformations structurelles. À mesure que ce processus ralentit, le pays doit se tourner vers des améliorations durables dans ses secteurs existants, tout en encourageant l’innovation dans de nouveaux secteurs hautement productifs.

Selon le rapport Mauritius Productivity Study de la Banque Mondiale, les entreprises mauriciennes semblent bien réussir en matière d’innovation de produits par rapport à leurs pairs à revenu élevé, mais sont à la traîne pour l’innovation de processus, qui peut être essentielle pour la productivité. Le faible taux d’innovation de processus se reflète également dans la faible adoption de la fabrication automatisée et de la gestion automatisée des stocks. À titre d’exemple, s’agissant de la principale technologie utilisée pour organiser l’inventaire, 26,8 % des entreprises utilisent une gestion manuscrite de l’information tandis que 60,8 % font la mise à jour manuellement à l’aide d’ordinateurs. Seules 12,4 % des entreprises utilisent un management system software. Ceci est encore illustré par la faible utilisation des canaux en ligne pour les achats et les ventes.

Effectivement, avant la Covid-19, une écrasante majorité d’entreprises n’avait pas d’achats ou de ventes en ligne. Pour les entreprises pratiquant l’e-commerce, les ventes en ligne représentent 30,9 % des ventes totales. Ces entreprises utilisent un mélange de plateformes en ligne avec 71,4 % utilisant une plateforme web conçue pour la vente, 37,3 % utilisant des plateformes de médias sociaux, 56,4 % utilisant le site web de l’établissement et 13,4 % utilisant une application pour Smartphone. Il est également important de noter que si la Covid-19 a conduit à une augmentation ou à l’introduction des ventes en ligne pour 34 % des entreprises dans le monde, à Maurice, seul un quart des entreprises a connu cette impulsion.

L’innovation de procédés est plus probable dans le secteur manufacturier, mais il existe un groupe d’entreprises qui innove systématiquement dans les produits, les procédés et les dépenses en R&D. Les entreprises qui investissent dans la R&D et l’innovation de procédés ont également tendance à entreprendre des innovations de produits. Celles-ci représentent environ 7,9 % et sont principalement concentrées dans le secteur manufacturier et la transformation alimentaire. D’un autre côté, les secteurs des services, ainsi que le secteur des textiles et des vêtements, ont un taux élevé d’innovation de produits axée sur le consommateur et moins d’innovation de processus axée sur l’efficacité.

D’un autre côté, l’innovation en matière de produits consiste principalement à améliorer la qualité, la variété et l’esthétique. Les entreprises ont également montré une tendance à adapter des produits d’autres segments et à les introduire dans de nouveaux segments. En termes d’innovation de processus, les entreprises semblent se concentrer davantage sur l’absorption de la technologie. Les entreprises qui ont introduit de nouvelles machines ont généralement acheté ces dernières au lieu de les développer en interne. Les grandes entreprises ont une plus grande propension à apporter des innovations en termes de produits et de processus et dépensent beaucoup plus en R&D.

Les secteurs Tic et des services sont plus enclins à introduire des innovations de produits. Les entreprises manufacturières sont, elles, plus susceptibles d’innover au niveau des produits et des procédés «nouveaux pour le marché». Les entreprises manufacturières ont une plus forte propension à investir dans la R&D. Les entreprises de l’industrie alimentaire, en particulier, investissent beaucoup dans la R&D, ce qui peut expliquer pourquoi leur productivité est plus élevée. Les secteurs des services, notamment le commerce de détail et les transports, sont moins enclins à investir dans la R&D. Une analyse plus poussée en fonction des caractéristiques des entreprises a montré que les entreprises exportatrices, celles appartenant à un conglomérat et celles qui réalisent des investissements directs à l’étranger sont plus susceptibles d’introduire de nouveaux produits ou services, d’innover en matière de processus ou de dépenser dans la R&D.

À ce sujet, le Mauritius Research and Innovation Council (MRIC) propose plusieurs programmes visant à stimuler la créativité, l’innovation et la recherche au sein des entreprises mauriciennes. Des fonds ont d’ailleurs été affectés au financement d’entreprises innovantes et au développement d’idées novatrices.

Ainsi, le renforcement des capacités des acteurs publics et privés chargés de concevoir et de mettre en œuvre des stratégies d’innovation est une condition préalable à une transformation réussie. L’innovation bénéficie de l’interaction d’experts ayant des points de vue ou des antécédents différents. Donc, l’amélioration de la diversité, de l’équité et de l’inclusion dans l’ensemble de la chaîne d’innovation sera fondamentale pour élargir le vivier de talents potentiels, améliorer la capacité des nouvelles solutions à refléter les besoins de la société.

 

Eve Fidèle

Tags:

You Might also Like